LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 4 septembre 2007), que les consorts X..., soutenant que les terrains dont ils étaient propriétaires, expropriés au profit de l'Etablissement public de Basse-Seine, devenu l'Etablissement public foncier de Normandie (EPFN), à la suite d'un arrêté portant déclaration d'utilité publique prévoyant la création d'une réserve foncière, n'avaient pas reçu, dans le délai de cinq ans, l'affectation prévue par la déclaration d'utilité publique et avaient été revendus à la commune de Langrune-sur-Mer, ont assigné cette commune et l'EPFN pour obtenir la rétrocession des terrains ou le paiement d'une indemnité compensatrice ainsi que des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Attendu que si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ;
Attendu que pour rejeter la demande des consorts X... en rétrocession ou en paiement d'une indemnité compensatrice, l'arrêt retient que le terrain exproprié n'a pas reçu une affectation irréversible contraire à la déclaration d'utilité publique ;
Qu'en statuant ainsi, tout en relevant que l'expropriant ne contestait pas que l'affectation prévue à la déclaration d'utilité publique était impossible et qu'aucune autre déclaration d'utilité publique n'avait été requise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen autrement composée ;
Condamne, ensemble, la commune de Langrune-sur-Mer et l'EPFN aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Langrune-sur-Mer et l'EPFN à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les autres demandes de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP BACHELLIER et POTIER DE LA VARDE, avocat aux Conseils pour les consorts X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande de rétrocession ou indemnité compensatrice.
AUX MOTIFS QU'il est certain qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'impose à l'expropriant d'affecter la réserve foncière à la destination prévue par la DUP dans le delai de cinq ans prévu par l'article L. 12-6 du code de l'expropriation ; les biens expropriés en vue de la constitution d'une réserve foncière ne sont pas. pour autant exclus du champ d'application dudit article, les cessions prévues par les articles L. 21-1 et suivants du code susvisé ne pouvant être faites qu'en vue de la réalisation d'opération pour lesquelles la réserve a été constituée ; la DUP du 25 juin 1987 mentionnant la destination devant être donnée à la réserve foncière, à savoir un terrain de camping, une affectation différente, conforme aux dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme nécessiterait une nouvelle déclaration d'utilité publique ; il se déduit de ces éléments que seule une destination donnée à la réserve, non conforme à la DUP et irréversible, peut fonder le droit à rétrocession des consorts X... ; il est constant, en l'espèce, que l'arrêté municipal autorisant l'aménagement d'un parc de loisir a été annulé par une décision définitive ; s'il n'est pas contesté qu'une modification du POS de la commune rend le terrain exproprié constructible, et s'il est fait état d'un projet de lotissement, il n'est pas établi qu'à ce jour le terrain ait reçu une affectation irréversible contraire à la DUP ; c'est donc à tort que les premiers juges ont reconnu le droit à rétrocession des consorts X... qui ne peuvent donc prétendre à l'indemnité prévue au cas où la rétrocession est impossible ; qu'il convient de relever qu'en l'espèce, le bien exproprié se trouve en réserve foncière depuis plus de quinze années; que l'expropriant ne conteste pas que l'affectation prévue à la DUP est impossible depuis la décision de la juridiction administrative rendue en 1998, donc depuis plus de huit années, et qu'aucune autre DUP entrant dans les précisions de l'article 300-1 du code de l'urbanisme n'a été requise ou envisagée ;
ALORS QUE, lorsqu'un immeuble exproprié afin de constituer une réserve foncière a cessé de recevoir la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ayant permis l'expropriation ou ne peut plus recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droits à titre universel peuvent en demander la rétrocession à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique ; que dès lors, en refusant de faire droit à la demande de rétrocession des consorts X..., tout en constatant que l'expropriant ne contestait pas que l'affectation prévue à la déclaration d'utilité publique était impossible depuis la décision de la juridiction administrative rendue en 1998 et qu'aucune autre déclaration d'utilité publique n'avait été requise ou envisagée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé par défaut d'application l'article L 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
ALORS QU'il suffit, pour que l'ancien propriétaire d'un immeuble exproprié afin de constituer une réserve foncière soit en droit de solliciter sa rétrocession, que cet immeuble ait cessé de recevoir la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ayant permis l'expropriation ou qu'il ne puisse plus recevoir cette destination, et qu'aucune nouvelle déclaration d'utilité publique n'ait été requise; que dès lors, en fondant son refus de faire droit à la demande de rétrocession des consorts X... sur le fait qu'il n'était pas démontré que l'immeuble aurait, de manière irréversible, reçu une affectation contraire à la déclaration d'utilité publique, tout en constatant par ailleurs qu'il était devenu impossible de respecter l'affectation prévue par la déclaration d'utilité publique et qu'aucune autre déclaration d'utilité publique n'avait été requise, la cour d'appel, qui a ajouté une condition à celles prévues par l'article L 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, a violé ce texte.