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10/12/2008 | FRANCE | N°07-40190

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2008, 07-40190


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 13 mai 1985 par la caisse de crédit agricole mutuel (CRCAM) d'Ille-et-Vilaine, a exercé à partir du 1er décembre 1999 les fonctions de chargé de clientèle des particuliers spécialisé en patrimoine, à Saint-Malo, cette affectation le conduisant à rayonner depuis cette localité sur les autres agences et auprès de la clientèle ; qu'il lui a été imposé, le 8 février 2004, une nouvelle organisation du travail dite "organisation test" consistant à l'a

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 13 mai 1985 par la caisse de crédit agricole mutuel (CRCAM) d'Ille-et-Vilaine, a exercé à partir du 1er décembre 1999 les fonctions de chargé de clientèle des particuliers spécialisé en patrimoine, à Saint-Malo, cette affectation le conduisant à rayonner depuis cette localité sur les autres agences et auprès de la clientèle ; qu'il lui a été imposé, le 8 février 2004, une nouvelle organisation du travail dite "organisation test" consistant à l'affecter, avec présence fixe et obligatoire, à quatre agences différentes, soit celles de Saint-Malo les lundi et jeudi, Dinard le mardi, Dol de Bretagne le mercredi et Saint-Jouan le vendredi ; que des rendez-vous avec la clientèle, au nombre minimum de trois par jour, lui étaient fixés soit dans les agences soit au domicile des clients ; que M. X..., qui était domicilié à Saint-Malo, s'est vu refuser le 2 février 2005 la prise en charge de ses frais de déplacements entre cette localité et ses trois autres agences de rattachement, au motif que seuls les trajets au départ de ces dernières pouvaient être remboursés ; qu'après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 18 février 2005 faisant notamment grief à l'employeur d'une modification unilatérale du lieu de travail avec incidence sur le remboursement des frais de déplacement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires et salariales ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L. 122-4, L. 122-13 et L. 122-14-3, devenus les articles L. 1231-1 et L. 1237-2 du code du travail ;

Attendu que, pour dire que la rupture de la relation salariale résulte de la démission du salarié, la cour d'appel retient que, certes, la modification des conditions de travail décidée par le représentant de l'employeur était pour le moins discutable puisque le salarié, contractuellement rattaché à l'agence de Saint-Malo, avait, à la suite de la mise en place d'une organisation-test intervenue en mars 2004, été affecté, avec présence fixe et obligatoire, aux quatre agences de Saint-Malo, Dinard, Dol de Bretagne et Saint-Jouan, ce qui avait généré pour lui des frais professionnels importants, et que ce changement n'avait été formalisé par aucun avenant ; que, toutefois, si la décision en question était justement critiquée par le salarié, elle ne constituait pas à elle seule, faute de contestation écrite de la part de l'intéressé auprès de la direction de la CRCAM qui aurait pu discuter avec lui de son bien-fondé, et dans un tel contexte, un fait revêtant une importance telle qu'il justifierait le prononcé de la rupture de la relation salariale aux torts de la caisse ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail avait été unilatéralement modifié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article L. 511-1, alinéa 1, phrases 1 et 2, alinéas 4 et 5, et alinéa 6, phrases 1 et 2, devenu les articles L. 1411-1, 1411-3 et 1421-1 du code du travail ;

Attendu que pour déclarer le conseil de prud'hommes incompétent pour connaître de la demande de M. X... en maintien d'un taux et d'une durée de prêt préférentiels, l'arrêt retient que le différend opposant les parties au sujet des modalités de remboursement, après la rupture du contrat de travail, de ce prêt accordé par la CRCAM pendant la relation de travail, ne s'est pas élevé à l'occasion du contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des conclusions de l'employeur que la rupture du contrat de travail pour quelque cause que ce soit entraînerait l'exigibilité du prêt dans les mêmes conditions que celles précisées aux conditions générales, ce dont il résultait que le différend s'était élevé à l'occasion du contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement du chef des frais de déplacement, l'arrêt rendu le 14 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la CRCAM d'Ille-et-Vilaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la rupture du contrat de travail liant Monsieur X... à la CRCAM d'ILLE et VILAINE résultait de la démission du salarié et d'avoir, en conséquence, débouté ce dernier de ses demandes indemnitaires concernant la rupture du contrat de travail ;

