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29/04/2009 | FRANCE | N°07-44798;07-44813

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 avril 2009, 07-44798 et suivant


Vu leur connexité, joint les pourvois n° P 07-44. 798 et E 07-44. 813 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 septembre 2007) que M. X..., engagé le 1er juin 1988 en qualité de responsable recherche et développement a été licencié par la société Grundig France, le 27 octobre 2000, pour faute lourde ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par une faute lourde et de le débouter de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1° / que le salarié soutenait, offres de preuve à l'appui, a

voir fait l'objet d'un véritable harcèlement moral (pressions psychologiques, i...

Vu leur connexité, joint les pourvois n° P 07-44. 798 et E 07-44. 813 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 septembre 2007) que M. X..., engagé le 1er juin 1988 en qualité de responsable recherche et développement a été licencié par la société Grundig France, le 27 octobre 2000, pour faute lourde ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par une faute lourde et de le débouter de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1° / que le salarié soutenait, offres de preuve à l'appui, avoir fait l'objet d'un véritable harcèlement moral (pressions psychologiques, insultes, manoeuvres de déstabilisation, attitude inhumaine, intimidation …), doublée de discrimination, et en dernier lieu d'une humiliation certaine après que son supérieur hiérarchique, en réponse à une demande d'augmentation légitime en l'état d'une importante ancienneté et d'une compétence louée et reconnue, lui avait fait une proposition de baisse de sa rémunération suivie de l'engagement d'une procédure de licenciement ; que le salarié concluait que dans ce contexte de harcèlement et de déstabilisation, les deux mails litigieux adressés peu après sa convocation à l'entretien préalable ne pouvaient être constitutifs d'une quelconque faute ; qu'en se bornant à relever que le contenu de ces deux mails excédait les limites de la liberté d'expression du salarié et révélait son intention de nuire, sans à aucun moment se prononcer sur les faits de harcèlement et de discrimination invoqués, de nature à avoir provoqué le comportement excessif reproché au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du code du travail ;
2° / que le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que seul l'abus dans l'exercice de cette liberté d'expression est fautif et peut justifier un licenciement disciplinaire ; que ne constitue pas un abus l'expression par un cadre de haut niveau, sous forme de caricature, d'une divergence de vue sur la politique commerciale et le management de son président, dans le cadre d'un courrier électronique à diffusion interne et limitée ; qu'en l'espèce, pour déclarer le licenciement de M. X... justifié par une faute lourde, la cour d'appel lui a reproché d'avoir envoyé un mail destiné aux seuls dirigeants de la société mère pour caricaturer les méthodes désastreuses de gestion de son président dans les termes suivants : « la méthode c'est comme Pénélope, ce qu'il fait un jour, il le défait le lendemain … les prédicateurs à grande gueule ne sont bons qu'à charrier des cadavres et à donner des conseils de grand-mère » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'abus commis par l'exposant dans l'exercice de sa liberté d'expression susceptible de justifier un licenciement pour faute lourde, a violé les articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du code du travail ;
3° / que le salarié n'abuse de sa liberté d'expression que si les accusations ou soupçons proférés à l'encontre de son employeur se révèlent infondés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a reproché à M. X... d'avoir mis en cause l'honnêteté et la loyauté de M. Z... en insinuant qu'il se serait mis de l'argent dans les poches sur le dos de l'entreprise et qu'il aurait été influencé par l'entreprise concurrente Philips ; qu'en statuant ainsi sans relever que la fausseté de cette accusation était établie, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler l'abus de droit, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du code du travail ;
4° / que la faute lourde suppose l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que le seul fait pour un salarié de lancer des accusations à l'encontre de son dirigeant dans le cadre de l'entreprise ne caractérise pas l'intention de nuire du salarié ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement fondé sur une faute lourde, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « l'emportement du salarié contre le dirigeant de la société et la publicité donnée aux accusations formulées relevaient de l'intention de nuire » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-3 et L. du code du travail ;
5° / que la gravité de la faute en matière d'abus de liberté d'expression doit être appréciée en fonction de l'ancienneté du salarié, de ses fonctions, de l'absence de toute sanction antérieure et surtout du caractère isolé ou non du comportement reproché ; qu'en refusant de tenir compte de ces circonstances et en considérant au contraire que M. X..., cadre hiérarchiquement haut placé ayant plus de douze ans d'ancienneté, ne pouvait exciper de son « style habituel » et de l'absence de reproche antérieur pour justifier ses critiques à l'égard du président de la société, la cour d'appel a violé les articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du code du travail ;
6° / que la faute grave, et a fortiori la faute lourde, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que peu après son licenciement pour faute lourde, la société Grundig AG, société allemande mère de la société Grundig France, avait proposé de reprendre M. X... ; qu'en considérant, par motifs adoptés, qu'une telle proposition de reprise par la société Grundig AG était sans effet sur la faute commise par le salarié lorsqu'elle démontrait au contraire que le comportement reproché au salarié n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-14-3 et L. 223-14 du code du travail.
