LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 808 du code de procédure civile ;
Attendu que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 décembre 2007) rendu en matière de référé, que Mme X..., propriétaire de locaux à usage commercial, les a donnés à bail pour une durée de vingt-trois mois à M. Y... ; qu'après le terme de ce bail, le 31 août 2006, ce dernier est resté dans les lieux ; que le 4 octobre, la bailleresse a fait sommation au locataire de libérer les lieux, puis l'a assigné le 11 octobre devant le juge des référés aux fins de voir ordonner son expulsion ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que Mme X... a manifesté son intention de reprendre le local en délivrant sommation le 4 octobre, a réitéré son opposition en maintien dans les lieux en assignant l'occupant aux fins d'expulsion et qu'est sans conséquence le règlement d'une somme au titre du loyer de septembre 2004 par virement bancaire du 28 septembre 2004, Mme X... n'en n'ayant été informée qu'ultérieurement ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a recherché si, après le terme du bail dérogatoire, un nouveau contrat s'était tacitement noué entre les parties et qui a interprété leur volonté, a tranché une contestation sérieuse et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à M. Y... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me BLANC, avocat aux Conseils pour M. Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué, statuant en référé, d'avoir constaté la résiliation du bail consenti à Monsieur Y... par Madame X... à compter du 31 août 2006, d'avoir ordonné l'expulsion de Monsieur Y... et de tous occupants de son chef et d'avoir condamné Monsieur Y... à verser à Madame X... la somme de 2 000 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux ;
Aux motifs que « un bail d'une durée de 23 mois, dérogatoire au statuts des baux commerciaux dont l'échéance a été fixée au 31 août 2006 a été conclu entre les parties ; l'article L. 145-5 du Code de commerce prévoit qu'à l'expiration de la durée prévue au bail dérogatoire, si le preneur reste et est laissé en possession il s'opère, par l'effet de la loi, un nouveau bail soumis au statut ; par conséquent pour que s'opère un nouveau bail de 9 ans soumis au statut, le preneur doit donc être resté dans les lieux sans opposition du bailleur ; Monsieur Y... est resté dans les lieux au-delà du 31 août 2006 (…) ; Jacqueline X... a manifesté son intention de reprendre le local en délivrant à Monsieur Y... le 4 octobre 2006 une sommation d'avoir à remettre les clés du local loué et rendre les locaux vides d'occupant et de mobilier faute de quoi il serait considéré comme occupant sans droit ni titre ; cette opposition au maintien dans les lieux a été réitérée par l'assignation en référé du 11 octobre 2006 et un courrier du 15 octobre 2006 dans lequel elle indique "votre attitude me conduit à vous délivrer une assignation en référé en vue de votre expulsion. Je vous précise par ailleurs que toute somme que vous m'avez réglée depuis le 31 août dernier ou que vous pourrez être amené à me régler jusqu'à complète libération des lieux ne sera encaissée par mes soins qu'à titre d'indemnité d'occupation" ; ces actes et courrier ont été délivrés avant que Jacqueline X... ait accepté quelconque somme à titre de loyer puisque si le preneur a effectué un virement bancaire en paiement du loyer le 28 septembre 2006, la bailleresse n'en a eu connaissance que le 19 octobre 2006 ainsi que cela résulte de son relevé bancaire ; en conséquence, le preneur ne saurait sérieusement soutenir avoir acquis la propriété commerciale en l'état de l'opposition du bailleur à son maintien dans les locaux » ;
Alors d'une part qu'en ayant ordonné en référé l'expulsion de Monsieur Y... sans avoir constaté l'urgence requise pour qu'il soit statué en application de l'article 808 du Code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte ;
Alors d'autre part que tranche une contestation sérieuse le juge des référés qui, saisi d'une demande d'expulsion, se prononce sur la question de savoir si le locataire a été laissé en possession par le bailleur après l'expiration du bail dérogatoire (violation de l'article 808 du Code de procédure civile) ;
Alors enfin qu' il incombe au bailleur de rapporter la preuve de ce qu'il a notifié à son locataire sa volonté de le voir quitter les lieux avant l'expiration du bail ; qu'en ayant accueilli la demande d'expulsion de Monsieur Y... au motif inopérant que la bailleresse avait manifesté son intention de reprendre le local plus d'un mois après l'expiration du bail dérogatoire, sans avoir recherché si elle avait notifié à son locataire cette volonté avant l'expiration du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 145-5 du Code de commerce.