LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 novembre 2007), que le 9 novembre 2001, de nuit, hors agglomération, sur une route nationale à deux fois deux voies, chaussées séparées, le véhicule poids-lourd, conduit par M. X..., s'est déporté sur la gauche pour éviter un pneumatique perdu, entraînant le véhicule conduit par M. Y... qui le dépassait et, après avoir détruit les glissières de sécurité du terre-plein central, est entré en collision avec six autres véhicules circulant en sens inverse sur les voies opposées ; que Mme Z..., conductrice de l'un de ces véhicules, est décédée, tandis que M. A... et Benjamin B..., conducteurs de deux autres de ces véhicules, ont été blessés ; que Benjamin B... est décédé des suites de ses blessures le 12 janvier 2002 ; que M. A... et son assureur, la société L'Equité, ainsi que M. Gaël B..., Bernard B... et son épouse, née Marie-Claire C..., ensemble à titre personnel et en qualité d'administrateur légal des biens de leur fille mineure, Océane B..., (les consorts B...) et leur assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont assigné en indemnisation de leurs préjudices propres et des préjudices subis par Benjamin B..., M. X..., son assureur la société Zavarovalnica Maribor, et le Bureau central français ; que ces derniers ont exercé une action récursoire à l'encontre des autres conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident et de leurs assureurs ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. X..., la société Zavarovalnica Maribor et le Bureau central français font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur action récursoire dirigée contre les autres automobilistes impliqués et leurs assureurs respectifs ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 1382 du code civil et R. 413-7 du code de la route, et de défaut de base légale au regard de ces textes, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, après avoir retenu que l'accident avait été causé par la faute exclusive de M. X... et qu'aucun des conducteurs des autres véhicules impliqués dans l'accident n'avait commis de faute, a exactement décidé, pour écarter l'action récursoire, que cette faute excluait que la présence du pneumatique sur la chaussée pût constituer un événement de force majeure ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident qui ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
PAR CES MOTIFS :
DECLARE NON ADMIS le pourvoi incident ;
REJETTE le pourvoi principal ;
Condamne M. X..., la société Zavarovalnica Maribor et le Bureau central français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X..., la société Zavarovalnica Maribor et le Bureau central français, in solidum, à payer à la société L'Equité la somme de 2 500 euros, à la société Groupama la somme de 1 000 euros, à la MMA et à M. Y... la somme globale de 2 500 euros et à la MATMUT la somme de 2 500 euros ; rejette toutes les autres demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils pour M. X..., la société Zavarovalnica Maribor et le Bureau central français, demandeurs au pourvoi principal
P R E M I E R M O Y E N D E C A S S A T I O N :
Le pourvoi reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné solidairement le conducteur de l'ensemble routier, son assureur et le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer aux ayants-droit de M. Benjamin B... 70 000 au titre du préjudice esthétique subi par l'intéressé,
aux motifs que, même si la victime, du fait de son décès le 12 janvier 2002, n'a pas connu de consolidation de ses blessures, l'expert judiciaire indique qu'en cas de survie, elle aurait connu un préjudice esthétique quantifié à 7 / 7 du fait des séquelles cicatricielles et qu'en tout état de cause, la victime a souffert, dès l'accident, d'un préjudice esthétique réel et établi, nonobstant la durée de sa survie, et que la Cour évalue, eu égard aux éléments de la cause, à la somme demandée de 70 000,
alors que les héritiers de la victime d'un accident ne peuvent pas obtenir l'indemnisation de son préjudice personnel pour la période postérieure à son décès et qu'en allouant en l'occurrence aux héritiers de M. Benjamin B... la somme réclamée et destinée à réparer le préjudice esthétique que la victime était censée subir sa vie durant, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
S E C O N D M O Y E N D E C A S S A T I O N :
Le pourvoi reproche encore à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le conducteur de l'ensemble routier et son assureur ainsi que le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS de leur action récursoire contre les autres automobilistes impliqués et leurs assureurs respectifs,
