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09/04/2009 | FRANCE | N°08-12118

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 avril 2009, 08-12118


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale d'Auch, 19 décembre 2007), que la société Gers intérim, filiale dont le capital est détenu à 100 % par la société Toulouse intérim, et qui a pris en location-gérance un fonds de cette société-mère à compter du 1er janvier 2002, a fait l'objet, suite à un contrôle de l'URSSAF du Gers, d'un redressement pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ré

intégrant notamment dans le montant des cotisations dues, l'exonération dont cette ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale d'Auch, 19 décembre 2007), que la société Gers intérim, filiale dont le capital est détenu à 100 % par la société Toulouse intérim, et qui a pris en location-gérance un fonds de cette société-mère à compter du 1er janvier 2002, a fait l'objet, suite à un contrôle de l'URSSAF du Gers, d'un redressement pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 réintégrant notamment dans le montant des cotisations dues, l'exonération dont cette société pensait pouvoir bénéficier en application de l'article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 à la suite d'un accord de réduction anticipée du temps de travail conclu le 30 juin 1999 par la société Toulouse intérim, suivi d'une convention avec l'Etat ouvrant droit à une aide sous la forme d'une exonération de cotisations de sécurité sociale ; qu'estimant infondé le redressement, la société Gers intérim a saisi la juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société Gers intérim fait grief au jugement d'avoir rejeté son recours et de l'avoir condamnée à payer les sommes réclamées par l'URSSAF, alors, selon le moyen, que la mise en cause de l'application d'un accord d'entreprise ne résulte pas de plein droit du changement d'employeur ; que faute d'être mise en cause les dispositions d'un accord d'entreprise en vigueur au moment de la mise en location d'un fonds de commerce subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que ce n'est que "Lorsque l'application … d'un accord est mise en cause" que cet accord ne continue de produire ses effets que jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du préavis ; qu'en l'espèce, l'application de l'accord d'entreprise du 30 juillet 1999 régulièrement présenté à la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle le 1er juillet 1999 n'ayant pas été remise en cause lorsque la société Toulouse intérim a confié en location gérance l'un des fonds de ses commerces à sa filiale à 100 % Gers intérim, cet accord a perduré au-delà du délai d'un an suivant le transfert dudit fonds ; qu'en retenant le contraire pour valider le redressement opéré par l'URSSAF réintégrant dans l'assiette de ses cotisations les aides Aubry I dont elle avait bénéficié du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 122-12 et L. 132-8 du code du travail tels qu'applicables à l'époque ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 132-8, dernier alinéa, et de l'article L. 2261-14 du code du travail, qu'une location-gérance, qui entraîne changement d'employeur pour le personnel de l'ensemble transféré, met en cause au sens de ce texte les conventions et accords qui régissaient jusque-là ce personnel ; que la détention de 100 % du capital de la société locataire-gérant par la société qui met le fonds en location est sans effet sur cette mise en cause du statut collectif ;

Et attendu que le tribunal, qui a constaté qu'il y avait eu changement d'employeur par mise en location-gérance, en a exactement déduit que, même en présence d'une application unilatérale de l'accord caduc de réduction du temps de travail, le nouvel employeur ne pouvait s'en prévaloir pour revendiquer le bénéfice de l'exonération ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Gers intérim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gers intérim ; la condamne à payer à l'URSSAF du Gers la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat aux Conseils pour la société Gers intérim

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la société GERS INTERIM de son recours tendant à voir annuler le chef du redressement effectué à son encontre par l'URSSAF du GERS et afférent à l'application de la loi dite Aubry I au cours de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004.

