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08/04/2009 | FRANCE | N°07-45527

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 avril 2009, 07-45527


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 8 juin 1983 en qualité de conducteur par la société Stan et était passé au service de la société Sita Sud à la suite d'une fusion en 2001, a été licencié le 1er février 2005 pour faute grave, pour avoir régulièrement effectué de la récupération pendant sa tournée de collecte d'ordures ménagères, stocké les marchandises dans son camion et tenu des propos dégradants envers ses coéquipiers ; qu'il a

saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses indemnités au ti...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., qui avait été engagé le 8 juin 1983 en qualité de conducteur par la société Stan et était passé au service de la société Sita Sud à la suite d'une fusion en 2001, a été licencié le 1er février 2005 pour faute grave, pour avoir régulièrement effectué de la récupération pendant sa tournée de collecte d'ordures ménagères, stocké les marchandises dans son camion et tenu des propos dégradants envers ses coéquipiers ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de paiement de diverses indemnités au titre de la rupture ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de l'intégralité de sa demande, alors, selon le moyen :

1° / que des agissements longtemps tolérés par l'employeur ne peuvent être invoqués au soutien d'un licenciement pour faute grave ; qu'en considérant que la pratique par M. Bruno X..., du chiffonnage dans une entreprise de collecte de déchets et l'utilisation d'un langage peu châtié envers ses coéquipiers de collecte, s'analysaient une faute grave, quand de telles pratiques, courantes dans ce milieu professionnel, étaient depuis toujours tolérées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

2° / que la grande ancienneté du salarié et l'exécution sans reproche du contrat de travail pendant vingt ans doit être prise en compte dans l'appréciation des faits qui lui sont reprochés au soutien de son licenciement ; qu'en s'attachant aux seuls griefs énoncés par l'employeur, sans prendre en considération l'ancienneté de M. Bruno X..., qui n'avait fait l'objet d'aucune remarque pendant vingt années passées dans l'entreprise, ce qui ôtait aux faits reprochés leur caractère de gravité, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;

3° / que M. Bruno X... soutenait dans ses conclusions que " en presque vingt ans d'ancienneté, (il) n'avait fait l'objet d'aucun reproche de sa hiérarchie, ni d'aucune plainte de la part de ses collègues de travail " ; qu'en omettant de répondre à ce moyen de nature à ôter au comportement qui lui était reproché son caractère de gravité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui, par motifs propres et adoptés, a relevé que les fautes reprochées au salarié démontraient son mépris à l'égard de ses collègues de travail handicapés, traités de " clone ", " trisomique 21 ", " taré ", " bon à rien ", propos insultants, dégradants et contraires à la dignité humaine, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première et sa troisième branches, ne peut être accueilli dans sa deuxième ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me HEMERY, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Bruno X... de l'intégralité de ses demandes dirigées contre la société SITA Sud ;

