LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 12 décembre 2007), que Mme X..., exerçant sous l'enseigne "X... Michel", ayant conclu avec la société Métro Cash and Carry France (la société Métro), exploitant les magasins Métro, un contrat de coopération promotionnelle et d'action publicitaire ainsi qu'un contrat catalogues métro promos, a livré à cette société mille cinq cents dessertes de restaurant de mai 2001 à mai 2002 ; qu'à compter de cette date, la société Métro ne lui a plus commandé aucune desserte et a mis en vente, sous une des références du meuble qu'elle avait fourni, un meuble légèrement différent; que dans ces conditions, Mme X... l'a assignée en concurrence déloyale ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de condamner la société Métro à lui verser la seule somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de cette société, alors, selon le moyen :
1°/ que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que le fait qu'un dommage procède d'une pluralité de causes, et pas seulement de l'inexécution reprochée au défendeur, ne suffit pas à justifier le rejet de l'action en responsabilité dirigée contre ce dernier ; qu'en l'espèce, pour décider que le montant des investissements financés par Mme X... pour produire la desserte, dont la vente avait fait l'objet d'un comportement déloyal de la part la société Metro, ne pouvait être indemnisé à titre de préjudice matériel, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que cet outillage n'avait servi qu'à fabriquer les articles revendus par la société Métro ; que cependant, le fait que cet investissement ait pu être réalisé en considération d'autres contrats que celui dont l'inexécution était reprochée à la société Métro ne justifiait pas à lui seul l'exclusion de toute indemnité, de sorte que la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du code civil ;
2°/ qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'indemniser Mme X... du montant du stock de dessertes que la société Métro avait cessé de lui commander, qu'il pouvait être vendu à d'autres revendeurs, sans rechercher si la revente de ce stock, si elle était certes possible, n'avait pas été retardée par le comportement déloyal de la société Métro, de sorte que ce retard constituait un préjudice que cette société était tenue de réparer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du code civil ;
3°/ que l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du manquement, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine ; qu'en affirmant que la perte de chance de poursuivre les livraisons pendant cinq ans auprès de la société Métro ne saurait être invoquée comme un préjudice certain, aux motifs que la poursuite des livraisons était totalement hypothétique dans son volume et dans sa durée, ce qui n'était pas de nature à caractériser l'absence de toute probabilité de poursuite des relations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme X... avait soutenu devant la cour d'appel que la revente de stock ait été retardée par le comportement déloyal de la société Métro, de sorte que ce retard constituait un préjudice que cette société était tenue de réparer ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant souverainement constaté que n'étaient rapportées ni la preuve d'un préjudice matériel résultant d'investissements prétendument financés pour produire la desserte litigieuse ni celle d'une perte de chance dès lors que la poursuite des livraisons était totalement hypothétique dans son volume et dans sa durée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit, que le moyen qui est nouveau et mélangé de fait et de droit est irrecevable en sa deuxième branche, et non fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Métro Cash and Carry France la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour Mme X...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société METRO CASH etCARRY à verser la seule somme de 15.000 à Mme X... à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de cette société, AUX MOTIFS QUE l'objet du litige est la desserte JOLY fabriquée par les Ets X... MICHEL (57 x 43 x 151 cm poids 38 kg) présentée dans les catalogues MÉTRO sous les références 0729426 (coloris aulne) et 0601906 (coloris noyer) ; qu'en tant que fournisseur de la Société METRO, Mme X..., n'étant pas en situation de concurrence avec elle, ne peut fonder son action sur la concurrence déloyale ; qu'en outre, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, Mme X... n'a rapporté la preuve d'aucun préjudice qui soit en relation de cause à effet avec une faute délictuelle imputable à la Société METRO ; que le principe de la liberté du commerce permet au revendeur de s'approvisionner auprès de tout fournisseur ; qu'en l'espèce, il est constant que les parties n'étaient liées par aucun contrat d'exclusivité ; que, plus particulièrement, le meuble litigieux par sa nature fonctionnelle et générique ne présente aucune originalité et ne fait l'objet d'aucune protection ; que Mme X... ne jouit d'aucun droit de propriété intellectuelle sur ledit modèle dont l'imitation n'est pas répréhensible ; que, d'ailleurs, la Société METRO établit par la production de son catalogue qu'elle a commercialisé dès 1990 un "meuble de rangement à couverts" de dimensions approchantes (H 150 x L 56 x P 60 cm), la