LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugements des 3 février et 21 juillet 1994, la société Luc Terme (la société), commissionnaire agréé auprès de la bourse de Paris a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. E... étant successivement désigné représentant des créanciers puis liquidateur ; que Mme Z... a relevé appel de l'ordonnance du juge-commissaire ayant partiellement admis sa créance qu'elle avait déclarée et qui avait été contestée ;
Attendu que pour infirmer cette ordonnance et admettre au passif de la société la créance pour un montant de 76 224,51 euros, à titre chirographaire, l'arrêt retient que Mme Z... a versé différentes sommes entre les mains de M. A..., démarcheur recruté par M. B... agissant pour le compte de la société, que l'enquête diligentée par la Commission des opérations de bourse puis une information pénale ont révélé que la société et M. B... avaient procédé à une gestion collective des fonds déposés par les clients, qu'un compte client ouvert dans les livres de la société au nom de Mme
C...
regroupait partie des avoirs déposés par des clients dont 265 n'avaient pas signé d'ouverture de compte et ne figuraient pas sur les listes des clients répertoriés auprès de la société, que des versements d'espèces avaient eu lieu par le biais de ce compte et qu'il était établi que les fonds confiés par Mme Z... à M. A..., laquelle figurait sur le compte "C...", avaient été appréhendés par la société ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser, dès lors que la remise de fonds ne suffit pas à établir l'obligation de les restituer, le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à celle-ci ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. E..., ès qualités ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour M. E..., ès qualités.
L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a constaté l'existence d'une créance au profit de Mme F..., épouse de M. Z..., au passif de la liquidation judiciaire de la Société LUC TERME ;
AUX MOTIFS QU' « il ressort des pièces communiquées et des explications données par Mme Z..., appelante, qui demande à être admise pour 76.224,51 (500.000 F) qu'elle a été approchée par M. A..., démarcheur pour le compte de la Société LUC TERME, auquel elle a remis un chèque de 400.000 F puis 100.000 F en espèces, que, sur l'insistance de M. A..., le chèque de 400.000 F lui a été restitué en échange d'un nouveau chèque de 260.000 F et de 140.000 F en espèces soit au total 500.000 F dont 240.000 F en espèces ; que le chèque de 260.000 F a été libellé à l'ordre de la Société LUC TERME ; que sa trace a été retrouvée par la Société FIDUCIAIRE GEORGES V qui a diligenté une expertise des comptes de la Société LUC TERME ; que ce même chèque a fait l'objet d'un reçu en date du 18 décembre 1991 de la part de M. A..., le document portant également reçu de la somme en espèces de 140.000 F « que je dois faire porter sur le compte de B.../LUC TERME SA n° 3205 A en remplacement de 400.000 F du 11 décembre 1991 ; que la première somme en espèces de 100.000 F a également fait l'objet d'un reçu de la part de M. A... le 18 décembre 1991, cette somme devant être « versée sur le compte ouvert chez M. Alain B... par l'intermédiaire de la Société LUC TERME » ; que les intimés ne contestent pas l'admission de l'appelante à hauteur de 250.000 F ; que, s'agissant du surplus, ils font valoir que Mme Z... ne rapporte pas la preuve que les fonds ont été déposés chez LUC TERME ; qu'ils soutiennent qu'aucune des conditions du mandat apparent n'est réunie en l'espèce ; qu'ils ajoutent que « la prétendue remise d'espèces directement au démarcheur participe d'une évidente légèreté, dont les conséquences ne sauraient être supportées par la liquidation judiciaire » ; qu'une enquête ouverte au mois d'août 1993 par la Commission des opérations de Bourse puis une information pénale ont notamment révélé que la Société LUC TERME et Alain B..., décédé, avaient procédé à une gestion collective des fonds déposés par les clients que M. A... avait été recruté comme démarcheur par Alain B..., que les relevés d'opérations adressés par LUC TERME à ses clients n'avaient pas reflété la réalité de leurs opérations et de leurs avoirs, qu'avait été ouvert, dans les livres de LUC TERME, un compte client au nom de Mme C..., regroupant une partie des avoirs déposés par des clients dont 265 n'avaient pas signé d'ouverture de compte et ne figuraient pas sur les listes des clients répertoriés chez LUC TERME et, enfin, que des versements d'espèces pour un montant total de 25,7 MF avaient eu lieu par le bais de ce compte ; qu'il s'ensuit que la preuve est suffisamment rapportée que les fonds confiés à M. A... par Mme Z..., laquelle, de surcroît, a figuré au compte « C... » ont été appréhendés par LUC TERME ; qu'il s'ensuit encore que l'appelante sera admise pour le montant qu'elle sollicite, à savoir 76.224,51 , montant de ses versements » ;
ALORS QU' il appartient à celui qui entend obtenir la restitution d'une somme d'argent d'établir la cause de l'obligation de restituer qu'il invoque à l'encontre de son adversaire, et lorsque le juge constate l'existence d'une obligation de restitution, il est tenu de préciser dans sa décision la cause juridique de l'obligation de restituer ; que faute de satisfaire à cette exigence, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 12 du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil, ensemble au regard des règles régissant l'obligation de restituer.