LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société X... Francis (la société) qui exerce une activité de production et de vente de produits de jardinerie, est en relation depuis 20 ans avec la société Carrefour comme fournisseur de quatre de ses magasins ; qu'elle a assigné la société Carrefour pour voir prononcer la résiliation des quatre conventions la liant à la société Carrefour aux torts et griefs exclusifs de cette dernière et obtenir le paiement de dommages-intérêts, lui reprochant la cessation fautive en 1994 de commandes de fleurs coupées, des pratiques tendant à lui imposer des ristournes sur le chiffre d'affaires, des remises et d'obtenir, sous couvert d'une rationalisation des procédures de paiement des fournisseurs, une nouvelle redevance de 0,40 % ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 442-6 I 1° du code de commerce ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société X... et écarter l'existence de pratiques discriminatoires de la société Carrefour antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001, l'arrêt retient que la société X... avait accepté le principe d'une remise de fin d'année au taux de 6 % et, sans réserves, les tarifs qui lui étaient proposés ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les exigences de la société Carrefour ne constituaient pas des conditions d'achat non justifiées par des contreparties réelles, créant de ce fait pour son fournisseur un désavantage dans la concurrence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient qu'aucune disposition contractuelle n'avait accordé à la société X... une exclusivité pour la vente des fleurs coupées ;
Attendu qu'en se déterminant par des tels motifs, impropres à écarter l'absence de faute de la société Carrefour dans la rupture des relations commerciales concernant l'activité "Fleurs coupées", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne les sociétés Carrefour France et Carrefour hypermarchés France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société X... Francis la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vuitton et Ortscheidt, avocat aux Conseils pour la société X... Francis.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR, par substitution de motifs, reconnu l'existence de relations contractuelles entre les parties, confirmé le jugement déféré et débouté la société EURL X... de toutes ses demandes, en particulier, d'indemnités,
AUX MOTIFS QUE pour procéder à cet examen, la cour se référera uniquement aux dispositions générales des articles 1134 et 1135 du Code civil et aux dispositions spéciales de l'actuel article L 442-6 1er, seul applicable à l'espèce, les autres dispositions invoquées étant postérieures aux faits ; qu'il appartient à la société X... d'établir soit une exécution de mauvaise foi de leurs accords, soit la société Carrefour a pratiqué envers elle ou a obtenu des prix, délais de paiement, conditions de vente ou modalité de vente, ou des achats discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait pour elle un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; qu'il résulte de l'examen des griefs portant sur les faits les plus anciens qu'aucune disposition contractuelle n'avait accordée à la société X... une exclusivité pour la vente de fleurs coupées et que Monsieur X... avait d'ailleurs, tout en la regrettant accepté cette situation, qu'il a le 6 janvier 1999 accepté le principe d'une remise de fin d'année au taux de 6 % et qu'il a enfin accepté sans réserve les tarifs qui lui étaient proposés ; qu'il résulte de l'examen de ses griefs récents et relatifs tant à la nouvelle remise de 1 % qu'au service financier au fournisseur et qu'aux accords commerciaux qui lui étaient proposés qu'il a refusé ces propositions et que sa cliente, dont il prétend qu'elle cherchait à les lui imposer, n'a pas autrement réagi lorsqu'il les a refusées ; qu'il est encore établi que, même après la rupture, les relations commerciales se sont poursuivies jusqu'à fin 2003 ; que la société X... ne démontre pas en conséquence l'existence de fautes de son contractant et le jugement déféré sera confirmé mais pour d'autres motifs,
1°) ALORS QUE la cour d'appel, qui retient que les parties sont « d'accord pour reconnaître que les quatre conventions » de 1990, 1992 et 1993 sont désormais sans effet, bien que l'exposante ait soutenu dans ses écritures que ces conventions avaient été tacitement reconduites et s'inséraient dans le cadre contractuel, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile,
2°) ALORS QUE ni les dispositions du droit commun, ni l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce n'imposent que l'existence d'un manquement contractuel ou d'une pratique discriminatoire ou abusive soit subordonnée au fait que la victime de cette pratique l'ait refusée, surtout lorsqu'est en question un abus de position ou de dépendance d'une partie sur l'autre, qui précisait affecte par nature la validité du consentement de l'autre partie ; qu'en écartant néanmoins toute pratique discriminatoire au seul motif que la société X... a accepté le principe d'une remise de fin d'année au taux de 6 % et l'absence d'exclusivité, ce qui, comme le faisait valoir l'exposante, était inopérant, pour n'exclure aucunement la contrainte, sans rechercher si l'ensemble des exigences exorbitantes de la société Carrefour, demandant à l'exposante de fournir ses salariés pour vendre ses produits dans ses magasins et entretenir les rayons et ne cessait de proposer de nouveaux contrats non-négociables et d'exiger de nouveaux efforts ou avantages financiers sans contrepartie, n'était pas fautif, ne procédait pas d'un comportement discriminatoire et/ou abus de puissance ou de dépendance économique au détriment de l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1147 du Code civil,
3°) ALORS QUE, indépendamment de toute exclusivité, le distributeur qui décide unilatéralement de baisser brutalement le volume des commandes habituellement passées auprès du fournisseur engage sa responsabilité ; qu'en l'espèce, en l'état du contrat de partenariat liant les parties ayant exigé d'importants investissements de l'exposante, la décision brutale et unilatérale de la société Carrefour de cesser brutalement l'activité "fleurs coupées" avait engendré une baisse considérable du volume des commandes auprès de la société EURL X... de nature à engager la responsabilité pour faute de des sociétés Carrefour ; qu'en se contentant d'affirmer qu'aucune disposition contractuelle n'avait accordé à la société X... une exclusivité pour la vente des fleurs coupées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil,
4°) ALORS QUE la société EURL X... démontrait que la société Carrefour avait obtenu un avantage injustifié en exigeant une participation financière, en 1993, pour l'agrandissement ou la rénovation des magasins alors que l'EURL X... payait déjà une remise de fin d'année, qu'il en était de même des redevances de 1 % et 0,4 % réclamées plus tard et que la société Carrefour n'avait de cesse de présenter de nouveaux projets faisant fi de l'antériorité et sans aucune discussion, ce qui manifestait encore l'abus commis et démontrait que le constant comportement des sociétés Carrefour tendait à la contraindre à une relation commerciale de plus en plus artificiellement déséquilibrée ; qu'en omettant de répondre à ces chefs de conclusions de nature à caractériser une pratique discriminatoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,
5°) ALORS QUE les dispositions des articles L. 442-6-I-2°-a , L. 442-6-I-2°-b et L. 442-6-I-3°, issus de la loi du 15 mai 2001, sont applicables aux faits postérieurs à l'application de la loi ; qu'en l'espèce, bien que la ristourne de 1 % était appliquée postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et que, de même, certains contrats signés avaient été proposés à l'EURL X... postérieurement à cette date, la Cour d'appel a considéré que seules les dispositions de l'article L. 442-6 1° étaient applicables en l'espèce, « les autres dispositions invoquées étant postérieures aux faits » ; qu'en se déterminant ainsi, elle a violé les dispositions susvisées,
6°) ALORS QUE la cour d'appel, qui n'a pas analysé le comportement des société Carrefour dans leur ensemble, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du Code civil, ensemble l'article L. 442-6 I 1° du Code de commerce.