aux motifs que le conducteur d'un véhicule terrestre impliqué dans un accident de la circulation et son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers ne peuvent exercer un recours contre un autre conducteur impliqué que sur le fondement des articles 1214, 1382 et 1251 du Code civil, que la contribution à la dette a alors lieu en proportion des fautes respectives, qu'en l'absence de faute prouvée à la charge des conducteurs impliqués, la contribution se fait entre eux par parts égales, qu'en l'occurrence, mis à part M. X..., aucune faute de conduite ne peut être reprochée aux automobilistes impliqués dans l'accident, à savoir M. Gérard Y..., feue Christelle D..., M. Jean-François E..., M. Stéphane A..., M. Fabrice F...et feu Benjamin B..., qu'en revanche, il ressort de la procédure de gendarmerie que l'accident de la circulation du 9 novembre 2001 est la conséquence de la faute exclusive de M. Robert X... qui n'a pas su adapter sa conduite et sa vitesse en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et, tout particulièrement en l'espèce, des obstacles prévisibles conformément aux dispositions de l'article R 413-17 du Code de la route, qu'en effet, en heurtant un pneumatique qui se trouvait sur la chaussée (ce qui ne constitue pas un évènement présentant les caractéristiques d'imprévisibilité et d'insurmontabilité de la force majeure), M. Robert X... a perdu le contrôle de son ensemble routier et a commis un défaut de maîtrise à l'origine de l'accident,
1°) alors que la présence d'un pneumatique sur la chaussée constitue un obstacle imprévisible et qu'en énonçant au contraire qu'elle constituait un obstacle prévisible au sens des dispositions de l'article R 413-17 du Code de la route, la Cour d'appel a violé le texte précité ainsi que l'article 1382 du Code civil,
2°) alors que le défaut de maîtrise de la vitesse du véhicule ne saurait se déduire du seul fait de l'accident et qu'en omettant en l'occurrence de rechercher si les mauvaises conditions de visibilité, la nuit, sous les seuls feux de croisement, à un endroit où la chaussée était affaissée, ainsi que la longueur du convoi et la présence d'un véhicule sur la voie de gauche n'empêchaient pas toute manoeuvre d'évitement du pneumatique qui constituait, dès lors un obstacle irrésistible, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles R 423-17 du Code de la route et 1382 du Code civil.
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour les consorts B... et la MAIF, demandeurs au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt, D'AVOIR rejeté les demandes des consorts B... en indemnisation du déficit fonctionnel séquellaire (l'Incapacité Permanente Partielle) et de la perte de chance de Benjamin B... ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas possible de retenir un préjudice correspondant à un déficit fonctionnel séquellaire car aucune consolidation n'a eu lieu avant le décès de la victime ; et qu'il est également impossible de retenir une perte de chance dont aurait souffert Benjamin B... ;
ALORS QUE lorsque l'état de la victime n'est pas consolidé avant son décès, son incapacité permanente partielle devient définitive, et partant, certaine, dès la date de l'accident et qu'il convient donc de l'indemniser depuis cette date ; qu'en cas de décès de la victime, l'action en réparation de ce préjudice est transmise à ses héritiers ; que dès lors, en estimant que l'incapacité permanente partielle de la victime ne devait pas être indemnisée du fait de l'absence de consolidation de l'état de cette dernière avant son décès, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
ET ALORS QUE la perte de chance scolaire et professionnelle constitue un préjudice réparable ; qu'au décès de la victime, l'action en réparation de la perte de chance de la victime se transmet à ses ayants droit ; que dès lors, le juge, saisi d'une demande d'indemnisation à ce titre, doit rechercher si la victime a subi de son vivant une telle perte de chance ; qu'en l'espèce, Benjamin B... était inscrit à l'IUT de LA CIOTAT en section hygiène sécurité environnement, et poursuivait normalement sa scolarité ; qu'en se bornant à affirmer qu'il était impossible de retenir un préjudice de Benjamin B... résultant d'une perte de chance, sans rechercher, comme il lui était demandé, si Benjamin B... avait souffert avant son décès d'un tel préjudice, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.