LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Bois de Tertu (la société) a fait appel aux services de la société Thelen Reid et Priest, cabinet d'avocats exerçant à New York, au sein duquel son interlocuteur était M. X..., afin de l'aider à s'implanter sur le territoire américain, puis pour défendre ses intérêts dans diverses procédures contentieuses ; qu'aucune convention d'honoraires n'ayant été conclue, un différend s'est élevé sur le montant des honoraires dus au cabinet d'avocats ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que le cabinet d'avocats fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de la société au paiement de ses honoraires ;
Mais attendu qu'ayant examiné les factures et la correspondance échangée entre les parties, l'arrêt retient que l'information du client a été insuffisante et que le cabinet d'avocats n'a pas fait tous les efforts qu'il aurait pu faire pour parvenir à une transaction sur des bases économiques plutôt que d'orienter ses efforts sur de stériles questions de procédure ; que se fondant sur les éléments de faits soumis à son appréciation, la cour d'appel a ainsi souverainement fixé le montant de la rémunération du mandataire au vu des circonstances de la cause et de l'importance des services rendus ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du code civil ;
Attendu que, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une somme d'argent, les intérêts moratoires commencent à courir du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent ;
Attendu que, pour condamner la société à payer les intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, l'arrêt retient que le montant des honoraires a été fixé par la cour d'appel ;
Qu'en statuant ainsi alors que, le principe de la créance de nature contractuelle n'étant pas contesté, les intérêts sur la somme fixée par la cour d'appel étaient dus à compter de la mise en demeure de payer quand bien même la créance définitive était évaluée à une somme inférieure à celle réclamée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé au jour de la signification de l'arrêt le point de départ des intérêts au taux légal sur la somme due, l'arrêt rendu le 6 janvier 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour la société Thelen Reid et Priest et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité à la somme de 80. 000 dollars US la condamnation de la société LES BOIS DE TERTU au profit du cabinet THELEN REID et PRIEST ou de son associé Monsieur Burton X... ;
AUX MOTIFS QUE « les factures litigieuses sont très détaillées indiquant très précisément les actes effectués, leurs dates et le temps passé, les personnes qui ont travaillé ; Burton X... lui-même ou ses différents collaborateurs, notamment Véronica Z..., les tarifs horaires, d'honoraires (tees) 500 dollars pour Burton X..., des tarifs moindres pour ses collaborateurs, dont 330 $ pour Véronica Z..., principale collaboratrice de Burton X... dans l'affaire, ainsi que les frais (disbursements) ; que certaine factures comportent des remises gracieuses (courtesy discount) ; que les horaires apparaissent très élevés d'autant plus que les réunions de bureau (office conferences) entre Burton X... et ses collaborateurs sont comptées comme des heures de travail de l'associé et des heures de travail de chacun des collaborateurs à leur tarif propre ; que toute recherche, conversation téléphonique, rédaction, relecture et correction (rewiew and revise) de documents, réception d'E. MAILS et réponse, etc... est spécifiquement comptée ; qu'il n'apparaît pas néanmoins que cette méthode de tarification soit contraire aux usages américains, ni que les actes facturés n'aient pas été effectués ni que le tarif horaire soit excessif eu égard à la notoriété du cabinet, à celle de Monsieur X... ou à la qualification de ses collaborateurs, ni que le dirigeant de la SAS LES BOIS DE TERTU ait demandé formellement à Monsieur X... de cesser toute prestation avant le mois de juillet 2001 ; qu'il est par ailleurs constant que ce sont les frères A..., partenaires pour l'implantation de la filiale de BOIS DE TERTU aux Etats-Unis, puis adversaires, qui ont initié une procédure contentieuse à laquelle la société LES BOIS DE TERTU a dû se défendre ;
« Mais que dès le 21 décembre 2001, la société BOIS DE TERTU avait exprimé sa préoccupation sur les honoraires, que Burton X... n'y a répondu que de manière très vague, en disant qu'il faudrait éviter un litige parce que les honoraires et les frais pourraient dépasser 100. 000 dollars et durer longtemps, mais sans donner des détails sur les modes de facturation des honoraires ni sur les conséquences financières de sa stratégie adoptée ; qu'au mois de mars 2001, dans plusieurs messages adressés à " Burt " et à " Véronica " certains en français et d'autres en anglais, le dirigeant de BOIS DE TERTU Monsieur Jacques B... se plaignait de la facture d'honoraires de février, demandait d'arrêter les dépenses d'une telle ampleur, se déclarait incapable de les payer, demandait que la stratégie soit précisée, ce qui suppose qu'il n'en connaissait pas précisément les conséquences ; que rien n'indique que le cabinet d'avocat en ait tenu compte en modifiant cette stratégie ou en précisant ses implications ; que dans une lettre du 1 er février 2001, le cabinet avait exposé sa stratégie procédurale, sans dire un mot sur ses conséquences financières pour la SAS qu'il apparaît que l'information du client a été insuffisante ;
