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13/01/2009 | FRANCE | N°07-18082

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 janvier 2009, 07-18082


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2007), qu'au cours des années 2000 et 2001, la société STM international (la société STM) a importé en France des tissus en lin, déclarés comme provenant de Lettonie sous couvert de certificats d'origine préférentielle EUR 1, ayant donné lieu à une exonération de droits de douanes en application d'un accord préférentiel conclu entre cet Etat et la Communauté européenne ; qu'à la suite d'une enquête réalisée par l'Offic

e européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur la régularité des importations au Danema...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2007), qu'au cours des années 2000 et 2001, la société STM international (la société STM) a importé en France des tissus en lin, déclarés comme provenant de Lettonie sous couvert de certificats d'origine préférentielle EUR 1, ayant donné lieu à une exonération de droits de douanes en application d'un accord préférentiel conclu entre cet Etat et la Communauté européenne ; qu'à la suite d'une enquête réalisée par l'Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) sur la régularité des importations au Danemark de tissus en lin en provenance de Lettonie, qui a révélé que les soupçons de fraude portés à sa connaissance, en février 2002, par les autorités douanières danoises étaient fondés, les services douaniers français ont, à la demande de l'OLAF, procédé à un contrôle de la régularité des opérations d'importation réalisées par la société STM ; que saisies par ces derniers pour obtenir des éclaircissements sur l'authenticité des certificats EUR 1 produits par cette société pendant la période considérée, les autorités douanières lettonnes ont indiqué que, n'ayant été ni délivrés ni enregistrés par elles, ces certificats étaient invalides ; qu'en conséquence, les autorités douanières françaises ont adressé à la société en cause un procès-verbal de constatation d'infraction, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, puis un avis de mise en recouvrement (AMR) pour une somme de 124 000 euros correspondant au montant des droits de douanes éludés ; qu'après avoir vainement réclamé auprès de l'administration douanière la remise de ces droits de douanes, la société STM l'a assignée à cette fin et en vue de voir annuler la décision administrative de rejet de cette demande ;

Attendu que la société STM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remise de droits de douanes alors, selon le moyen :

1°/ que l'opérateur se trouve dans une situation particulière lorsque les circonstances qui caractérisent ses rapports avec l'administration sont telles qu'il n'est pas équitable de lui imposer un préjudice qu'il n'aurait normalement pas subi ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir la société STM international (conclusions, p. 7, §3) et comme l'avaient retenu les premiers juges, les marchandises importées bénéficiaient en tout état de cause du régime préférentiel, en raison de la règle du cumul, car elles étaient fabriquées avec des fils en provenance de France ou en Belgique ; qu'en considérant que cet élément, propre à caractériser le caractère anormal du préjudice résultant du retrait des documents douaniers et l'existence d'une situation particulière, ne pouvait caractériser que la bonne foi de l'importateur, la cour d'appel a violé les articles 239 du code des douanes communautaires ainsi que les articles 899 et 904 du règlement CEE du 2 juillet 1993 ;

2°/ que se trouve dans une situation particulière en raison des circonstances qui caractérisent ses relations avec l'administration, l'opérateur qui, muni de plusieurs garanties quant à l'origine des marchandises et au droit de bénéficier d'un régime préférentiel, subit les conséquences d'une falsification des documents douaniers qu'il aurait pu éviter si les autorités communautaires, qui avaient connaissance du phénomène de corruption à l'origine de ces falsifications, avaient publié, en application de l'article 220-2 b) du code des douanes communautaire, un avis alertant les opérateurs de ses doutes sur la bonne application du régime préférentiel dans le pays d'importation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à la date des importations litigieuses la Commission avait la préoccupation de poursuivre un programme de lutte contre la corruption en Lettonie ; qu'en considérant néanmoins, au motif inopérant que le phénomène de corruption au sein de l'administration lettone était à l'époque un fait de notoriété publique et que l'ensemble des opérateurs devaient supporter le risque encouru du fait de cette situation générale, que les autorités communautaires n'étaient pas tenues de délivrer un avis spécifique à destination des opérateurs économiques et qu'il en résultait que la société STM international ne se trouvait pas dans une situation particulière, la cour d'appel a violé les articles 220-2 b) et 239 du code des douanes communautaires ;

Mais attendu, d'une part, que la circonstance selon laquelle les marchandises importées de Lettonie auraient été fabriquées à partir de fils originaires de la Communauté européenne ne suffisant pas à conférer à celles-ci la qualité de marchandises originaires de ce pays, de nature à justifier l'application du régime préférentiel, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'il ne suffisait pas à la société ITM d'invoquer la réception de télécopies émanant de la société intermédiaire Teksaira , attestant que les fils avaient été fabriqués en France ou en Belgique, pour conférer aux marchandises importées une origine lettonne ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que ce n'est qu'à la suite de l'information par l'administration douanière danoise, en février 2002, et donc après les importations litigieuses qui remontent aux années 2000 et 2001, que l'OLAF a pu soupçonner spécifiquement l'authenticité et l'exactitude des certificats mis en circulation dans le cadre des importations de lin et mener son enquête ; qu'il retient que ce n'est qu'après cette enquête que la Commission européenne aurait pu émettre une mise en garde aux importateurs concernés ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que la Commission européenne, qui n'était pas saisie par les autorités douanières françaises de la demande de remise de droits litigieux, n'a pas manqué à son obligation de surveillance et de contrôle de l'application correcte de l'accord d'association CEE-Lettonie, la cour d'appel a statué à bon droit ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société STM international aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'administration des douanes et droits indirects la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société STM international.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société STM International de sa demande de remise des droits de douanes ;

