LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 29 mars 2007), que la société Le Tremblay (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire le 18 mai 2001, son liquidateur judiciaire, M. X..., a, le 27 juin 2001, opté pour la continuation du bail commercial consenti par la SCI Hippomer (la SCI) ; que celle-ci a, le 24 août 2001, délivré un commandement de payer une certaine somme, correspondant aux loyers et charges pour la période du 19 mai au 31 août 2001 ; que le juge-commissaire a, le 22 octobre 2001, autorisé la cession du fonds de commerce à M. Y... ; que la SCI, faute d'avoir obtenu paiement des sommes réclamées, a délivré au liquidateur un congé avec refus de renouvellement du bail suivi d'un commandement aux fins de saisie-vente ; que M. Y... ayant renoncé à son offre d'acquisition, seuls le stock et le matériel ont été vendus ; que la SCI demeurée créancière des loyers et charges pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective, imputant à faute au liquidateur judiciaire d'avoir continué le contrat de bail sans disposer des fonds nécessaires au paiement desdits loyers et charges, l'a assigné en responsabilité personnelle ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action, alors, selon le moyen :
1 / que si la responsabilité du liquidateur peut ne pas être engagée s'il poursuit le contrat de bail de l'immeuble affecté à l'activité de l'entreprise, lorsqu'il envisage de céder le fonds de commerce, encore faut-il qu'à la date à laquelle il décide de poursuivre le contrat, il dispose d'offres de reprise lui permettant, raisonnablement, de conclure que la cession pourra intervenir, une simple perspective ou intention étant insuffisante ; qu'en l'espèce, les juges du fond, en ne constatant pas qu'à la date à laquelle le liquidateur avait opté pour la continuation du contrat de bail, soit le 27 juin 2001, il disposait déjà effectivement d'offres concrètes et sérieuses de reprise du fonds de commerce, qui pouvaient seules justifier cette continuation, ont privé leur décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2 / qu'en se contentant d'une simple affirmation pour considérer que le liquidateur s'inscrivait dans une perspective raisonnable de cession du fonds de commerce, sans préciser sur quelles pièces, ni quels éléments elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3 / que si le produit de la cession du fonds de commerce pouvait, le cas échéant, permettre à la SCI d'obtenir paiement des loyers postérieurs à la liquidation judiciaire de la société, il n'existe aucun lien de causalité direct et certain entre le défaut de cession du fonds de commerce et le refus de renouveler le bail et la perte des loyers par la bailleresse, dès lors que, même si le fonds de commerce avait été cédé, ou le bail renouvelé, la SCI n'aurait pas nécessairement reçu paiement des loyers demeurés impayés, puisqu'elle venait en concurrence avec les autres créanciers, dont la créance était née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; qu'ainsi, s'il pouvait tout au plus être imputé à la SCI d'avoir, par son comportement, provoqué la perte d'une chance d'obtenir paiement des loyers postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire, son refus de renouveler le bail et son opposition à la cession du fonds de commerce n'avaient pas directement causé la perte des loyers ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la SCI ne peut pas proposer un moyen invoquant la responsabilité personnelle de M. X... qui ne figure dans l'instance qu'en sa qualité de liquidateur de la société Le Tremblay ; que le moyen est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne société Hippomer aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vuitton et Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société Hippomer
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé le jugement entrepris et débouté la SCI Hippomer de l'action en responsabilité dirigée contre Maître X..., à l'occasion de ses fonctions de liquidateur judiciaire de la SARL Le Tremblay,
AUX MOTIFS QUE par application de l'article L. 622-13 du Code de commerce, le liquidateur judiciaire a entendu continuer le bail pour céder le fonds de commerce acquis 18 mois avant la liquidation judiciaire de la SARL Le Tremblay pour le prix de 800.000 francs, pour permettre le règlement partiel des créanciers ; que Maître X... a ainsi rempli son obligation de moyens qui s'inscrivait dans une perspective raisonnable de cession du fonds de commerce et répondait au souci légitime de veiller aux intérêts de l'ensemble des créanciers, en préservant au mieux l'actif et en assurant aussi au bailleur le paiement des loyers depuis le 18 mai 2001, même avec cinq mois de retard correspondant au délai couru entre l'ouverture de la procédure collective et l'autorisation de cession par le juge commissaire ; qu'en effet, Maître X... observe pertinemment que si