AUX MOTIFS QUE « La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Sa preuve incombe à l'employeur. Les fautes précédemment commises et sanctionnées par l'employeur ayant une incidence sur l'appréciation de celles fondant le licenciement, il convient d'examiner le bien fondé des sanctions prononcées antérieurement dont Monsieur X... réclame l'annulation et la réparation du préjudice qu'elles lui auraient causé. Sur les sanctions disciplinaires antérieures au licenciement : Monsieur X... a fait l'objet d'un avertissement le 3 mars 2003 et de trois mises à pied les 18 novembre 2003, 24 mai 2004 et 24 août 2004. 1°) sur l'avertissement du 3 mars 2003 : Le 3 mars 2003, la Société SITA Sud a infligé à Monsieur X... un avertissement pour avoir effectué le 6 février 2003 une collecte d'ordures ménagères bilatérale (des deux côtés de la rue en même temps) en enfreignant les règles de sécurité qui exigent le ramassage d'un côté puis de l'autre afin d'éviter la traversée de la voie de circulation. Lors de la notification de cette sanction, Monsieur X... n'a élevé aucune protestation et il la conteste pour la première fois en appel. Contre les faits circonstanciés figurant à l'avertissement, il se limite dans ses écritures d'indiquer qu'il les conteste sans plus de précision. Cela établit la réalité de la faute et la sanction prononcée s'avère proportionnée à sa gravité. 2°) sur la mise à pied du 18 novembre 2003 : Le 18 novembre 2003, Monsieur X... a fait l'objet d'une mise à pied de 3 jours pour falsification du disque chronotachygraphe de son camion afin de dissimuler la durée trop grande d'une pause. Monsieur X... n'a jamais contesté cette sanction établie par le relevé des disques et dans le cadre de la présente instance, il n'en réclame pas l'annulation. 3°) sur la mise à pied du 24 mai 2004 : Le 24 mai 2004, la Société SITA Sud a sanctionné Monsieur X... d'un jour de mise à pied pour ne pas avoir suivi les consignes de sécurité concernant la charge de son camion. Monsieur X... a protesté contre cette pénalité car son véhicule n'était pas équipé d'un système permettant le respect de la charge autorisée, la surcharge était faible et l'installation d'un Telma électrique autorisait une charge de 7 tonnes 500 kg. Les certificats de d'immatriculation p r o d u i t s mentionnent un poids à vide de I l tonnes 900 et un poids en charge de 19 tonnes et rien ne démontre que l'installation d'un ralentisseur permettait un dépassement de ce poids. Le 19 avril 2004, le camion conduit par Monsieur X... a accusé une surcharge de 460 kilogrammes et après cette infraction, il lui a été donné comme instruction un déchargement dès le constat d'une quantité anormale d'ordures ménagères. Malgré cette consigne, le 26 avril 2004, son véhicule s'est encore trouvé en surcharge de 220 kilogrammes. Cette absence de suivi des directives de son employeur dans un domaine concernant la sécurité des transports justifie la mise à pied prononcée. La mention sur son bulletin de paie de juin 2004 d'une journée d'absence injustifiée représentant en réalité celle de ma mise à pied ne saurait s'analyser en une seconde sanction ni en une mesure vexatoire et donner lieu à indemnisation. 4°) sur la mise à pied du 24 août 2004 : Le 24 août 2004, la société SITA Sud a infligé à Monsieur X... une mise à pied de trois jours pour manque de respect envers un supérieur hiérarchique lui reprochant le 7 juillet 2004 alors que Monsieur Z..., chargé de superviser le ramassage des ordures ménagères discutait avec un coéquipier, d'avoir interpellé celui-ci lui demandant s'il parlait avec « la balance ». Si Monsieur X... conteste avoir tenu ce propos, sa réalité ressort de l'attestation de Monsieur Z... et de celle de Monsieur A..., coéquipier auquel il était adressé. Elle est confirmée par Monsieur B..., attaché d'exploitation pour le centre de Narbonne, qui a recueilli le témoignage de Monsieur A... et qui affirme que pour celui-ci le mot « balance » a été prononcée comme une insulte. L'emploi d'un tel terme envers un supérieur hiérarchique s'avère de nature à réduire l'autorité de celui-ci et légitime la sanction prononcée. Ainsi toutes les sanctions disciplinaires prononcées contre Monsieur X... avant son licenciement s'avèrent justifiées. Sur le licenciement : La lettre de licenciement du 1er février 2005 énonce comme motif : « Vous avez effectué régulièrement du chiffonnage lors de votre tournée de collecte d'ordures ménagères, puis stocké ces marchandises dans la cabine de votre véhicule, pour détourner ensuite votre camion du secteur affecté afin de les stocker dans un garage. Vous avez de façon répétée tenu des propos dégradants envers vos équipiers de collecte ». Cette lettre énonce des faits précis et vérifiables même si elle ne les date pas. Ces faits sont attestés par Messieurs C... et A..., coéquipiers de Monsieur X... lors du ramassage des ordures. Ils précisent que suite à ce chiffonnage ils avaient parfois des difficultés à s'installer dans la cabine et devaient rester sur le marche pied du véhicule. Monsieur X... prétend que le règlement de l'entreprise interdisant le chiffonnage n'a pas été porté à sa connaissance. A supposer exacte cette assertion, elle ne supprime pas l'infraction car l'ignorance de son existence ne l'autorisait pas à entreposer des déchets destinés à son usage personnel à l'intérieur de la cabine du camion gênant ses coéquipiers portant même atteinte à leur sécurité et à détourner son itinéraire pour aller les entreposer chez lui réclamant leur aide. Les témoignages concordant de Messieurs C... et A... relatent que durant les tournées Monsieur X... les traitait de « clone, trisomique 21, taré, bon à rien » et reprochant à Monsieur A... de ne pas se trouver dans un état normal en raison de problèmes familiaux. Le compte rendu de l'entretien préalable au licenciement établi par le délégué du personnel qui assistait Monsieur X..., montre que ce dernier a reconnu la plupart des faits qui lui étaient reprochés, notamment le détournement de trajet pour entreposer la marchandise récupérée lors des tournées et les propos tenus envers ses collègues de travail expliquant seulement qu'il s'agit d'un langage courant dans la profession. cQuels que soient les usages d'une profession, ils n'autorisent jamais des propos insultants, dégradants et contraires à la dignité humaine. Pour contredire les reproches qui lui sont faits, Monsieur X... produit de nombreuses attestations de collègues de travail qui affirment avoir entretenu de bonnes relations avec lui et des usagers qui relatent qu'il effectuait de manière satisfaisante son travail. Mais d'une part les autres salariés ne travaillaient pas habituellement avec lui et ne contredisentpas la réalité des propose litigieux, d'autre part les motifs du licenciement ne portent pas sur une défaillance envers les usagers. Ces faits par leur diversité et leur répétition malgré les précédentes sanctions reçues montrent la volonté persistante de Monsieur X... de se soustraire à ses obligations professionnelles et ne permettent plus la poursuite du contrat de travail même durant le préavis. » (p. 3-6)