AUX MOTIFS QUE la présentation même de bonne foi de documents dont il a été établi ultérieurement qu'ils étaient falsifiés ou inexacts ne peut constituer en soi une situation particulière justifiant la remise des droits à l'importation exigibles à la suite de l'invalidation de l'EUR1 ; que dans ces conditions il ne suffit pas à la société STM International d'invoquer qu'outre les certificats EUR1 son partenaire, la société Tekspo, lui adressait une facture rédigée par elle et une CMR attestant d'un transport depuis la Lettonie ; qu'elle avait également reçu des télécopies de la société intermédiaire Teksaira attestant que les fils étaient fabriqués en France ou en Belgique (ce qui permettait une origine lettonienne dès lors que la transformation avait lieu dans ce pays), fait confirmé par des certificats du groupe Linnet auquel appartenait la société Teksaira ; que ces éléments ne font qu'établir la bonne foi et l'absence de négligence manifeste de la part de la société STM International ; qu'il importe peu au regard du présent litige que certains tissus provenaient d'un pays bénéficiant d'un régime préférentiel similaire ; que la société STM International doit établir la réunion de circonstances la plaçant dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs économiques exerçant la même activité de sorte qu'il ne serait pas équitable de lui imposer un préjudice que normalement elle n'aurait pas subi ; que s'agissant d'une clause d'équité, il convient de comparer l'intérêt de la Communauté à s'assurer du respect des dispositions douanières et l'intérêt de l'opérateur économique de bonne foi de ne pas supporter un préjudice dépassant le risque commercial ordinaire ; la société STM International invoque à cet égard, au vu du « rapport régulier 2001 sur les progrès réalisés par la Lettonie sur la voie de l'adhésion » daté du 13 novembre 2001, la connaissance que la Commission avait d'une situation généralisée de corruption en Lettonie et l'absence pour autant d'information donnée aux opérateurs ; que si ce rapport, qui n'était pas secret, traduit certes la préoccupation à cette date de la Commission de poursuivre le programme de lutte contre la corruption « qui continuait à entraver sérieusement le fonctionnement correct et efficace de l'administration publique en Lettonie » et d'obtenir des résultats « à grande échelle », il reste très général, ne fait que dénoncer un fait de notoriété publique et ancien, et n'appelait pas de la part de la Commission un avis spécifique aux opérateurs économiques particuliers, alors que l'ensemble des opérateurs économiques agissant en Lettonie devaient inévitablement supporter les risques commerciaux résultant de cette situation générale qu'ils ne pouvaient ignorer ; qu'en réalité ce n'est qu'à la suite de l'information par l'administration douanière danoise en février 2002, et donc après les importations litigieuses qui remontent à 2000 et 2001, que l'OLAF a pu soupçonner spécifiquement l'authenticité et l'exactitude des certificats mis en circulation dans le cadre des importations de tissus de lin et mener son enquête ; que ce n'est qu'après celle-ci que la Commission aurait pu émettre une mise en garde à ces importateurs ; que devant la Cour, il n'est du reste pas même établi que des faits de corruption auraient été commis dans le cas des importations en cause faites par la société STM International et seraient la cause de l'invalidation des EUR1 : qu'en 2000 et 2001, la société STM International n'était donc pas dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs économiques exerçant la même activité en Lettonie ; qu'il n'y a lieu à remise des droits exigibles à la suite de l'invalidation des certificats EUR1 ;

ALORS D'UNE PART QUE l'opérateur se trouve dans une situation particulière lorsque les circonstances qui caractérisent ses rapports avec l'administration sont telles qu'il n'est pas équitable de lui imposer un préjudice qu'il n'aurait normalement pas subi ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir la société STM International (conclusions, p. 7, §3) et comme l'avaient retenu les premiers juges, les marchandises importées bénéficiaient en tout état de cause du régime préférentiel, en raison de la règle du cumul, car elles étaient fabriquées avec des fils en provenance de France ou en Belgique ; qu'en considérant que cet élément, propre à caractériser le caractère anormal du préjudice résultant du retrait des documents douaniers et l'existence d'une situation particulière, ne pouvait caractériser que la bonne foi de l'importateur, la Cour d'appel a violé les articles 239 du Code des douanes communautaires ainsi que les articles 899 et 904 du règlement CEE du 2 juillet 1993 ;

ALORS D'AUTRE PART QUE se trouve dans une situation particulière en raison des circonstances qui caractérisent ses relations avec l'administration, l'opérateur qui, muni de plusieurs garanties quant à l'origine des marchandises et au droit de bénéficier d'un régime préférentiel, subit les conséquences d'une falsification des documents douaniers qu'il aurait pu éviter si les autorités communautaires, qui avaient connaissance du phénomène de corruption à l'origine de ces falsifications, avaient publié, en application de l'article 220-2 b) du Code des douanes communautaire, un avis alertant les opérateurs de ses doutes sur la bonne application du régime préférentiel dans le pays d'importation ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à la date des importations litigieuses la Commission avait la préoccupation de poursuivre un programme de lutte contre la corruption en Lettonie ; qu'en considérant néanmoins, au motif inopérant que le phénomène de corruption au sein de l'administration lettone était à l'époque un fait de notoriété publique et que l'ensemble des opérateurs devaient supporter le risque encouru du fait de cette situation générale, que les autorités communautaires n'étaient pas tenues de délivrer un avis spécifique à destination des opérateurs économiques et qu'il en résultait que la société STM International ne se trouvait pas dans une situation particulière, la Cour d'appel a violé les articles 220-2 b) et 239 du Code des douanes communautaires.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-18082
Date de la décision : 13/01/2009
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 juin 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jan. 2009, pourvoi n°07-18082


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:07.18082
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