LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... (les débiteurs) ont été déclarés en faillite par des jugements du tribunal civil de Livourne (Italie) des 4 juin et 5 juillet 1996, désignant MM. Y... et Z... en qualité de syndics (les syndics) et revêtus de l'exequatur par décision des 25 juillet 1998 ; qu'à la suite de la vente, sur saisie immobilière, entamée par la banque Finama et poursuivie par les syndics, de biens immobiliers appartenant aux débiteurs et situés à Nice, une procédure d'ordre a été ouverte par le juge chargé des ordres du tribunal de grande instance de Nice qui, saisi par les syndics d'une exception d'incompétence au profit des juridictions italiennes, a renvoyé l'affaire devant le tribunal ;
Attendu que pour débouter les syndics de leur exception d'incompétence et décider que le juge chargé des ordres du tribunal de grande instance de Nice était territorialement compétent pour connaître des ordres judiciaires ouverts à la suite de l'adjudication des biens des débiteurs, l'arrêt retient que l'application du règlement (CE), n° 1348/2000 du 29 mai 2000, en réalité le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, n'étant plus exclue en application de son article 1 b), son article 22 dispose également qu'en matière de droits réels immobiliers sont compétents les tribunaux de l'Etat membre où l'immeuble est situé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur l'application du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 qu'elle soulevait d'office, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n° 2006/782 rendu le 16 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Banque Finama, le trésorier de Nice La Plaine (5e division), la Société générale, la SCI Le Phénicia et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble "L'Etoile de Mer" aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour MM. Y... et Z..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les liquidateurs de leur exception d'incompétence et d'avoir dit que le juge aux ordres du Tribunal de grande instance de Nice est territorialement compétent pour connaître des ordres judiciaires ouverts à la suite de l'adjudication des biens des époux X... ;
AUX MOTIFS QUE les règles de compétence édictée par la convention franco-italienne du 3 juin 1930 sont simplement indirectes et énoncées à l'adresse du seul juge de l'exequatur ; qu'en matière de procédure de distribution provoquée par une vente sur saisie immobilière, le critère de la compétence territoriale interne – et donc de la compétence internationale résulte de la localisation de l'immeuble sur le territoire français ; que la procédure de distribution n'est que la conséquence d'une voie d'exécution dont la mise en oeuvre est soumise, en droit international privé, à la compétence juridictionnelle des autorités du lieu de la saisie ; que la procédure de distribution ne dérive pas directement de la faillite et ne s'insère pas étroitement dans le cadre de la procédure collective ; qu'elle aurait pu intervenir dans les mêmes conditions en l'absence de procédure collective dès lors qu'en l'espèce la procédure de saisie immobilière a été initiée par la société Banque Finama qui n'est pas créancière des personnes faisant l'objet de la procédure collective en Italie et qu'il n'est ni soutenu ni avéré que les créanciers bénéficiant d'un privilège ou d'une hypothèque (seuls susceptibles d'être colloqués dans la procédure d'ordre) ait un rattachement quelconque avec le lieu de l'ouverture de la procédure italienne de faillite ; qu'ainsi l'application du règlement (CE) n° 1348/2000 du 29 mai 2000 en réalité règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 n'étant plus exclue en application de son article 1 b), son article 22 dispose également qu'en matière de droits réels immobiliers, sont compétents les tribunaux de l'Etat membre où l'immeuble est situé ; qu'au surplus seule la décision d'un tribunal français peut enjoindre le conservateur des hypothèques de procéder aux radiations des inscriptions qui interviendront suite à la distribution ;
ALORS D'UNE PART QUE la procédure d'ordre qui permet la distribution du prix d'adjudication d'un bien immobilier appartenant à un débiteur placé en liquidation judiciaire, confiée au liquidateur et régie par les dispositions relatives aux procédures collectives, constitue une procédure qui dérive directement de la faillite et qui s'insère étroitement au sein de la procédure de liquidation ; qu'elle est à ce titre exclue du champ d'application du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; que retenant la compétence du tribunal du lieu de l'immeuble en application de l'article 22 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la Cour d'appel a violé l'article 1 b) dudit règlement, ensemble les articles L. 622-16 ancien du Code de commerce et 140 à 148 anciens du décret du 27 décembre 1985 ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la procédure d'ordre étant régie par des dispositions particulières lorsque l'adjudication a porté sur un actif d'un débiteur placé en liquidation judiciaire, la Cour d'appel, en retenant que la procédure aurait pu intervenir dans les mêmes circonstances en l'absence de procédure collective et qu'elle n'était de ce fait pas directement liée à la faillite, a violé les articles L. 622-16 ancien du Code de commerce et 140 à 148 anciens du décret du 27 décembre 1985 ;
ALORS EN OUTRE QUE la procédure d'ordre dérive directement de la faillite dès lors qu'elle subit les conséquences de cette dernière, peu important que les créanciers du débiteur n'aient aucun lien de rattachement avec le lieu de l'ouverture de la procédure de faillite ; que dès lors, en écartant la clause d'exclusion relative aux faillites au motif inopérant que les créanciers n'avaient aucun rattachement avec le lieu de la procédure collective italienne, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1 b) du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, L. 622-16 ancien du Code de commerce et 140 à 148 anciens du décret du 27 décembre 1985 ;
ALORS ENSUITE QU'en appliquant d'office le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile et le principe de la contradiction ;
ALORS ENCORE QUE la procédure d'ordre qui permet la distribution du prix d'adjudication d'un bien immobilier appartenant à un débiteur placé en liquidation judiciaire constitue une procédure mobilière confiée, aux termes de l'article 154 ancien de la loi du 25 janvier 1985, au liquidateur, le tribunal compétent pour trancher d'éventuelles contestations étant le tribunal du lieu où se déroule la procédure de liquidation ; que, dès lors, en retenant la compétence du tribunal de grande instance de Nice, lieu de l'immeuble, et non la compétence des organes de la procédure ainsi que du tribunal du lieu où se déroule la procédure de liquidation, à savoir le tribunal de Livorno (Italie), la Cour d'appel a violé les articles 44 du Code de procédure civile, L. 622-16 ancien du Code de commerce et 140 à 148 anciens du décret du 27 décembre 1985 ;
ALORS AU SURPLUS QUE la procédure d'ordre qui vise uniquement à répartir une somme d'argent n'est pas une voie d'exécution ; qu'en considérant comme telle la procédure d'ordre du prix d'adjudication, la Cour d'appel a violé les 673 et 749 à 717 anciens de l'ancien Code de procédure civile et l'article 1er de la loi n° 91-650 du 10 juillet 1991 ;
ALORS ENFIN QUE les décisions rendues en matière civile et commerciale par les juridictions italiennes peuvent donner lieu à exécution forcée et faire l'objet d'une inscription sur un registre public après avoir été déclarées exécutoires ; qu'en retenant l'impossibilité pour le conservateur des hypothèques de procéder à la radiation des inscriptions sur décision d'une juridiction italienne, la Cour d'appel a violé l'article 2 de la convention franco-italienne du 3 juin 1930 sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale et les articles 2148 et 2159 anciens, 2428 et 2442 du Code civil.