Aux motifs qu' « en premier lieu qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L 132-8 du code du travail, lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, ladite convention ou ledit accord continue de produire effet conformément aux troisième et sixième alinéas du présent article; qu'en outre, une nouvelle négociation doit s'engager dans l'entreprise en cause, conformément aux cinquième alinéa du présent article, soit pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l'élaboration de nouvelles dispositions;
qu'il s'ensuit qu'il est de principe que la mise en cause d'un accord résulte de plein droit du changement d'employeur, contrairement aux contrats de travail qui sont, quant à eux, transmis en application de l'article L 122-12 alinéa 2 du même code;
en l'espèce que la société TOULOUSE INTERIM, qui avait conclu un accord d'entreprise, a donné à bail son fonds de commerce, pour le département du Gers, à son établissement de l'Isle Jourdain, qui est devenu, en même temps, une personne morale autonome : GERS INTERIM ;
Que par conséquent, en application des principes ci-dessus indiqués, les dispositions de raccord souscrit le 30 juin 1999 par TOULOUSE INTERIM n'ont pas été transférées à GERS INTERIM au-delà du délai d'un an prévu à l'alinéa 3 de l'article L 132-8 dès lors qu'une négociation ne s'est engagée dans GERS INTERIM soit pour adapter l'accord, soit pour le renouveler;
en second lieu que l'article L 243-6-2 du code de la sécurité sociale permet aux cotisants de se prévaloir des interprétations contenues dans les instructions et circulaires émanant de l'administration;
Que toutefois, la circulaire DGEFP n°2002-48 du 8 novembre 2002 émanant du ministre des affaires sociale, du travail et de la solidarité, n'a aucunement la portée que lui donne GERS INTERIM;
Qu'ainsi, cette circulaire rappelle, dans son introduction:
‘L'application combinée de l'article L 122-12 alinéa 2, qui garantit la subsistance des contrats de travail, et de l'article L 132-8 in fine, qui définit les modalités de survie des accords, permet de transférer dans certains cas de figure et sous certaines conditions les aides ou allègements liés à la réduction du temps de travail dont le bénéfice suppose l'application d'un accord collectif en vigueur';
Qu'au chapitre ‘les principes applicables', cette circulaire indique:
‘En cas de changement dans la situation juridique de l'employeur, le bénéfice des dispositions des conventions conclues (Robien, Aubry) peut être maintenu ou aménagé selon les règles énoncées ci-après, à la condition que ce changement dans la situation juridique de l'employeur (fusion, absorption, transfert, cession ... ) se fasse en application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail qui garantit la subsistance des contrats en cours entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise'
Que surtout, la circulaire précise:
‘Une convention conclue en application des deux lois précitées ne saurait subsister sans un accord d'entreprise dans lequel sont indiqués les engagements (durée du travail, création et maintien de l'emploi) repris dans la convention.'
Qu'ensuite, la circulaire rappelle les dispositions des articles L 122-12 et L 132-8 dernier alinéa du code du travail qui posent le principe qu'en cas de changement dans la situation juridique de l'employeur, une nouvelle négociation doit s'engager afin d'élaborer de nouvelles dispositions conventionnelles ou d'adapter l'accord existant puis, indique:
"Ces dispositions permettent de maintenir ou d'aménager les conventions dont découle le bénéfice des aides liées à la réduction du temps de travail en fonction de différents paramètres exposés ci-dessous.
Dans tous les cas, il est donc nécessaire :
- que les salariés soient couverts par un accord de réduction du temps de travail, ce qui suppose, selon les cas de modifier par voie d'avenant l'accord collectif, soit de conclure un nouvel accord,
- qu'un avenant à la convention initiale conclue avec l'Etat ou qu'une nouvelle convention soit conclue pour prendre en compte le nouveau périmètre de l'entreprise;
Qu'ensuite, la circulaire donne des exemples, non exhaustifs, dont aucun n'est semblable à la situation de GERS INTERIM;
en définitive l'examen de cette circulaire met en évidence qu'elle se limite à rappeler les dispositions législatives en matière de transfert d'accord collectif et elle n'a aucunement interprété ces textes comme transférant de plein droit le bénéfice de l'aide de l'article 3 de la loi n°98-461 du 13 juin 1998 à un nouvel employeur, même dans le cas où le ‘périmètre' de l'entreprise, c'est à dire les lieux de travail et nombre d'employés, n'a pas été modifié;
Que par suite, GERS INTERIM ne peut en invoquer les dispositions;
D'ou il suit que le recours doit être rejeté, le redressement confirmé et la demanderesse condamnée à payer les cotisations restant dues. »

Alors que la mise en cause de l'application d'un accord d'entreprise ne résulte pas de plein droit du changement d'employeur ; que faute d'être mise en cause les dispositions d'un accord d'entreprise en vigueur au moment de la mise en location d'un fond de commerce subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que ce n'est que « Lorsque l'application … d'un accord est mise en cause » que cet accord ne continue de produire ses effets que jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du préavis ; qu'en l'espèce, l'application de l'accord d'entreprise du 30 juillet 1999 régulièrement présenté à la Direction Départementale du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle le 1er juillet 1999 n'ayant pas été remise en cause lorsque la société TOULOUSE INTERIM a confié en location gérance l'un des fonds de ses commerce à sa filiale à 100% GERS INTERIM, cet accord a perduré au delà du délai d'un an suivant le transfert dudit fond ; qu'en retenant le contraire pour valider le redressement opéré par l'URSSAF réintégrant dans l'assiette de ses cotisations les aides AUBRY I dont elle avait bénéficié du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004, la Cour d'appel a violé ensemble les articles L.122-12 et L.132-8 du code du travail tels qu'applicables à l'époque.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-12118
Date de la décision : 09/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Bénéfice - Exclusion - Cas - Accord de réduction du temps de travail - Accord devenu caduc par mise en location-gérance

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Application - Location-gérance - Détention de 100 % du capital de la société locataire-gérante par la société qui met le fonds en location - Mise en cause de la convention ou de l'accord collectif - Portée

Une location-gérance entraîne changement d'employeur pour le personnel de l'ensemble transféré, et met en cause au sens de l'article L. 132-8, dernier alinéa, devenu L. 2261-14 du code du travail, les conventions et accords qui régissaient jusque là ce personnel. Est sans effet sur cette mise en cause du statut collectif, la détention de 100 % du capital de la société locataire-gérant par la société qui met le fonds en location. En a exactement déduit que, même en présence d'une application unilatérale d'un accord caduc de réduction du temps de travail, le nouvel employeur ne pouvait se prévaloir de cet accord pour revendiquer le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales correspondant audit accord


Références :

article L. 132-8, dernier alinéa, devenu L. 2261-14 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Auch, 19 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 avr. 2009, pourvoi n°08-12118, Bull. civ. 2009, II, n° 99
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, II, n° 99

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Rapporteur ?: M. Barthélemy
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.12118
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