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03/12/2008 | FRANCE | N°07-43083

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2008, 07-43083


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 412-18 alinéa 3, devenu l'article L. 2421-1, ensemble R. 516-31, alinéa 2, devenu R 1455-7, du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé comme journaliste par la société Journal Le Midi libre en 1968, a été désigné délégué syndical le 19 janvier 1999 ; que l'employeur alléguant une faute grave l'a mis à pied à titre conservatoire le 20 novembre 1999 et a formé une demande d'autorisation de licenciement que l'inspecteur du

travail a rejetée au motif que le salarié n'était plus protégé ; que le salari...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles L. 412-18 alinéa 3, devenu l'article L. 2421-1, ensemble R. 516-31, alinéa 2, devenu R 1455-7, du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé comme journaliste par la société Journal Le Midi libre en 1968, a été désigné délégué syndical le 19 janvier 1999 ; que l'employeur alléguant une faute grave l'a mis à pied à titre conservatoire le 20 novembre 1999 et a formé une demande d'autorisation de licenciement que l'inspecteur du travail a rejetée au motif que le salarié n'était plus protégé ; que le salarié a été licencié pour faute grave, sans indemnité, par lettre du 3 janvier 2000 ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail a annulé cette décision et autorisé le licenciement de l'intéressé le 2 juin 2000 ; que cette décision a été annulée par arrêt confirmatif de la cour administrative d'appel du 8 novembre 2005 devenu définitif ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale statuant en référé d'une demande en provision au titre de l'indemnité due en application de l'article L. 412-9, devenu l'article L. 2422-1 du code du travail, de l'indemnité de préavis et d'un rappel de salaire pour les jours de mise à pied conservatoire ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes de provision du salarié, la cour d'appel retient d'une part que la question se pose de savoir si l'annulation de la décision du ministre du travail a pu faire revivre la décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, que néanmoins le préjudice dont le salarié peut demander réparation en application de l'article L. 412-19 du code du travail à la suite de l'annulation de la décision du ministre autorisant son licenciement est sérieusement contestable dès lors que depuis son éviction de l'entreprise, il a perçu des revenus professionnels supérieurs aux salaires qu'il aurait perçus s'il était resté dans l'entreprise, et que le salarié qui ne sollicite plus sa réintégration peut prétendre aux indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi que le cas échéant au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 122-14-4 du code du travail s'il est établi que son licenciement était au moment où il a été prononcé sans cause réelle et sérieuse, et qu'il n'appartient pas au juge des référé d'apprécier la faute grave alléguée par l'employeur à l'appui de sa décision de licenciement et par voie de conséquence l'exigibilité des sommes réclamées à titre de rappel pour la mise à pied conservatoire et d'indemnité compensatrice de préavis ;
Attendu cependant que lorsque la qualité de salarié protégé de l'intéressé n'est plus contestable, la décision du juge administratif se prononçant sur les faits fautifs allégués par l'employeur, qui a retenu que ces faits soit n'étaient pas établis, soit ne justifiaient pas la mesure de licenciement s'oppose à ce que le juge judiciaire appréciant les mêmes faits, décide qu'ils constituent une faute grave ou une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
D'où il suit que si, en l'état des constatations de la cour d'appel, le préjudice subi par le salarié depuis son licenciement, dont il pouvait demander réparation en application de l'article L. 412-19 codifiés aux articles L. 2422-1 et L. 2422-4 du code du travail était sérieusement contestable, le droit à l'indemnité de préavis et à un rappel de salaire pour les jours de mise à pied conservatoire ne pouvait plus faire l'objet de contestation sérieuse devant le juge judiciaire ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a débouté M. X... de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis de deux mois et d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, l'arrêt rendu le 9 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Journal Midi libre à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur les différentes demandes indemnitaires formées par M. X..., salarié protégé, à la suite de son licenciement ;
AUX MOTIFS QUE il résulte, en premier lieu, de l'article 412-19 du Code du travail que l'annulation par le juge administratif, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'Etat, d'une décision de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant le licenciement d'un salarié mentionné à l'article L 412-18, emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent et que lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai de deux mois ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire ;
Qu'en l'occurrence, la société du journal « Midi Libre » soutient que l'arrêt rendu le 8 novembre 2005 par la cour administrative d'appel de Marseille a eu pour effet de faire « revivre » la décision d'incompétence prise initialement par l'inspecteur du travail, contre laquelle aucun nouveau recours hiérarchique ou contentieux n'avait été formé dans les deux mois de la notification de l'arrêt, ce dont il résulte, selon elle, que M. X... ne peut prétendre au bénéfice du statut protecteur ; que la question se pose, en effet, de savoir si la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité en date du 2 juin 2000, postérieurement annulée par le juge administratif, ne s'était pas elle-même substituée à celle de l'inspecteur du travail, auquel cas le licenciement de M. X... devra être considéré comme ayant été prononcé en vertu d'une autorisation administrative, dont l'annulation ouvrait bien droit à réintégration ;