« que le litige, en contrefaçon et concurrence déloyale (federal trademark infringement. unfair Competition) était selon toute vraisemblance assez complexe, mais que les honoraires élevés, près de 60. 000 dollars pour le seul mois de février 2001 paraissent dus à un choix stratégique du cabinet d'avocat qui, pour des raisons d'une légitimité fort douteuse avouées dans la lettre du 1 e ` février 2001, la volonté de forcer les frères A... à engager des dépenses considérables et la méfiance à l'égard des tribunaux de l'Etat de New-York, spécialement ceux situés au Nord, accusés de n'être pas très sophistiqués (not very sophisticated), et partiaux, favorisant les ressortissants de leur région, a dépensé beaucoup de temps et d'énergie avant toute défense au fond pour obtenir que le procès initié par les frères A... devant un tribunal d'Etat du Nord de l'Etat de New-York soit transféré au tribunal fédéral du district Nord de cet Etat, puis au tribunal fédéral du district de Manhattan ; que ceci a généré un contentieux, Daniel A... s'y étant opposé et ayant demandé le renvoi devant le tribunal d'Etat, selon une lettre de Véronica Z... du 29 juin 2001 ; qu'il résulte du double désistement d'action intervenu le 7 septembre 2001 suite à la transaction conclue en août 2001, ayant donné lieu à deux ordonnances de dessaisissement des 8 et 10 septembre 2001 que deux juges fédéraux, l'un de la ville de New-York, l'autre de Binghamton, Etat de New-York, étaient parallèlement saisis du même litige ou de deux aspects voisins du même litige ; que les actes de dessaisissement précisaient que la transaction (settlehent) est intervenue de part et d'autre sans la participation des conseils (without participation of counsel on either side) et que les parties ont choisi une approche transactionnelle plus commerciale que juridique (a business rather than a lawyerly way), ce qui implique que THELEN REID AND PREIST n'a pas fait tous les efforts qu'il aurait pu faire pour parvenir à une transaction sur des bases économiques plutôt que d'orienter ses efforts sur de stériles questions de procédure aux fins de choix d'un juge qui lui convenait et d'épuisement procédural et financier de l'adversaire entraînant aussi celui de son propre client ;
« qu'il résulte de ce qui précède que la Cour, usant de son pouvoir d'appréciation que lui confère le droit français en matière d'honoraires d'avocat et dont l'applicabilité en l'espèce n'est pas contestée, dispose de suffisamment d'éléments pour fixer à 80. 000 dollars le montant des sommes en frais et honoraires restant dues par la SAS LES BOIS DE TERTU ; que le montant des honoraires étant fixé par la Cour, les intérêts au taux légal sur cette somme ne seront dus qu'à compter de la signification de l'arrêt, et que les intérêts ne seront capitalisés à défaut de paiement qu'un an après cette date ; que le " taux de change " sera celui de la date du paiement, la condamnation étant en US $ ;
« que la demande de dommages et intérêts de l'appelante devant la Cour est faite pour opérer compensation et tend au surplus aux mêmes fins que celles présentées devant le Tribunal, la dispense de paiement des honoraires ; qu'elle est recevable en application des articles 564 et 565 du Nouveau Code de procédure civile ; que les fautes du cabinet d'avocat et leurs conséquences ont été ci-dessus caractérisées ; que les dommages et intérêts qu'il y a lieu d'accorder sont du même montant que la réduction d'honoraires et se confondent avec elle (arrêt, p. 5, 6 et 7).
ALORS s'agissant du devoird'information QUE les juges qui constataient successivement l'ancienneté des relations entre l'avocat et son client, qui n'avait pas révoqué son mandat avant le mois de juillet 2001, que les factures d'honoraires étaient très détaillées quant au temps passé, aux intervenants et au tarif de chacun d'eux, que le cabinet d'avocat avait, dès l'origine du contentieux – dont ils relèvent qu'il a été engagé par les adversaires – averti qu'il risquait d'être long et que ses frais pourraient dépasser 100. 000 dollars, puis régulièrement adressé des memorandums relavant l'état d'avancement du procès, ne pouvaient imputer un défaut d'information sans violer les articles 1991 et 1992 du Code civil ;
ALORS concernant la qualité des diligences QUE la Cour d'appel ne pouvait les qualifier d'inutiles tout en relevant qu'elles avaient permis aux parties de trouver les termes d'une transaction pour mettre un terme aux litiges ; qu'elle n'a pas ainsi tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a encore violé les articles 1991 et 1992 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
II est fait grief à l'arrêt attaqué, qui a condamné la société LES BOIS DE TERTU à payer au cabinet THELEN REID et PRIEST ou à Monsieur Burton X... en qualité d'associé représentant celui-ci la somme de 80. 000 dollars US, d'avoir fixé le point de départ des intérêts au taux légal français dus sur cette somme à compter de la signification de l'arrêt, les intérêts étant capitalisés à défaut de paiement un an après cette date ;
AUX MOTIFS QUE le montant des honoraires étant fixé par la Cour, les intérêts au taux légal sur cette somme ne seront dus qu'à compter de la signification de l'arrêt, et que les intérêts ne seront capitalisés à défaut de paiement qu'un an après cette date ; que le " taux de change " sera celui de la date du paiement, la condamnation étant en US $ ;
ALORS QUE selon l'article 1153 du Code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme d'argent, les intérêts moratoires commencent à courir du jour de la sommation de payer, quand bien même le juge saisi de la contestation réduirait le montant de la créance ;
D'où il résulte qu'en fixant le point de départ des intérêts à la date de signification de son arrêt au prétexte qu'elle réduisait le montant des honoraires sollicité par le cabinet d'avocat américain, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.