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03/12/2008 | FRANCE | N°07-42174

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 décembre 2008, 07-42174


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes X..., D..., C... et M. Y..., qui étaient employés par la société Agency of Business Design (ABD), ont été licenciés pour motif économique, selon le cas, le 23 ou le 28 janvier 2004 en raison de la suppression de leur emploi du fait d'une réorganisation de l'entreprise ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que les salariés soutiennent que le pourvoi est irrecevable pour avoir été formé par la société ABD, M. Z..., Ã

¨s qualités d'administrateur judiciaire de cette société, et M. A..., ès qualités de ma...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mmes X..., D..., C... et M. Y..., qui étaient employés par la société Agency of Business Design (ABD), ont été licenciés pour motif économique, selon le cas, le 23 ou le 28 janvier 2004 en raison de la suppression de leur emploi du fait d'une réorganisation de l'entreprise ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que les salariés soutiennent que le pourvoi est irrecevable pour avoir été formé par la société ABD, M. Z..., ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société, et M. A..., ès qualités de mandataire judiciaire de ladite société, à une date où celle-ci était soumise à une procédure de liquidation judiciaire ;

Mais attendu que le liquidateur est intervenu, pour se substituer au débiteur dessaisi dans l'instance de cassation, avant l'expiration du délai imparti par la loi pour le dépôt du mémoire en demande ; que, dès lors, le pourvoi est recevable ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ABD, fait grief à l'arrêt d'avoir condamné cette société à payer à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour non-respect de l'ordre des licenciements, alors, selon le moyen :

1° / que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions du marché et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'il s'ensuit que la suppression de poste résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique ; qu'en affirmant que la perte de compétitivité ne pouvait se justifier que sur la certitude au moment du licenciement de cette perte et non sur le risque futur de perte de compétitivité, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du code du travail ;

2° / que le licenciement pour motif économique est justifié dès lors que la suppression d'emploi est la conséquence directe d'une réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir aux fins de sauvegarder sa compétitivité ; que la cour d'appel, qui a relevé que le bilan de la société ABD du 31 août 2004 avait fait apparaître une perte nette de 420 000 euros, aurait dû déduire de ses propres constatations, que le licenciement pour motif économique des quatre salariés, intervenus les 23 et 28 janvier 2004, était justifié ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du code du travail ;

3° / que l'employeur, qui a pris en compte l'ensemble des critères légaux pour déterminer l'ordre des licenciements pour motif économique, peut privilégier l'un d'entre eux ; que la cour d'appel a, par motifs adoptés, octroyé aux quatre salariés une indemnité pour non-respect de l'ordre des licenciements, bien qu'elle ait constaté que ce n'est qu'après avoir pris en compte l'ensemble des critères légaux, que la société ABD, a privilégié le critère des qualités professionnelles au détriment de celui de l'ancienneté ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1-1 du code du travail ;

4° / que s'il appartient au juge de contrôler le respect par l'employeur des prescriptions légales relatives à l'ordre des licenciements, celui-ci ne peut, en revanche, substituer son analyse à celle de l'employeur dans l'appréciation de ces critères, notamment pour ce qui a trait à la compétence professionnelle des salariés ; que la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a affirmé que l'employeur n'avait pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements après avoir relevé que la société ABD n'avait pas fourni d'explication objective pour procéder à l'évaluation qualitative des salariés, a substitué son appréciation à celle de l'employeur ; que la cour d'appel a, à nouveau, violé l'article L. 321-1-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a constaté que la pondération des critères appliquée par l'employeur avait pour effet d'exclure les critères légaux ne relevant pas des qualités professionnelles et qu'en outre l'employeur ne justifiait pas s'être fondé sur des éléments objectifs pour procéder à l'appréciation de la valeur professionnelle des salariés, a exactement décidé qu'il n'avait pas respecté l'ordre des licenciements et, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les deux premières branches, alloué des dommages-intérêts aux salariés ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ABD, fait grief à l'arrêt d'avoir condamné cette société à verser aux salariés des dommages-intérêts pour clause de non-concurrence illicite, alors, selon le moyen, que seul le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite, faute de contrepartie financière, lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; que lorsque le juge ne constate pas que le salarié a respecté la clause de non-concurrence, il doit caractériser l'existence d'un préjudice subi du fait de la stipulation de cette clause avant de condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel a condamné la société ABD à verser aux quatre salariés des dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence stipulée dans leur contrat de travail faute de contrepartie financière, sans constater que les intéressés avaient respecté cette clause, ni caractériser l'existence d'un quelconque préjudice ; que la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil et de l'article L. 120-2 du code du travail ;

