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27/01/2009 | FRANCE | N°07-43809

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 janvier 2009, 07-43809


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 juin 2007), que Mme X..., engagée par la banque CIAL le 1er mai 1972 et en dernier lieu directrice d'agence, a été licenciée le 29 avril 2004 après avoir fait l'objet le 23 décembre 2003 d'une réduction de sa délégation de compétence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation d'une sanction disciplinaire et en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une sanction toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agisseme...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 juin 2007), que Mme X..., engagée par la banque CIAL le 1er mai 1972 et en dernier lieu directrice d'agence, a été licenciée le 29 avril 2004 après avoir fait l'objet le 23 décembre 2003 d'une réduction de sa délégation de compétence ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation d'une sanction disciplinaire et en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une sanction toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement considéré par lui comme fautif dès lors que cette mesure affecte les responsabilités concrètes du salarié dans l'entreprise ; qu'en affirmant que l'employeur avait pris sa décision sans référence à des faits fautifs directement et personnellement imputables à la salariée, alors que la salariée était directrice de l'agence en question, qu'elle avait sur sa conduite tout pouvoir et que justement la mesure prise par l'employeur consistait à réduire ses pouvoirs, la cour d'appel a manifestement violé les dispositions de l'article L. 122-40 du code du travail ;

2°/ qu'en affirmant que la réduction des pouvoirs de la salariée ne constituait qu'une simple mesure conservatoire et non une sanction, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la mesure avait été prise « dans l'attente de l'étude d'une sanction » et, d'autre part, que la réduction de ses pouvoirs affectait bien les attributions de la salariée, quelle que soit la nature de celles-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant encore une fois les dispositions de l'article L. 122-40 du code du travail ;

3°/ que la nature de l'élément affecté par la décision de l'employeur ne peut avoir d'influence sur l'existence de la sanction ; qu'en affirmant que la décision de l'employeur ne pouvait constituer une sanction, aux motifs que « Mme X... n'établit pas au surplus que le niveau de la délégation qui lui était attribuée constituait un élément de son contrat de travail de directrice d'agence permettant d'assimiler sa réduction à une rétrogradation ou à une atteinte à ses fonctions », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 122-40 ainsi que celles des articles L. 121-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

4°/ qu'en affirmant que la salariée n'établissait pas que le niveau de la délégation de compétence faisait de ses attributions contractuelles, alors qu'il appartenait au juge, en l'absence de clause contractuelle, d'apprécier objectivement le contenu du contrat, la cour d'appel a violé les principes gouvernant la charge de la preuve en matière de détermination du contenu contractuel, violant ainsi les dispositions des articles L. 121-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté que la réduction de la délégation de pouvoir décidée par l'employeur en vue de sauvegarder ses intérêts était une mesure provisoire prise dans l'attente d'une sanction, en a exactement déduit qu'il s'agissait d'une mesure conservatoire qui n'interdisait pas une sanction ultérieure ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que le licenciement justifié par le non-respect des directives de l'employeur a nécessairement une nature disciplinaire ; qu'en affirmant que «s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la prescription de deux mois édictée en matière disciplinaire ne peut être opposée à l'employeur», alors même qu'elle avait constaté que la salariée avait agi «en dépit de directives précises données par l'employeur, rappelées à plusieurs reprises pendant plus d'un an» et que la lettre de licenciement stipulait comme motifs le non-respect des directives, la cour d'appel n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 122-14-2 et l'ensemble de l'article L. 122-43 du code du travail ;

2°/ qu'en affirmant que la salariée n'apportait aucun document de nature à mettre en doute la réalité des dysfonctionnements, alors que celle-ci soutenait, dans ses écritures d'appel, que le montant des provisions était erroné, que les dossiers visés par l'employeur avait été résolus, et qu'en tout état de cause elle ne disposait pas des éléments pour se défendre puisque c'est l'employeur qui disposait des documents essentiels ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.122-43 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, a estimé établies les déficiences de la salariée dans la gestion des risques ; qu'exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L.122-14-3 du code du travail, devenu l'article L.1235-1, elle a décidé que le licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour Mme X...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de sa demande tendant à obtenir l'annulation de la sanction disciplinaire du 23 décembre 2003 ainsi que le paiement de dommages et intérêts.

AUX MOTIFS QUE, l'analyse de la décision en date du 23 décembre 2003, portant réduction de la délégation de compétence de Mme Françoise X..., ne permet pas de lui attribuer le caractère d'une sanction disciplinaire au sens de l'article L.122-40 du code du travail ; Celle-ci a en effet été prise sur la base d'un constat objectif du niveau anormalement élevé des provisions pour risques de l'agence à la fin de l'année 2003, sans référence à des faits fautifs directement et personnellement imputables à la salariée et "dans l'attente de l'étude d'une sanction appropriée", de sorte qu'il s'agissait d'une simple mesure conservatoire de sauvegarde des intérêts de la banque, destinée à mettre fin à la dérive constatée en matière d'ouvertures de crédit ;

Mme Françoise X... n'établit pas au surplus que le niveau de la délégation de compétence qui lui était attribué constituait un élément de son contrat de travail de directrice d'agence permettant d'assimiler sa réduction à une rétrogradation ou à une atteinte à ses fonctions ; Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a annulé la décision litigieuse pour non-respect de la procédure disciplinaire et alloué des dommages-intérêts à la salariée de ce chef.

ALORS QUE constitue une sanction toute mesure prise par l'employeur à la suite d'un agissement considéré par lui comme fautif dès lors que cette mesure affecte les responsabilités concrètes du salarié dans l'entreprise ; qu'en affirmant que l'employeur avait pris sa décision sans référence à des faits fautifs directement et personnellement imputables à la salariée, alors que la salariée était directrice de l'agence en question, qu'elle avait sur sa conduite tout pouvoir et que justement la mesure prise par l'employeur consistait à réduire ses pouvoirs, la cour d'appel a manifestement violé les dispositions de l'article L. 122-40 du Code du travail.

ALORS ENSUITE QU'en affirmant que la réduction des pouvoirs de la salariée ne constituait qu'une simple mesure conservatoire et non une sanction, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que la mesure avait été prise « dans l'attente de l'étude d'une sanction » et, d'autre part, que la réduction de ses pouvoirs affectait bien les attributions de la salariée, quelle que soit la nature de celles-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant encore une fois les dispositions de l'article L. 122-40 du Code du travail.

ALORS EN OUTRE QUE la nature de l'élément affecté par la décision de l'employeur ne peut avoir d'influence sur l'existence de la sanction ; qu'en affirmant que la décision de l'employeur ne pouvait constituer une sanction, aux motifs que « Mme X... n'établit pas au surplus que le niveau de la délégation qui lui était attribuée constituait un élément de son contrat de travail de directrice d'agence permettant d'assimiler sa réduction à une rétrogradation ou à une atteinte à ses fonctions », la Cour d'appel a derechef violé les dispositions de l'article L. 122-40 ainsi que celles des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.

ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'en affirmant que la salariée n'établissait pas que le niveau de la délégation de compétence faisait de ses attributions contractuelles, alors qu'il appartenait au juge, en l'absence de clause contractuelle, d'apprécier objectivement le contenu du contrat, la cour d'appel a violé les principes gouvernant la charge de la preuve en matière de détermination du contenu contractuel, violant ainsi les dispositions des articles L. 121-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes de dommages et intérêts tendant à réparer le préjudice subi à raison de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