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que loin de se borner à critiquer la politique menée par la direction et la rudesse de ton du président, les messages adressés par voie électronique par le salarié à de nombreux collègues et aux dirigeants de la société mère allemande à l'occasion d'un litige qui ne les concernait pas, caricaturaient les méthodes de gestion du dirigeant de la société française dans des termes excessifs et mettaient en cause son honnêteté et sa loyauté envers l'entreprise en procédant par insinuations et questions insolentes ; qu'ayant retenu que ces faits, qui faisaient suite à de précédentes accusations injustifiées transmises à la société allemande et que l'ancienneté du salarié et l'absence de sanctions antérieures ne pouvaient excuser, étaient susceptibles d'influer sur la carrière du dirigeant de la filiale française, elle a caractérisé l'abus par l'intéressé de sa liberté d'expression et son intention de nuire à l'employeur ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'offre de reprise postérieure au licenciement émanait non de l'employeur mais d'une autre société du groupe, la cour d'appel a justement retenu qu'elle était sans incidence sur l'appréciation de la faute commise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen identique produit aux pourvois n° s P 07-44. 798 et E 07-44. 813 par la SCP Gatineau, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une faute lourde de l'AVOIR en conséquence débouté de toutes ses demandes relatives à son licenciement.
AUX MOTIFS PROPRES QUE la faute lourde, révélatrice de l'intention de nuire à l'entreprise ou l'employeur doit être prouvée par ce dernier au même titre que la faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'au regard de l'article L. 120-1 du Code du travail, le salarié bénéficie au sein de l'entreprise comme à l'extérieur d'une liberté d'expression dont la seule limite est l'abus ; que celui-ci est caractérisé par les propos excessifs, injurieux ou diffamatoires ; qu'en premier lieu, les mails dont s'agit n'excédent pas la liberté d'expression dévolue au salarié au sein de l'entreprise lorsqu'ils critiquent les choix des dirigeants de la société de manière circonstanciée et sans dérapage dans la forme (problèmes techniques … que faire pour inverser cette situation ? ») ; que la vulgarité des propos imputés à Monsieur Z... (« on traite les gens de NAC – nuls à chier) par Monsieur X... dans ses deux mails ne caractérise pas l'abus d'expression d'autant que la rudesse managériale du président de la société dans cette période commerciale difficile est confirmée par deux anciens salariés (Messieurs A... et Y...) ; que cependant, au-delà de la critique permise, Monsieur X... a entendu caricaturer les méthodes de gestion du dirigeant en employant des termes excessifs et irrespectueux (« la méthode c'est comme Pénélope, ce qu'il fait un jour il le défait le lendemain … les prédicateurs à grande gueule ne sont bons qu'à charrier des cadavres et à donner des conseils de grand-mère ») ; qu'il a remis en cause la personne même du directeur de la société en France par des insinuations relatives à son honnêteté (« de méchantes langues disent que chez GF, des personnes se sont mis de l'argent dans la poche sur le dos de GAG ») ou à sa loyauté à l'égard de l'entreprise (« je vois qu'il détruit l'entreprise. Est-il influencé par PHILIPS ? certaines mauvaises langues disent que oui. Même au SIMAVELEC, il se cramponne à la jambe de PHILIPS ») ; que le mail du 31 août précédent à la société allemande faisait déjà état de comptes travestis sans qu'aucune explication ou justification ne fonde cette accusation ; que ces mises en cause ont été transmises aux dirigeants de la société allemande susceptible d'influencer sur la carrière du dirigeant de la filiale française ; que le mail du 19 octobre a été transmis à de nombreux collègues alors même que la société traversait une période tendue ; que Monsieur X..., conscient de ses excès (« je n'ai pas pété les plombs ») le 19 octobre, les réitérera en les aggravant le lendemain sans que ces propos n'aient été de nature à « sauver l'entreprise » ou à empêcher son licenciement pour refus de modifier son contrat de travail ; que le conflit né de la remise en cause du mode de calcul de la rémunération de Monsieur X... ne concernait pas les destinataires des messages ; que les lettres antérieures de la direction à Monsieur X... ne comportaient pas de propos excessifs et injurieux qui auraient engendré la polémique virulente des deux côtés ; que Monsieur X... ne peut exciper de son « style habituel » et de l'absence de reproche antérieur