Qu'il n'en demeure pas moins que l'indemnisation, sur le fondement de l'article L 412-19 susvisé, du préjudice résultant de l'annulation de l'autorisation de licenciement doit notamment tenir compte des sommes perçues par le salarié au cours de la période litigieuse au titre tant des allocations de chômage que des salaires liés à l'exercice d'une activité professionnelle ;
Qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, qu'au cours de la période du 3 janvier 2000 au 5 juin 2003, date à laquelle M. X... a sollicité sa réintégration, celui-ci a perçu des allocations de l'Assedic et des salaires, l'intéressé ayant été embauché à compter du 1er janvier 2001 en qualité de directeur du comité régional de la culture ; que la société du journal « Midi Libre » produit un décompte précis, dont il ressort que les sommes versées à M. X... de janvier 2000 à juin 2003 sont supérieures de 18.473,55 euros à celles qu'il aurait perçues s'il avait continué à travailler au journal ;
Que le préjudice matériel invoqué apparaît donc sérieusement contestable, indépendamment du point de savoir si la procédure spéciale de licenciement, devait ou pas être mise en oeuvre ; qu'aucun préjudice moral n'est, par ailleurs, allégué au stade du référé ;
Qu'il est également de principe que le salarié protégé qui n'a pas sollicité sa réintégration ou qui ne la sollicite plus, peut prétendre au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi qu'au paiement, le cas échéant, de l'indemnité prévue par l'article L 122-14-4 du Code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en l'espèce, il n'appartient pas au juge des référés prud'homal, juge de l'évident et de l'incontestable, d'apprécier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur, à l'appui de son licenciement, et, par voie de conséquence, l'exigibilité des sommes réclamées à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied du 18 novembre 1999 au 3 janvier 2000, précédant le licenciement, et d'indemnité compensatrice de préavis ;
ALORS QUE en l'état de l'annulation de la décision d'incompétence de l'inspecteur du travail, le licenciement d'un salarié protégé est nul comme intervenu en l'absence d'autorisation administrative ;
D'où il résulte que la Cour d'appel qui constatait que le licenciement de M. X... avait été prononcé ensuite de la décision d'incompétence de l'inspecteur du travail ultérieurement annulée par le Ministre de l'emploi, dont l'autorisation avait elle-même été annulée par le juge administratif qui avait définitivement reconnu la qualité de salarié protégé de M. X..., devait en déduire que le licenciement du salarié prononcé sans autorisation était nul et devait tirer les conséquences indemnitaires qui s'évinçaient du caractère illicite du licenciement, sans avoir à en apprécier le caractère réel et sérieux ;
Qu'en retenant que le préjudice matériel était sérieusement contestable et qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur à l'appui du licenciement, la Cour d'appel a violé l'article R 516-31 al. 2 du Code du travail, ensemble les articles L 412-18 et L 412-19 du même Code ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. X..., salarié protégé, en paiement de rappel de salaires pendant la période de mise à pied conservatoire et d'indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QUE il est également de principe que le salarié protégé qui n'a pas sollicité sa réintégration ou qui ne la sollicite plus, peut prétendre au paiement des indemnités de rupture, s'il n'en a pas bénéficié au moment du licenciement et s'il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi qu'au paiement, le cas échéant, de l'indemnité prévue par l'article L 122-14-4 du Code du travail, s'il est établi que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Qu'en l'espèce, il n'appartient pas au juge des référés prud'homal, juge de l'évident et de l'incontestable, d'apprécier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur, à l'appui de son licenciement, et, par voie de conséquence, l'exigibilité des sommes réclamées à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied du 18 novembre 1999 au 3 janvier 2000, précédant le licenciement, et d'indemnité compensatrice de préavis ;
ALORS QUE l'annulation définitive de l'autorisation de licencier un salarié protégé pour faute grave emporte annulation de la mise à pied prononcée à titre provisoire et suppression de plein droit de ses effets ;
D'où il résulte qu'en l'état de l'annulation définitive de l'autorisation ministérielle de licencier par le juge administratif, l'obligation de l'employeur de payer les salaires de M. X... pendant la période de mise à pied conservatoire n'était pas sérieusement contestable ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé, la Cour d'appel a violé l'article L 412-18 du Code du travail ensemble l'article R 516-31 du même Code ;
ALORS EN OUTRE QUE en retenant qu'il n'appartenait pas au juge des référés d'apprécier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur à l'appui de sa décision de licenciement, lorsque le juge administratif avait, pour annuler l'autorisation du Ministre de licencier, retenu que les reproches invoqués par l'employeur étaient pour partie matériellement inexacts et pour partie d'une gravité insuffisante pour justifier un licenciement, d'où résultait l'absence de gravité des reproches fondant le licenciement pour faute grave, la Cour d'appel a violé l'article R 536-1 du Code du travail ;
ALORS ENFIN QUE en disant n'y avoir lieu à référé sur les demandes de rappel de salaire et d'indemnité de préavis au motif général et abstrait qu'elle n'avait pas à apprécier l'existence de la faute grave invoquée par l'employeur, lorsqu'il lui appartenait de dire en quoi, dans les circonstances de l'espèce, il existait une contestation sérieuse sur l'appréciation de la gravité des reproches invoqués par l'employeur, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un manque de base légale au regard de l'article R 536-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-43083
Date de la décision : 03/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 09 mai 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2008, pourvoi n°07-43083


Composition du Tribunal
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.43083
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