le bailleur ne s'était pas opposée à la cession à M. Y..., autorisée par le juge commissaire le 31 octobre 2001 pour le prix de 320.000 francs, il aurait alors été réglé de l'arriéré de loyers courus depuis l'ouverture de la procédure collective, le 18 mai 2001 et qui s'élevaient à 104.752,02 francs au 31 août 2001 et le solde aurait permis de régler d'autres créanciers ; que s'il est exact que la SCI Hippomer demeurait créancière de l'arriéré de loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective d'un montant de 84.826,94 francs, les diligences réalisées par Maître X... depuis sa prise de fonctions n'ont pas induit la naissance de cette créance antérieure et ont au contraire eu pour finalité de préserver l'intérêt des créanciers en cherchant à réaliser au mieux les actifs ; que le fait que les offres de reprise du fonds de commerce soient postérieures à la délivrance du commandement du 24 août 2001 est sans emport sur la réalité de celles-ci qui ont été formulées avant l'expiration du délai d'un mois du commandement et en tout état de cause avant l'assignation en référé par le bailleur, laquelle n'est intervenue qu'après l'autorisation de cession du bail ;
que la SCI Hippomer ne démontrant pas que le fonds de commerce avait disparu et n'était donc pas cessible, alors qu'il résulte de l'inventaire réalisé le 5 juin 2001 par Maître X..., des différentes offres et des cessions ultérieures que des éléments du fonds autres que le droit au bail subsistaient et notamment, le stock, le matériel et la licence IV ; que Maître X... a satisfait à son obligation pour réaliser l'actif en cherchant à faire vendre le fonds de commerce dans des conditions qui permettaient au bailleur d'encaisser les loyers courus depuis l'ouverture de la procédure collective et aussi de payer des créanciers, la faute du liquidateur judiciaire n'est donc pas démontrée dans le choix de l'option exercée dans le cadre d'une liquidation judiciaire en vue de la vente de l'actif dans les meilleures conditions, et non pendant la période d'observation dans le cadre d'un redressement judiciaire avec poursuite d'exploitation ; que c'est en refusant de renouveler le bail que la SCI Hippomer a provoqué le retrait de l'offre ferme de M. Y... laquelle avait été entérinée par le juge commissaire et est ainsi à l'origine du préjudice financier qu'elle invoque ; que le préjudice invoqué relatif à la perte des loyers depuis l'ouverture de la procédure collective est sans lien de causalité avec la prétendue faute de l'administrateur puisqu'il est imputable au choix du bailleur de résilier le bail avec refus de renouvellement et donc de s'opposer à la cession du fonds de commerce ;
1°) ALORS QUE si la responsabilité du liquidateur peut ne pas être engagée s'il poursuit le contrat de bail de l'immeuble affecté à l'activité de l'entreprise, lorsqu'il envisage de céder le fonds de commerce, encore faut-il qu'à la date à laquelle il décide de poursuivre le contrat, il dispose d'offres de reprise lui permettant, raisonnablement, de conclure que la cession pourra intervenir, une simple perspective ou intention étant insuffisante ; qu'en l'espèce, les juges du fond, en ne constatant pas qu'à la date à laquelle le liquidateur avait opté pour la continuation du contrat de bail, soit le 27 juin 2001, il disposait déjà effectivement d'offres concrètes et sérieuses de reprise du fonds de commerce, qui pouvaient seules justifier cette continuation, ont privé leur décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil,
2°) ALORS QUE en se contentant d'une simple affirmation pour considérer que le liquidateur s'inscrivait dans une perspective raisonnable de cession du fonds de commerce, sans préciser sur quelles pièces, ni quels éléments elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,
3°) ALORS QUE si le produit de la cession du fonds de commerce pouvait, le cas échéant, permettre à la SCI Hippomer d'obtenir paiement des loyers postérieurs à la liquidation judiciaire de la SARL Le Tremblay, il n'existe aucun lien de causalité direct et certain entre le défaut de cession du fonds de commerce et le refus de renouveler le bail et la perte des loyers par la bailleresse, dès lors que, même si le fonds de commerce avait été cédé, ou le bail renouvelé, la SCI Hippomer n'aurait pas nécessairement reçu paiement des loyers demeurés impayés, puisqu'elle venait en concurrence avec les autres créanciers, dont la créance était née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; qu'ainsi, s'il pouvait tout au plus être imputé à la SCI Hippomer d'avoir, par son comportement, provoqué la perte d'une chance d'obtenir paiement des loyers postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire, son refus de renouveler le bail et son opposition à la cession du fonds de commerce n'avaient pas directement causé la perte des loyers ; qu'en décidant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.