de la société pour le justifier ; que les tractations postérieures au licenciement ne privent pas celui-ci de son fondement ; que l'attitude de Monsieur X... et l'exaspération en découlant ne lui permettaient pas de poursuivre l'exécution de son contrat de travail y compris pendant la période de préavis ; que de plus, l'emportement du salarié contre le dirigeant de la société et la publicité donnée aux accusations formulées, relevaient de l'intention de nuire confirmée par la plainte pénale déposée contre lui des chefs de faux et usage nonobstant l'assurance de la véracité du document incriminé ; que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Nanterre sera infirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave, cette mesure était justifiée par une faute lourde ; que Monsieur X... sera débouté de toutes ses demandes
ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE la lettre de licenciement du 27 octobre 2000 qui fixe les limites du litige est rédigée comme suit : « (…) – Le Jeudi 19 octobre, vous avez adressé à l'ensemble du Personnel y compris la force de vente itinérante, une note dans la messagerie électronique, mettant en cause votre Supérieur Hiérarchique direct le directeur de Marketing et, plus particulièrement, le Président de Grundig France dans des termes injurieux parfaitement inadmissibles. – Le vendredi 20 octobre, vous avez adressé à la Direction de Grundig AG une lettre dont les propos diffamatoires salissent l'encadrement de Grundig France à chaque niveau de responsabilité, le point d'orgue étant mis sur l'action du Président de Grundig France mettant en péril « la survie de Grundig France » (sic). Votre volonté de nuire au Président de Grundig France s'était déjà manifesté fin août lorsque vous aviez contacté la Maison Mère au sujet d'informations financières erronées qui auraient été communiquées au Comité d'Entreprise (…). Un nouvel exemple de votre état d'esprit délétère nous a d'ailleurs encore été donné à l'occasion de la proposition qui vous a été faite d'aligner les modalités de votre rémunération sur celle des autres Cadres de l'Entreprise. Vous avez refusé, considérant que cette proposition constituait en réalité « une man.. uvre de déstabilisation » (sic) de la part de votre hiérarchie (…) ; Le fait de dénigrer publiquement le Président auprès de l'ensemble du Personnel, la diffamation de l'encadrement de Grundig France sont passibles d'une faute lourde (…) » ; que la faute lourde est la faute commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que si le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression, encore faut-il que celle-ci ne dégénère pas en abus par la tenue de propos injurieux, excessifs ou diffamatoires ; qu'en l'espèce, par message électronique du 19 octobre 2000, Monsieur Bernard X... a adressé à plus de 70 salariés un message qualifié de « haute importance » dans lequel il évoque la perspective de son licenciement pour avoir refusé une réduction de son salaire de 16 %. Il écrit notamment : « le président cherche à me nuire. Je « n'ai pas pété les plombs » mais j'en ai assez de voir la dignité humaine bafouée au sein d'une entreprise à laquelle je suis attaché. J'en ai assez d'être systématiquement claqué contre le mur et d'assister à l'humiliation permanente du personnel dans les réunions animées par le président lorsqu'il s'agit de faire progresser la société. Même à l'usine dans les moments les plus difficiles (rappelez-vous l'année 1993) je n'ai pas pu constater à quelque moment que ce soit que l'on traite les gens de NAC (nuls à chier), souvent, fréquemment avec une répétition obstinée, dépassant les bornes. J'ai informé la maison mère de cette situation concernant le manque de respect de l'attitude inhumaine de la présidence envers les salariés. Je continuerai à vous aider du mieux que je pourrai tant que les circonstances me le permettront et toute marque de sympathie sera appréciées » ; que par lettre du 20 mars 2000 adressée en télécopie à Messieurs B..., C...et D..., Monsieur Bernard X... a encore écrit un document intitulé « Plaidoyer pour la survie de Grundig France » dans lequel ont peut lire notamment : « Monsieur Z... a vendu notre stock de Meaux, licencié son personnel et recherché des potentialités ailleurs. (…) Ce stock est toujours une catastrophe (…) De méchantes langues disent que chez GF des personne se sont mis de l'argent dans la poche sur le dos de GAG. Par cette incompétence, du matériel a été plus endommagé dans le stock sur dans le transport (…) Surnom de M. Z... : l'homme des tableaux. Dans chaque service, il faut faire des tableau une fois d'une façon et le lendemain