1° / ALORS QUE, d'une part, des agissement longtemps tolérés par l'employeur ne peuvent être invoqués au soutien d'un licenciement pour faute grave ; qu'en considérant que la pratique par Monsieur Bruno X..., du chiffonnage dans une entreprise de collecte de déchets et l'utilisation d'un langage peu châtié envers ses coéquipiers de collecte, s'analysaient une faute grave, quand de telles pratiques, courantes dans ce milieu professionnel, étaient depuis toujours tolérées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du Travail.

2° / ALORS QUE, d'autre part, la grande ancienneté du salarié et l'exécution sans reproche du contrat de travail pendant vingt ans doit être prise en compte dans l'appréciation des faits qui lui sont reprochés au soutien de son licenciement ; qu'en s'attachant aux seuls griefs énoncés par l'employeur, sans prendre en considération l'ancienneté de Monsieur Bruno X..., qui n'avait fait l'objet d'aucune remarque pendant vingt années passées dans l'entreprise, ce qui ôtait aux faits reprochés leur caractère de gravité, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du Travail.

3° / ALORS QUE, enfin, Monsieur Bruno X... soutenait dans ses conclusions que « en presque vingt ans d'ancienneté, (il) n'avait fait l'objet d'aucun reproche de sa hiérarchie, ni d'aucune plainte de la part de ses collègues de travail » (conclusions p. 8 § 2) ; qu'en omettant de répondre à ce moyen de nature à ôter au comportement qui lui était reproché son caractère de gravité, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-45527
Date de la décision : 08/04/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 10 janvier 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 avr. 2009, pourvoi n°07-45527


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Hémery, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.45527
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