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17/03/2009 | FRANCE | N°08-83407

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 mars 2009, 08-83407


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIÉTÉ ALTRAN TECHNOLOGIES,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 14 avril 2008, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1

21-2, 131-38, 226-10, 226-11 et 226-12 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA SOCIÉTÉ ALTRAN TECHNOLOGIES,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11e chambre, en date du 14 avril 2008, qui, pour dénonciation calomnieuse, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-2, 131-38, 226-10, 226-11 et 226-12 du code pénal, 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société altran technologies coupable du délit de dénonciation calomnieuse, lui a infligé une peine d'amende de 20 000 euros et l'a condamnée à payer à Denis X..., partie civile, la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs qu'il était constant que Denis X..., recruté le 16 mai 1994 comme ingénieur d'affaires par la société Altran Technologies, société cotée au premier marché de la bourse de Paris, spécialisée dans les prestations de service à forte valeur ajoutée dans les domaines de l'informatique et des nouvelles technologies, puis promu comme directeur associé de la société filiale Sivan, ce qui lui avait permis de rejoindre le cercle restreint des cadres de direction du groupe, avait finalement été nommé contre son gré directeur associé d'une autre filiale, la société Axiem, à compter de janvier 1999 ; que l'intéressé avait fait l'objet le 5 mai 1999 d'un licenciement pour faute lourde avec effet immédiat ; que le 10 juin 1999, frédéric Y..., directeur général de la société Altran Technologies, avait déposé une plainte à la brigade de gendarmerie de Paris-minimes pour tentative de chantage et abus de confiance à l'encontre de Denis X... ; que l'auteur de la plainte avait déclaré que ce dernier, qui essayait de négocier son licenciement auprès de la société pour la somme de onze millions de francs, avait déposé le 3 juin 1999 un message sur son téléphone portable laissant penser qu'il envisageait une action lors de l'assemblée générale des actionnaires devant avoir lieu le 17 juin, pouvant entraîner la chute du cours de l'action ; que le plaignant avait également précisé que Denis X... n'avait pas restitué le micro-ordinateur contenant des informations confidentielles de la société ; qu'ayant été avisé le 8 juillet 1999 du classement sans suite de cette plainte, la société Altran Technologies s'était constituée partie civile le 23 décembre suivant du chef de tentative de chantage et de tentative d'extorsion de fonds, vol et abus de confiance ; que, par ordonnance du juge d'instruction, Denis X... avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de tentative de chantage et d'abus de confiance au préjudice de la partie civile ; qu'il résultait du jugement du tribunal de grande instance de paris du 13 décembre 2000 que la lecture du message téléphonique susvisé ne permettait pas " d'établir avec certitude que le prévenu ait voulu faire chanter la société ", qu'il existait " un doute important qui expliquait le premier classement sans suite de la plainte de la société altran technologies et qui devait profiter au prévenu " ; que la cour d'appel avait confirmé la relaxe de Denis X... en relevant que, s'agissant de la tentative de chantage, " les éléments de ce délit, qui devait être commis à l'aide de menaces de révélations ou imputations diffamatoires, n'étaient pas réunis ", s'agissant de l'abus de confiance, Denis X... avait restitué très rapidement l'ordinateur portable de la société, après avoir affirmé qu'il n'avait pu le faire plus tôt, n'étant plus titulaire d'un badge pour pénétrer dans l'entreprise et n'ayant pas voulu courir le risque d'être éconduit, compte tenu de ses relations très tendues avec les dirigeants de la société, qu'il existait un doute important s'agissant de l'intention de Denis X... de vouloir conserver cet ordinateur, qu'en conséquence, le délit d'abus de confiance n'était pas établi ; que le pourvoi en cassation formé par la société Altran Technologies avait été rejeté par arrêt du 14 mai 2003 ; que le 4 mars 2004, Denis X... s'était constitué partie civile du chef de dénonciation calomnieuse à l'encontre de la société Altran technologies ; que la société intimée arguait devant la cour d'appel de sa bonne foi, s'appuyant en particulier sur les conclusions de l'enquête de gendarmerie, l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction et l'appel du jugement de relaxe de Denis X... par le ministère public ; que l'article 226-10 du code pénal disposait qu'était calomnieuse la dénonciation d'une personne déterminée comme auteur d'un fait de nature à entraîner contre elle des sanctions judiciaires, et que l'on savait totalement ou partiellement inexact ; qu'alors que la fausseté du fait dénoncé résultait nécessairement, comme en l'espèce, d'une décision définitive de relaxe, il y avait lieu de rechercher si, au jour de la dénonciation, l'auteur connaissait ou non la fausseté de ce fait ; qu'en l'occurrence, il convenait donc de vérifier si la société Altran technologies savait, non seulement à la date de la plainte simple du 10 juin 1999, rapidement classée, mais plus encore au jour de la plainte avec constitution de partie civile du 23 décembre 1999, qu'elle dénonçait Denis X... comme auteur de faits passibles de sanctions pénales, en sachant que cela était totalement ou partiellement inexact ; qu'il résultait des pièces de la procédure que l'existence, depuis le mois d'août 1998, de difficultés d'ordre relationnel et de désaccords avec les dirigeants de la société altran technologies et de ses filiales Sivan et Axiem était à l'origine de la procédure de licenciement de Denis X... ; que les motifs donnés par l'employeur dans sa lettre de licenciement étaient, essentiellement, l'expression, entre le 6 et le 19 avril 1999, d'une agressivité du directeur démontrant sa volonté évidente de provoquer son propre départ, d'actions menées dans l'intention de nuire à son employeur consistant en des dénigrements, des chantages et des menaces de détournement de consultants, caractérisant une déloyauté d'une exceptionnelle gravité ; que, par arrêt confirmatif du 25 octobre 2005, la cour d'appel de paris avait jugé que, faute par l'employeur de justifier des faits allégués, le licenciement de Denis X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que les griefs visés dans les plaintes pénales concernaient les menaces téléphoniques du 3 juin 1999 et le détournement du micro-ordinateur entre le 5 mai et le 10 juin 1999, faits postérieurs à la date du licenciement, mais procédant cependant, ainsi que le relevait l'arrêt susvisé de la chambre sociale de la cour d'appel de paris, des mêmes difficultés et désaccords internes à la société que les faits antérieurs à la lettre de licenciement ; qu'au reste, la société Altran Technologies offrait, dans la procédure de licenciement comme dans la procédure pénale, d'en rapporter la preuve par les mêmes attestations et notes rédigées à la demande du directeur général de la société ; qu'en l'état de ces éléments, il convenait donc de lire les propos de Denis X... relevés le 3 juin 1999 sur le répondeur téléphonique de son directeur général à la lumière des conditions de son licenciement par la société Altran Technologies, qui n'avaient, certes, été connues des enquêteurs et des magistrats que par et à l'issue de la procédure prud'homale, mais dont la société était parfaitement informée depuis le début pour y être elle-même partie prenante ; qu'en effet, ainsi que l'avaient retenu les juridictions ayant eu à en connaître, les termes et expressions employés par Denis X... dans ce message pouvaient s'interpréter différemment dans le cadre d'un licenciement, d'autant plus que celui-ci, intervenu à la suite d'une tentative de négociation d'un départ volontaire et de l'octroi de quelques jours de repos, avait été aussi brutal que vexatoire à l'égard du salarié aussitôt mis à pied à titre conservatoire ; qu'il en était de même de la dénonciation d'un abus de confiance, la société Altran Technologies ne pouvant ignorer les raisons pour lesquelles Denis X..., dépourvu de son badge d'accès aux bâtiments de la société dès le jour de son licenciement, n'avait pas restitué l'ordinateur ; qu'au reste non seulement l'ancien directeur avait, dès son audition du 15 juin 1999, lui-même pris l'initiative de remettre ce matériel aux enquêteurs, mais la société Altran Technologies savait nécessairement que la rétention plus ou moins prolongée ne caractérisait à l'évidence pas le délit d'abus de confiance, dès lors que son auteur, qui n'avait pas été mis en demeure de restituer, n'avait pas agi dans une intention frauduleuse ; que la mauvaise foi de la société Altran Technologies, informée de la volonté de Denis X... d'obtenir la réparation intégrale de son licenciement, était donc parfaitement établie au moment où elle avait dénoncé, le 10 juin et a fortiori le 23 décembre 1999, la commission de délits, dont seul l'élément matériel pouvait faire illusion, alors que l'absence d'élément intentionnel n'était encore connue que d'elle seule ; que le délit de dénonciation calomnieuse était, dès lors, caractérisé en tous ses éléments à l'encontre de la société Altran Technologies (arrêt, pp. 4 à 7) ;
" alors que, d'une part, pour démontrer qu'elle avait légitimement pu croire, en 1999, que Denis X... avait commis une tentative de chantage à son détriment, la société Altran Technologies se prévalait notamment (conclusions, p. 4) du message téléphonique laissé le 3 juin 1999 par l'intéressé à M. Y..., directeur général de la société Altran Technologies, et par lequel Denis X... indiquait à son ancien employeur qu'il lui laissait une semaine pour parvenir à un accord financier sur les suites de la rupture de son contrat de travail, à défaut de quoi il « reprend rait sa liberté et dans ce cas c'est M. Y... qui aurait ouvert la boîte de pandore et qui en porter ait seul la responsabilité » et que « si on ne parv enait pas à un accord et s'il devait y avoir des conséquences, personne ne maîtrisera it la situation ni même Denis X... lui-même, même si personnellement le cas échéant ce dernier pourrait regretter des conséquences que ça pourrait éventuellement avoir sur la valeur de la société, son image, sa respectabilité », l'ancien salarié ajoutant : « donc je vous laisse imaginer ce que quelqu'un comme moi pourrait faire dans ma situation en liaison avec toutes les personnes publiques et privées, bien sûr dans le cadre de la loi », et : « dans le pire des cas je gagnerai aux prud'hommes en appel, vous par contre, je ne suis pas sûr que ce soit pas le cas sic et que vous n'ayez rien à perdre, je ne suis pas sûr non plus que le groupe Altran ait besoin de ça en ce moment, alors bien entendu les conséquences, involontaires, de mon action qui pourraient nuire au groupe, sachez que je le regretterais à titre personnel ne serait-ce que parce que je suis actionnaire du groupe » ; qu'en se bornant à retenir que les termes de ce message devraient être lus « à la lumière des conditions du licenciement » de Denis X... par la société Altran Technologies et pourraient « s'interpréter différemment » à raison de ce licenciement, sans rechercher si la référence expresse, dans le message concerné, à la possibilité pour l'ancien salarié d'impliquer des « personnes publiques et privées », éventualité sans rapport avec les modes habituels de résolution d'un simple conflit prud'homal individuel, et à la déstabilisation du groupe et à la perte de valeur qui en résulterait, n'était pas de nature à faire naître, dans l'esprit des dirigeants de la société Altran Technologies, la conviction d'une menace formulée par l'ancien salarié dans le but d'obtenir un avantage financier, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel a expressément retenu que les propos tenus par Denis X... dans le message téléphonique laissé au directeur général de la société Altran Technologies pouvaient, à raison du licenciement opposant les parties, « s'interpréter différemment » ; qu'il en résultait, à tout le moins, que les termes de ce message n'étaient pas dépourvus d'une certaine ambiguïté de nature à laisser croire à l'employeur que son ancien salarié le menaçait, de sorte qu'en retenant néanmoins que la société altran technologies aurait, au moment de sa plainte du chef de tentative de chantage, connu l'inexactitude du fait dénoncé, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires ;
" alors que, de surcroit, dans sa plainte avec constitution de partie civile, déposée le 23 décembre 1999 à l'encontre de Denis X... notamment du chef de tentative de chantage, la société Altran Technologies avait fait valoir (p. 2) que les menaces et le chantage imputables à l'intéressé avaient été, dès l'époque des faits, attestés par plusieurs personnes dont M. Z..., directeur général de la société Sivan, M. A..., manager de la même société, M. G..., directeur associé de la société His et M. B..., directeur général de la société Axiem, et que la preuve matérielle des manoeuvres de chantage était par ailleurs fournie par le message laissé par Denis X... sur la messagerie vocale du téléphone portable du directeur général de la société Altran Technologies ; qu'en retenant néanmoins que les griefs visés dans les plaintes pénales de la société Altran Technologies auraient seulement concerné, du chef de la tentative de chantage, les menaces téléphoniques du 3 juin 1999, la cour d'appel a dénaturé la plainte avec constitution de partie civile du 23 décembre 1999 et entaché sa décision de contradiction de motifs ;
" alors qu'en tout état de cause, qu'en ne recherchant pas, comme l'y avait invitée la société Altran Technologies (conclusions, pp. 3 et 4), si une croyance des dirigeants de la société altran technologies dans l'existence d'une tentative de chantage imputable à Denis X... ne pouvait pas résulter, outre le message téléphonique du 3 juin 1999 seul examiné par l'arrêt, des attestations susvisées de cadres dirigeants de sociétés du groupe Altran, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors que, enfin, en se bornant à rappeler que la plainte avec constitution de partie civile du 23 décembre 1999 avait été précédée d'une plainte simple déposée auprès des services de la gendarmerie le 10 juin 1999 et que celle-ci avait fait l'objet d'un classement sans suite par le parquet, sans rechercher, comme l'y avait invitée la société Altran Technologies (conclusions, p. 5, p. 10), si les services de gendarmerie n'avaient pas retenu l'existence d'indices faisant présumer que Denis X... avait commis les infractions qui lui étaient reprochées et si les résultats de cette enquête préliminaire n'étaient pas de nature à légitimer la plainte avec constitution de partie civile ultérieurement déposée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que le moyen, qui revient à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, sans insuffisance ni contradiction, l'existence de la mauvaise foi chez le dénonciateur, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Altran Technologies devra payer à Denis X... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Finidori conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-83407
Date de la décision : 17/03/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 avril 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 mar. 2009, pourvoi n°08-83407


Composition du Tribunal
Président : M. Joly (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.83407
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