autrement (…) Son leitmotiv : il invective en permanence le personnel : « vous êtes tous nuls à chier ». (…) Mon travail est porteur de succès. Je remercie cordialement ceux qui m'ont soutenu (…) Ou voyons-nous que l'entreprise peut survivre ? Avec des moutons, on ne gagne pas la guerre ! Encore moins, les prédicateurs à grandes gueules ne sont bons qu'à charrier des cadavres et à donner des conseils de grand-mères. Je suis persuadé que son style ne peut que conduire Grundig France à sa perte. Voyez le bilan de ses résultats (…) La méthode, c'est comme Pénélope : ce qu'il fait un jour, il le défait le lendemain. Pas de véritable conduite de management, que du blabla. Chacun est à son tour responsable. Technique de management. Personne n'a le droit à la parole ou d'analyser les problèmes, sinon il est immédiatement cloué au mur (…). Il sait trop bien nager entre les deux Vorstand. Combien de temps vont-ils encore le garder ? Avec les années, je vois qu'il détruit l'entreprise. Est-il influencé par Philips ? Certaines mauvaises langues disent que oui. Même au Simavelec il se cramponne à la jambe de Philips. (…) » ; que si le premier courrier électronique du 19 octobre 2000, largement diffusé dans l'entreprise, contient essentiellement des critiques très vives à l'égard de son employeur, c'est essentiellement le second courrier adressé le lendemain par Monsieur Bernard X... à des membres de la Direction de la société mère GRUNDIG qui comporte des propos excessifs mais aussi injurieux à l'égard du Président de la société GRUNDIG FRANCE, Monsieur Charles Z... ; que toute au long de cet écrit, Monsieur X... émet des critiques sur la politique commerciale et de management de Monsieur Z... et évoque son incompétence ; qu'au surplus, il insinue que « des personnes » auraient détourné de l'argent au détriment de la maison mère de la société GRUNDIG FRANCE, laissant à penser que Monsieur Z... pourrait être parmi ces personnes ; qu'à côté de termes vifs et « durs », comme il l'admet, qui pourraient rester dans les limites de sa liberté d'expression, le salarié emploie aussi des termes excessifs et dénué de tout respect envers le Président de la société en laissant entendre qu'il ferait partie « des prédicateurs à grande gueule (qui) ne sont bons qu'à charrier des cadavres et à donner des conseils de grand-mères » ; qu'enfin, toujours par des insinuations imputés à « des mauvaises langues » qu'il reprend à son compte, il indique que Monsieur Z... serait influencé par Philips, le concurrent direct de la société GRUNDIG FRANCE, en ajoutant qu'il « se cramponne à la jambe de Philips » ; que quand bien même le conflit né entre Monsieur Bernard X... et son Président à propos des modalités de sa rémunération était fondé, cela ne l'autorisait pas à tenir de tels propos à son égard, ceux-ci dépassant les limites de la liberté d'expression et de la critique que tout salarié peut d'exprimer à l'égard de son employeur ; qu'en effet, les propos contenus dans ce courrier du 20 octobre 2000 ont mis personnellement en cause Monsieur Z..., et non pas seulement sa gestion de chef d'entreprise, jetant un doute sur son honnêteté et son intégrité ; qu'ils sont exprimés en des termes excessifs et injurieux et dépassent les limites de la critique ; qu'enfin, les deux écrits litigieux ont été adressés à des tiers ; que de nombreux salariés pour le premier, les dirigeant de la société GRUNDIG AG, société mère allemande dont dépendait directement Monsieur Z... pour le second ; que le comportement irrespectueux de Monsieur Bernard X... avait déjà été relevé le 6 octobre 2000 par Messieurs B...et D..., ceuxla même auxquels le courrier du 20 octobre était adressé ; que ceux-ci avaient en effet informé Monsieur Charles Z... de ce qu'ils ne pouvaient reprendre l'intéressé en Allemagne dans la mesure où selon « les interlocuteurs Allemands qui sont en relation directe avec Monsieur Bernard X... depuis longtemps, ce salarié semble poser problème dans toutes les structures où il exerce son activité compte tenu de son incapacité à respecter toute forme de hiérarchie et les contraintes d'un travail en équipe » ; que de même, le 5 septembre 2000, Monsieur D...de la société GRUNDIG AG avait écrit à Monsieur Z... au sujet de Monsieur Bernard X... en lui demandant : « de clarifier au plus tôt la situation avec ce salarié dont les problèmes d'attitude et de comportement déjà signalés avec la centrale à Langwasser, portent préjudice à la bonne marche de l'entreprise Grundig France » ; que la proposition de reprise du salarié par la société GRUNDIG AG est sans effet sur la faute commise à l'égard de la société GRUNDIG FRANCE.
1°- ALORS QUE le salarié soutenait, offres de preuve à l'appui, avoir fait l'objet d'un véritable harcèlement moral (pressions psychologiques, insultes, manoeuvres de déstabilisation, attitude inhumaine, intimidation …), doublée de discrimination, et en dernier lieu d'une humiliation certaine après que son supérieur hiérarchique, en réponse à une demande d'augmentation légitime en l'état d'une importante ancienneté et d'une compétence louée et reconnue, lui avait fait une proposition de baisse de sa rémunération suivie de l'engagement d'une procédure de licenciement ; que le salarié concluait que dans ce contexte de harcèlement et de déstabilisation, les deux mails litigieux adressés peu après sa convocation à l'entretien préalable ne pouvaient être constitutifs d'une quelconque faute (cf. ses conclusions d'appel, p. 11) ; qu'en se bornant à relever que le contenu de ces deux mails excédait les limites de la liberté d'expression du salarié et révélait son intention de nuire, sans à aucun moment se prononcer sur les faits de harcèlement et de discrimination invoqués, de nature à avoir provoqué le comportement excessif reproché au salarié, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du Code du travail.
2°- ALORS en tout état de cause QUE le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que seul l'abus dans l'exercice de cette liberté d'expression est fautif et peut justifier un licenciement disciplinaire ; que ne constitue pas un abus l'expression par un cadre de haut niveau, sous forme de caricature, d'une divergence de vue sur la politique commerciale et le management de son président, dans le cadre d'un courrier électronique à diffusion interne et limitée ; qu'en l'espèce, pour déclarer le licenciement de Monsieur X... justifié par une faute lourde, la Cour d'appel lui a reproché d'avoir envoyé un mail destiné aux seuls dirigeants de la société mère pour caricaturer les méthodes désastreuses de gestion de son président dans les termes suivants : « la méthode c'est comme Pénélope, ce qu'il fait un jour, il le défait le lendemain … les prédicateurs à grande gueule ne sont bons qu'à charrier des cadavres et à donner des conseils de grand-mère » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé d'abus commis par l'exposant dans l'exercice de sa liberté d'expression susceptible de justifier un licenciement pour faute lourde, a violé les articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du Code du travail.
3°- ALORS QUE le salarié n'abuse de sa liberté d'expression que si les accusations ou soupçons proférés à l'encontre de son employeur se révèlent infondés ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a reproché à Monsieur X... d'avoir mis en cause l'honnêteté et la loyauté de Monsieur Z... en insinuant qu'il se serait mis de l'argent dans les poches sur le dos de l'entreprise et qu'il aurait été influencé par l'entreprise concurrente PHILIPS ; qu'en statuant ainsi sans relever que la fausseté de cette accusation était établie, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler l'abus de droit, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du Code du travail.
4°- ALORS en toute hypothèse QUE la faute lourde suppose l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ; que le seul fait pour un salarié de lancer des accusations à l'encontre de son dirigeant dans le cadre de l'entreprise ne caractérise pas l'intention de nuire du salarié ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement fondé sur une faute lourde, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer que « l'emportement du salarié contre le dirigeant de la société et la publicité donnée aux accusations formulées relevaient de l'intention de nuire » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'intention de nuire, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 122-14-3 et L. du Code du travail.
5°- ALORS QUE la gravité de la faute en matière d'abus de liberté d'expression doit être appréciée en fonction de l'ancienneté du salarié, de ses fonctions, de l'absence de toute sanction antérieure et surtout du caractère isolé ou non du comportement reproché ; qu'en refusant de tenir compte de ces circonstances et en considérant au contraire que Monsieur X..., cadre hiérarchiquement haut placé ayant plus de douze ans d'ancienneté, ne pouvait exciper de son « style habituel » et de l'absence de reproche antérieur pour justifier ses critiques à l'égard du président de la société, la Cour d'appel a violé les articles L. 120-2, L. 122-14-3 et L. 223-14 du Code du travail.
6°- ALORS QUE la faute grave, et a fortiori la faute lourde, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que peu après son licenciement pour faute lourde, la société GRUNDIG AG, société allemande mère de la société GRUNDIG FRANCE, avait proposé de reprendre Monsieur X... ; qu'en considérant, par motifs adoptés, qu'une telle proposition de reprise par la société GRUNDIG AG était sans effet sur la faute commise par le salarié lorsqu'elle démontrait au contraire que le comportement reproché au salarié n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-6, L. 122-14-3 et L. 223-14 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-44798;07-44813
Date de la décision : 29/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 avr. 2009, pourvoi n°07-44798;07-44813


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.44798
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