seule différence avec la desserte X... étant l'angle droit du montant latéral à sa partie supérieure (pièce n° 2 de la Société METRO) ; que le montant des investissements prétendument financés pour produire la desserte litigieuse ne saurait être invoqué comme préjudice matériel car l'appelante n'a nullement démontré que cet outillage n'avait servi qu'à fabriquer des articles revendus par la Société METRO ; qu'il en va de même pour le stock de dessertes que Mme X... aurait conservé pour satisfaire les commandes de MÉTRO alors qu'elle était parfaitement en mesure de les fournir à d'autres revendeurs ; que la perte de chance de poursuivre les livraisons pendant 5 ans auprès de la Société METRO ne saurait être invoquée comme un préjudice certain alors que la poursuite des livraisons était totalement hypothétique dans son volume et dans sa durée ; que Mme X... n'a pas davantage établi que la Société METRO aurait chargé un autre fabricant, supposé installé dans un pays émergent, de copier le modèle JOLY pour un prix inférieur ; que l'origine du meuble incriminé par Mme X... demeure inconnue (…) ; qu'il est ainsi établi que le magasin METRO d'ÉPINAL a vendu, sous la même référence que le meuble produit par les Ets X... (601906), une desserte de dimensions, de forme et de poids légèrement différents ; que la Société METRO a expressément reconnu dans ses dernières conclusions que "le modèle reproduit dans les publicités de METRO (pièces adverses n° 4 et 5) diffère de celui du procès-verbal de constat d'achat ... "; que, contrairement au raisonnement de Mme X..., loin de démontrer l'erreur des premiers juges, cette déclaration constitue l'aveu d'un manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions conclues entre les parties, obligation édictée par l'article 1134 alinéa 3 du Code Civil ; qu'en effet, notamment, dans le cas de l'achat du 7 octobre 2002, la Société METRO a mis en vente, sous une des références du meuble fourni par Mme X..., donc en renvoyant le client aux caractéristiques de ce produit décrit dans le catalogue, un meuble légèrement différent ; que cette manoeuvre tendant à créer volontairement la confusion entre deux modèles de fabrication et de provenance différentes caractérise un comportement déloyal de la Société METRO dans l'exécution du contrat de coopération promotionnelle et publicitaire par lequel elle s'était engagée moyennant rémunération à présenter les produits de ses fournisseurs dans ses catalogues ; qu'un tel contrat avait nécessairement pour objet de faire vendre les produits livrés par le fournisseur et non ceux d'une autre provenance ; qu'en pratiquant de la sorte, la Société METRO a vidé de sa substance le contrat de promotion et entraîné un préjudice justifiant l'allocation de dommages-intérêts ; qu'en tenant compte de la rémunération perçue par la Société METRO au titre des contrats de promotion publicitaires et du prix des articles livrés sur une année, courant 2001 et 2002, la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer les dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues à 15.000 (arrêt p. 6 à 9) ;
ALORS, DE PREMIERE PART, QUE le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit ; que le fait qu'un dommage procède d'une pluralité de causes, et pas seulement de l'inexécution reprochée au défendeur, ne suffit pas à justifier le rejet de l‘action en responsabilité dirigée contre ce dernier ; qu'en l'espèce, pour décider que le montant des investissements financés par Mme X... pour produire la desserte, dont la vente avait fait l'objet d'un comportement déloyal de la part la Société METRO, ne pouvait être indemnisé à titre de préjudice matériel, la Cour a retenu qu'il n'était pas démontré que cet outillage n'avait servi qu'à fabriquer les articles revendus par la Société METRO ; que cependant, le fait que cet investissement ait pu être réalisé en considération d'autres contrats que celui dont l'inexécution était reprochée à la Société METRO ne justifiait pas à lui seul l'exclusion de toute indemnité, de sorte que la Cour d'Appel a violé les articles 1147 et 1151 du Code Civil ;
ALORS, DE DEUXIEME PART, QU'en se bornant à affirmer, pour refuser d'indemniser Madame X... du montant du stock de dessertes que la Société METRO avait cessé de lui commander, qu'il pouvait être vendu à d'autres revendeurs, sans rechercher si la revente de ce stock, si elle était certes possible, n'avait pas été retardée par le comportement déloyal de la Société METRO, de sorte que ce retard constituait un préjudice que cette société était tenue de réparer, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1151 du Code Civil ;
ALORS ENFIN QUE l'élément de préjudice constitué par la perte d'une chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition, par l'effet du manquement, de la probabilité d'un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d'une chance ne soit jamais certaine ; qu'en affirmant que la perte de chance de poursuivre les livraisons pendant 5 ans auprès de la Société METRO ne saurait être invoquée comme un préjudice certain, aux motifs que la poursuite des livraisons était totalement hypothétique dans son volume et dans sa durée, ce qui n'était pas de nature à caractériser l'absence de toute probabilité de poursuite des relations contractuelles, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil.