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10/02/2009 | FRANCE | N°07-44717

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2009, 07-44717


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 516-1, devenu R. 1452-6 du code du travail ;

Attendu que M. X..., qui avait été engagé le 18 octobre 1996 par la société Gex informatique, devenue Silicomp, et affecté, suivant contrat de sous-traitance, au sein de la société Digital, devenue Compaq puis Hewlett Packard France (HPF), au site d'Annecy-le-Vieux jusqu'à sa fermeture dans le cadre d'un plan social, a saisi la juridiction prud'homale le 14 février 2003 d'une demande de réintégration au sein d

es effectifs de la société HPF, qu'il demandait de voir juger comme son vérita...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu l'article R. 516-1, devenu R. 1452-6 du code du travail ;

Attendu que M. X..., qui avait été engagé le 18 octobre 1996 par la société Gex informatique, devenue Silicomp, et affecté, suivant contrat de sous-traitance, au sein de la société Digital, devenue Compaq puis Hewlett Packard France (HPF), au site d'Annecy-le-Vieux jusqu'à sa fermeture dans le cadre d'un plan social, a saisi la juridiction prud'homale le 14 février 2003 d'une demande de réintégration au sein des effectifs de la société HPF, qu'il demandait de voir juger comme son véritable employeur en vertu d'un prêt de main-d'oeuvre illicite ; que par arrêt infirmatif du 14 décembre 2004, la cour d'appel de Chambéry, considérant qu'il était employé par les deux sociétés et qu'il aurait dû bénéficier des avantages du plan social de HPF, a condamné celle-ci à lui payer des dommages-intérêts ; qu'il saisi le 8 juillet 2005 le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande tendant à voir ordonner sous astreinte à la société HPF de lui fournir du travail sur le site d'Eybens ; qu'il a été licencié le 8 septembre 2005 par la société Silicomp ;

Attendu que pour déclarer la demande recevable, l'arrêt énonce qu'elle est fondée sur l'arrêt, créateur de droit, de la cour d'appel de Chambéry qui a reconnu l'existence d'un contrat de travail entre la société Hewlett Packard France et M. X..., et qui permet à celui-ci d'agir ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait la possibilité, lors de l'instance initiale tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail le liant à la société HPF, de formuler à son encontre la demande de fourniture de travail qui pouvait en résulter, ce qui faisait obstacle en vertu de la règle de l'unicité de l'instance à la recevabilité de sa demande ultérieure à ce titre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627 du code de procédure civile, il y a lieu de casser sans renvoi en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen subsidiaire :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la demande de M. X... irrecevable ;

Condamne M. X... aux dépens de cassation et à ceux afférents à l'instance au fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat aux Conseils pour la société Hewlett Packard France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, d'avoir ordonné à la société HP de fournir à Monsieur X... du travail sur le site d'EYBENS (ISERE) aux conditions habituelles de compétence de Monsieur X..., soit « Manufacturing Product Manager » et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt,

Aux motifs que l'article R.516-1 du Code du travail dispose que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à la saisine du Conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, les demandes dont a été saisie la juridiction qui a rendu le jugement frappé d'appel, étaient fondées sur l'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry qui a reconnu l'existence d'une relation contractuelle entre Monsieur X... et la SAS Hewlett Packard France ; que c'est bien l'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry du 14 décembre 2004 qui, ayant consacré cette relation contractuelle, a permis à Monsieur X... d'agir ; que cet arrêt est créateur de droit en ce qu'il établit l'existence d'une situation juridique, contrairement à ce que soutient la Société intimé qui prétend que la Cour d'appel de Chambéry n'aurait « pas décidé de reconnaître l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur X... et la société Hewlett Packard France » ; que s'il y a bien identité de parties dans les deux instances – celle objet de l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry du 14 décembre 2004 et celle dont la Cour d'appel de Grenoble est saisie -, il n'y a ni identité des demandes ni identité de cause ; que la Cour d'appel de Chambéry n'a pas été saisie d'une demande de la nature de celle soumise à la Cour d'Appel de Grenoble mais d'une demande de reconnaissance d'un contrat de travail entre Monsieur X... et la Société Hewlett Packard France et d'une demande indemnitaire ; qu'il n'y a pas non plus identité de cause : le fondement juridique de l'action de Monsieur X... devant la Cour d'appel de Chambéry n'était pas identique au fondement juridique de son action devant la Cour d'appel de GRENOBLE ; que de la même manière, les éléments de fait soumis par Monsieur X... à l'une puis à l'autre juridiction n'était pas identiques ; que Monsieur X... a demandé à la Cour d'appel de Chambéry d'analyser les relations entre les deux sociétés et lui, alors qu'il a demandé à la Cour d'appel de Grenoble, prenant acte de l'existence d'une relation contractuelle avec la Société Hewlett Packard France, d'ordonner à cette dernière de lui fournir du travail ;

Alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 480 du Code de procédure civile que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que selon l'article 1351, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, ce qui implique une identité de chose demandée, une identité de cause et une identité de parties ; que les conclusions prises par le salarié devant le Conseil de prud'hommes d'ANNECY et déterminant l'objet du litige incluaient expressément une demande en « réintégration » au sein de l'entreprise HP, rejetée par ledit Conseil de prud'hommes ; que le litige était définitivement tranché sur ce point; qu'en retenant que la Cour d'appel de GRENOBLE n'avait pas été saisie d'une demande de la nature de celle soumise à la Cour d'appel de Grenoble, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation des articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; qu'en affirmant, pour décider qu'il n'y avait pas identité de cause, que le fondement juridique de l'action de Monsieur X... devant la Cour d'appel de CHAMBERY n'était pas identique au fondement juridique de son action devant la Cour d'appel de GRENOBLE, alors qu'il lui appartenait de soulever ce fondement juridique en temps utile, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1351 du Code civil ;

Alors, en outre qu'en affirmant que « les éléments de fait soumis par Monsieur X... à l'une puis l'autre juridiction n'étaient pas identiques », la Cour d'appel, qui n'a pas mentionné les éléments sur lesquels elle fondait sa décision alors que la société HP soutenait précisément dans ses conclusions d'appel que les faits de l'espèce étaient identiques, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1351 du Code civil;

Alors, subsidiairement, qu'aux termes de l'article R.516-1 du Code du travail, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, faire l'objet d'une seule instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé postérieurement à la saisine du Conseil de prud'hommes ; qu'en l'espèce, non seulement les demandes formulées par Monsieur X... concernait le même contrat de travail mais en outre, les causes du second litige lui étaient parfaitement connues lors de la première instance ; qu'en affirmant, pour écarter le principe de l'unicité de l'instance opposé au salarié par la société HP, que les nouvelles demandes étaient fondées « sur l'arrêt de la Cour d'appel de CHAMBERY, créateur de droit en ce qu'il établit l'existence d'une situation juridique », alors que les causes du litige étaient connues du salarié dès les débats portés devant la Cour d'appel de CHAMBERY qui l'invitaient à statuer sur le prêt de main d'oeuvre litigieux, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article R.516-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la société HP de fournir à Monsieur X... du travail sur le site d'EYBENS (ISERE) aux conditions habituelles de compétence de Monsieur X..., soit « Manufacturing Product Manager » et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ,

Aux motifs que contrairement à ce que soutient la société intimée, la décision de la Cour d'Appel de Chambéry n'est pas purement indemnitaire, la Cour ayant dit que Monsieur X... avait fait l'objet d'un prêt illicite de main d'oeuvre de la part de la SAS Silicomp à la SAS Hewlett Packard France, dit qu'il était employé à la fois par ces deux sociétés et condamné la SAS Hewlett Packard (bénéficiaire du prêt illicite de main d'oeuvre) à lui payer 10.000 à titre de dommages et intérêts ; que l'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry a clairement établi la nature des relations contractuelles entre Monsieur X... et la société Silicomp d'une part et la société Hewlett Packard France d'autre part ; que contrairement à ce que soutient la Société intimée, les demandes que le jugement frappé d'appel a déclaré irrecevables, ne relèvent ni d'une interprétation de l'arrêt de la Cour d'Appel de Chambéry ni du Juge de l'exécution ; que la décision de la Cour d'appel de Chambéry est parfaitement claire, elle a répondu à l'ensemble des demandes qui lui avaient été soumises ; que la société intimée ne précise pas sur quel point l'interprétation de l'arrêt aurait pu être demandée ; que le juge de l'exécution n'avait pas vocation à statuer, sa compétence étant lié aux difficultés relatives aux titres exécutoires et aux contestations s'élevant à l'occasion de l'exécution forcée ; (…) que la Cour d'appel de Chambéry a tranché définitivement le litige en consacrant l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur X... et la SAS Hewlett Packard France ; que cette Société qui a la qualité d'employeur de Monsieur X... doit lui fournir du travail, sur le site d'Eybens (Isère) aux conditions de sa compétence, soit « Manufacturing Product Manager », sous astreinte selon les modalités précisées au dispositif de l'arrêt ;

Alors, d'une part, qu'il ne résulte pas des articles L.125-3 à L.125-4 du Code du travail, ensemble les articles L.152-3 et L.152-3-1 du Code du travail, seules dispositions du Code du travail sanctionnant le prêt de main d'oeuvre illicite, que l'entreprise bénéficiaire qui est condamnée à réparer le préjudice subi par le salarié du fait de la privation d'avantages potentiels comme l'application d'une convention collective ou d'un plan de sauvegarde de l'emploi, et à lui payer des dommages et intérêts sur ce fondement, doive pour autant être condamnée à fournir du travail à l'intéressé et à procéder à « sa réintégration » concrète ; qu'en décidant qu'une telle condamnation était fondée, la Cour d'appel de GRENOBLE a violé les dispositions susvisées ;

Alors, d'autre part, que le salarié ne saurait être déclaré lié par un contrat de travail à temps plein non seulement à la société bénéficiaire de ce prêt mais également à la société à l'origine du prêt de main d'oeuvre et dont il demeure salarié, sans autre précision, dès lors qu'une telle décision aurait nécessairement pour conséquence le cumul des heures de travail, des rémunérations et des charges, au delà des limites légales posées par l'article L.324-2 du Code du travail ; qu'en se bornant à affirmer néanmoins, pour décider que la société HP devait fournir du travail à Monsieur X..., qu'il existait un contrat de travail entre les deux parties, la Cour d'appel a violé l'article L.324-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-44717
Date de la décision : 10/02/2009
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 12 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 fév. 2009, pourvoi n°07-44717


Composition du Tribunal
Président : Mme Perony (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.44717
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