AUX MOTIFS QUE, en droit l'insuffisance professionnelle constitue un motif légitime de licenciement dès lors qu'elle ne se fonde pas sur une appréciation purement subjective de l'employeur, et repose sur des éléments concrets qui ne peuvent être attribués à des circonstances indépendantes de la volonté du salarié ; En l'espèce la lettre de licenciement notifiée le 29 avril 2004 à Mme Françoise X... énonce les griefs suivants : non-réalisation des objectifs, importance des provisions liées à une gestion déficiente des risques, non-respect des directives, carences managériales et relationnelles ; Seul le dernier grief ne repose sur aucun élément précis et doit être écarté ; Les trois autres griefs sont étayés par des éléments chiffrés et circonstanciés, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée, s'agissant en particulier du taux de réalisation des objectifs (57,22 % et 40,12 %) ou du niveau des provisions pour risques ; Les premiers juges ont retenu à juste titre, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que la non-réalisation des objectifs de l'agence en 2003 ne pouvait être imputée à la salariée, eu égard à la désorganisation du fonctionnement de l'agence causée par plusieurs vacances de poste à compter de juillet 2002 par suite de démission, congé parental, congé maladie qui n'ont pas donné lieu à des remplacements immédiats et ont entraîné de ce fait une surcharge de travail de l'intéressée ; Ils ne pouvaient en revanche valablement écarter les griefs relatifs à la gestion déficiente des risques et au non-respect des directives données en matière d'autorisation de découverts ; Les documents produits aux débats par le CIAL établissent que dès la fin de l'année 2001 (audit du 13 novembre 2001) l'attention de Mme Françoise X... a été appelée sur les "engagements sensibles" et la nécessité d'une vigilance particulière à leur égard, et que celle-ci a fait l'objet les 25 mars 2003 (pièce 8), 20 mai 2003 et 16 octobre 2003 de rappels à l'ordre concernant d'une part des paiements effectués à découvert au-delà de sa délégation de compétence, et ce bien avant la réduction de celle-ci le 23 décembre 2003, d'autre part, un non-respect des règles de base concernant l'octroi de facilités de caisse (cf. courrier du 16 octobre 2003) et l'absence de constitution de provisions pour certains dossiers ; Un courrier daté du 26 août 2003 (annexe 9 du CIAL), relatif au contrôle des engagements de l'agence de Jussey fait état d'une progression anormalement élevée du montant des provisions de l'agence (de 74 K au 30 juin 2002 à 582 K du 30 juin 2003, soit une progression de 686,4 % contre 37,3 % pour le réseau et d'un ratio d'incidence contentieuse de 8,66 alors que la succursale est à 1,55 et le réseau à 1,37), et sollicite des explications de Mme Françoise X... pour le 15 septembre 2003 ; Or Mme Françoise X... n'a fourni aux débats aucun document explicatif de nature à mettre en doute la réalité des dysfonctionnements qui lui sont reprochés et a au contraire persévéré dans ses errements antérieurs, en dépit de la décision du 23 décembre 2003, si l'on se réfère aux courriers qui lui ont été adressés les 7 janvier et 27 février 2004 (dossier NUTRIENERGIES et WELABOIS) et 22 avril 2004 (dossier MARTIAL AUBIN) dont la teneur n'est pas sérieusement discutée ; S'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la prescription de deux mois édictée en matière disciplinaire ne peut être opposée à l'employeur, et la charge de la preuve ne repose pas exclusivement sur celui-ci, le juge devant former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; Ainsi la salariée ne saurait se prévaloir, concernant le grief relatif au niveau anormalement élevé des provisions inscrites au 31 décembre 2003, de ce que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalisation effective des risques provisionnés et de ce que de nombreux dossiers se seraient résolus, alors qu'elle ne produit aucun élément précis relatif aux dossiers contentieux évoqués par l'employeur de nature à accréditer ses allégations, et qu'en tout état de cause, le caractère réel et sérieux du licenciement s'apprécie à la date de celui-ci ; Or une gestion déficiente des risques par un directeur d'agence, en dépit de directives précises données par la banque, rappelées à plusieurs reprises pendant plus d'un an, dans une conjoncture économique défavorable, caractérise indiscutablement à elle-seule un motif réel et sérieux de licenciement ; Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit à la demande de la salariée en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif ; La demande de l'ASSEDIC de Franche-Comté Bourgogne en remboursement des allocations chômage versées à celle-ci sera également rejetée.

ALORS QUE, le licenciement justifié par le non-respect des directives de l'employeur a nécessairement une nature disciplinaire ; qu'en affirmant que « s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la prescription de deux mois édictée en matière disciplinaire ne peut être opposée à l'employeur », alors même qu'elle avait constaté que la salariée avait agi « en dépit de directives précises données par l'employeur, rappelées à plusieurs reprises pendant plus d'un an » et que la lettre de licenciement stipulait comme motifs le non-respect des directives, la cour d'appel n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 122-14-2 et l'ensemble de l'article L. 122-43 du Code du travail.

ALORS EN OUTRE QUE, en affirmant que la salariée n'apportait aucun document de nature à mettre en doute la réalité des dysfonctionnements, alors que celle-ci soutenait, dans ses écritures d'appel, que le montant des provisions était erroné, que les dossiers visés par l'employeur avait été résolus, et qu'en tout état de cause elle ne disposait pas des éléments pour se défendre puisque c'est l'employeur qui disposait des documents essentiels ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-43 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43809
Date de la décision : 27/01/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 12 juin 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 jan. 2009, pourvoi n°07-43809


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.43809
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