AUX MOTIFS QU' alors que Monsieur X... était domicilié à Saint Malo et que son contrat de travail précisait qu'il était rattaché à cette ville, Monsieur Y... a, compte tenu de son affectation les mardi à Dinard, mercredi à Dol et vendredi à Saint Jouan, dit que les frais de déplacement ne seront pris en charge qu'au départ de ces différentes agences de référence ; que cette modification apparaît pour le moins discutable dans la mesure où la modification des conditions de travail de Monsieur X... intervenue en mars 2004 à la suite de la mise en place de l'organisation test a eu pour effet de le rattacher, avec présence fixe et obligatoire à 4 agences situées à Saint Malo, Dinard, Dol de Bretagne et Saint Jouan, a généré pour lui des frais professionnels importants, et surtout n'a été formalisée par aucune disposition portant modification du contrat selon lequel il était rattaché à l'agence malouine ; que toutefois cette décision prise par Monsieur Y... responsable de l'agence de conseil en patrimoine n'a fait l'objet d'aucune contestation écrite de la part de Monsieur X... à la direction de la CRCAM qui aurait pu discuter avec lui de son bien fondé ; qu'en conséquence si c'est à juste raison que le salarié reproche ce fait à son employeur, il y a lieu de relever, compte tenu de ces observations que ce fait ne revêt pas à lui seul et dans un tel contexte une importance telle qu'il justifierait le prononcé de la rupture de la relation salariale aux torts de la CRCAM ;

ALORS D'UNE PART QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés, sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due ; que le fait pour l'employeur de s'abstenir de payer les rémunérations ou remboursement de frais qui sont dus à son salarié constitue une inexécution grave de ses obligations contractuelles ; que la Cour d'appel a expressément constaté que la modification dans la prise en charge des frais de déplacement de Monsieur X..., à la suite de son rattachement à quatre agences du CRCAM situées dans quatre villes différentes, modification qui consistait à ne prendre en charge lesdits frais qu'au départ de ces différentes agences de référence et non à compter de Saint Malo, avait généré pour lui des frais professionnels importants sans qu'elle soit formalisée par une modification de son contrat de travail qui le rattachait à la seule agence de Saint Malo ; qu'en refusant néanmoins d'en déduire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, peu important que le salarié n'ait pas formulé de contestation écrite de cette décision auprès de la direction, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard des articles L 122-4, L 122-13 et L 122-14-3 du Code du travail.

ALORS D'AUTRE PART QU'en décidant que le reproche formulé à juste raison par Monsieur X... à l'encontre de son employeur n'était pas d'une importance telle qu'il justifierait le prononcé de la rupture de la relation salariale aux torts de l'employeur faute d'avoir fait l'objet d'une contestation écrite de la part du salarié auprès de la direction, la Cour d'appel a posé une condition préalable à la prise d'acte de la rupture par le salarié dénonçant les agissements de son employeur ; qu'elle a ainsi violé les articles L 122-4, L 122-13 et L 122-14-3 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le différend opposant Monsieur X... à la CRCAM au sujet des modalités de remboursement, après la rupture du contrat de travail, du prêt accordé par cet employeur à son salarié ne saurait relever de la compétence de la juridiction sociale et d'avoir dit, en conséquence que la Cour d'appel était incompétente pour connaître du litige relatif au taux de remboursement dudit prêt ;

AUX MOTIFS QUE le différend opposant les parties au sujet des modalités de remboursement, après la rupture du contrat de travail, du prêt au taux préférentiel accordé par la CRCAM à Monsieur X... pendant la relation de travail ne saurait relever de la compétence de la juridiction sociale dans la mesure où il ne s'est pas élevé à l'occasion du contrat de travail ;

ALORS QUE le conseil des prud'hommes est seul compétent pour statuer sur les conséquences de la rupture du contrat de travail ; qu'il est donc seul compétent pour réparer le préjudice causé au salarié par la rupture du contrat de prêt ou les modifications des clauses de ce contrat qui sont la conséquence de cette rupture ; qu'en se disant incompétente pour statuer sur les conséquences de la rupture du contrat sur le prêt consenti par l'employeur à son salarié, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L 511-1 du Code du travail

ET ALORS en tout hypothèse QU' aux termes de l'article 79 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile lorsque la Cour d'appel infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ; que la Cour d'appel saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige que le premier juge avait tranché au fond, qui était juridiction du second degré tant à l'égard du Tribunal de Grande Instance que du Conseil de prud'hommes et se trouvait investie de la plénitude de juridiction tant en matière prud'homale qu'en matière civile, avait le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci une solution au fond ; qu'en refusant de statuer sur le différend opposant les parties sur les modalités de remboursement du prêt accordé à Monsieur X... par la CRCAM, la Cour d'appel a, par refus d'application violé l'article 79 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-40190
Date de la décision : 10/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 14 novembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2008, pourvoi n°07-40190


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.40190
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