Mais attendu que, la société ABD ayant soutenu devant les juges du fond qu'elle avait informé les salariés de sa décision de renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence qui était illicite en l'absence de contrepartie pécuniaire, ce dont elle déduisait qu'ils n'avaient subi aucun préjudice, mais non prétendu, que les intéressés n'avaient pas respecté cette clause, la cour d'appel n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. A..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ABD, fait grief à l'arrêt d'avoir condamné cette société à payer aux salariés des sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés et prime de vacances afférents, de repos compensateur et d'indemnité de travail dissimulé, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 212-5, II, du code du travail, une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations afférentes, par un repos compensateur équivalent ; que les heures supplémentaires dont le paiement est remplacé par un repos compensateur équivalent ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires et n'ouvrent donc pas droit au repos compensateur pour dépassement du contingent ; que l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail annexé à la convention collective nationale des " cabinets d'études techniques et cabinets d'ingénieurs conseils " (Syntec) dispose, en son alinéa 5, que les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l'employeur au-delà de la limite de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, représentant des tranches exceptionnelles d'activité de 3, 5 heures, sont enregistrés en suractivité et que ces suractivités ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, inter-contrats...) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue ; que cet article prévoit donc que les heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait n'ont pas vocation à être rémunérées, mais compensées par du repos équivalent sous forme de jour ou de demi-journée ou à l'occasion d'inter-contrats ; qu'en affirmant que le régime de l'article 3 correspondait à un forfait de 38, 5 heures hebdomadaires au-delà duquel les heures supplémentaires effectuées devaient être payées et qu'elles ouvraient droit à un repos compensateur pour dépassement du contingent, la cour d'appel a violé l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 et l'article L. 212-5, II, du code du travail ;

Mais attendu que l'employeur n'ayant pas soutenu avoir fait récupérer les heures litigieuses conformément aux textes invoqués, le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen ne serait pas de nature à justifier à lui seul l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 324-11-1, alinéa 1, du code du travail, devenu l'article L. 8223-1 ;

Attendu que l'arrêt condamne la société ABD à verser aux salariés l'indemnité forfaitaire prévue en cas de travail dissimulé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et l'indemnité de licenciement ne se cumulent pas, seule la plus élevée étant due, la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'indemnité de licenciement versée par l'employeur aux salariés n'était pas plus élevée que l'indemnité forfaitaire, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société ABD à verser aux salariés une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 13 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne les salariés aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour M. A..., ès qualités

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société ABD à payer à Mesdames X..., C... et D... et à Monsieur Y... les sommes respectives de 30. 000, 22. 000, 23. 000 et 41. 000 à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à titre d'indemnité pour non respect de l'ordre des licenciements ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la cause économique de licenciement : Contrairement à l'appréciation des premiers juges, il apparaît qu'en 2002-2003 la société a dégagé des bénéfices de plus de 400. 000.., qu'au moment du licenciement les résultats de l'exercice comptable n'était pas connus pour être arrêté au 31 août 2004, que début 2004 la société enregistrait des commandes de nature à générer un chiffre d'affaires en hausse. Si le bilan au 31 août 2004 fait apparaître une perte nette, il faut tenir compte des provisions pour licenciement et transaction, d'une part qui réduisent l'importance de ce déficit, et d'autre part la Cour relève être dans l'ignorance des résultats de l'année suivante ; la Cour retient que l'évolution en dent de scie d'une année sur l'autre ne justifie pas de la nécessité de sauvegarder une compétitivité qui n'était plus dans la même conjoncture alors que les perturbations de ce marché en 2001 s'éloignaient, et que le chiffre d'affaire révélait une amélioration manifestant une reprise de l'activité économique de l'entreprise et alors que la sauvegarde de la compétitivité ne s'apprécie pas uniquement au regard des bénéfices dégagées et ne peut se justifier, comme l'affirme l'entreprise, sur le risque futur de perte de compétitivité, mais sur la certitude au moment du licenciement de cette perte de compétitivité. La société ne démontre pas comment les résultats de la seule année 2004 compromettaient durablement ses résultats rendant nécessaires les suppressions d'emploi pour assurer la sauvegarde de la compétitivité. Sur les critères d'ordre des licenciements : La Cour, adoptant les motifs dont les débats devant la Cour n'ont pas altéré la pertinence, confirme le jugement en ce qui concerne le non respect des critères d'ordre notamment pour le défaut d'explication objective pour procéder à l'évaluation qualitative des salariés. Sur l'évaluation du préjudice : Le licenciement sans cause réelle et sérieuse cause un préjudice résultant de la perte injustifié de l'emploi des quatre salariés, de même le non respect des critères d'ordre leur cause un préjudice pouvant aller jusqu'à la réparation de la perte de l'emploi de sorte que sur l'un ou l'autre fondement, la cour a des éléments pour fixer l'indemnisation tant pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que pour non respect de l'ordre des licenciements aux sommes suivantes : Monsieur Y... : 41. 000, Madame C... : 22. 000, Madame D... : 23. 000 et Madame X... : 30. 000 » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « s'il est permis à l'employeur de privilégier l'un ou l'autre critère de licenciement dès lors qu'il a tenu compte de l'ensemble des critères, et si l'employeur peut notamment privilégier le critère des qualités professionnelles, il ne faut cependant pas que le mécanisme de pondération qu'il retient ait pour effet, ou pour objet, d'exclure les autres critères que celui qu'il privilégie ; qu'en l'espèce, il apparaît qu'aucun des salariés de l'entreprise ne présentait de caractéristiques sociales rendant sa réinsertion particulièrement difficile ; que dans la catégorie professionnelle des chargés d'affaires et responsables d'affaires, seuls deux salariés avaient des charges de familles, dont d'ailleurs Madame X... ; que dès lors, au vu du tableau produit par la société, deux critères pouvaient déterminer effectivement l'ordre des licenciements, à savoir celui de l'ancienneté et celui des qualités professionnelles ; qu'au vu des coefficients affectés à chacun de ces deux critères, on observe que l'employeur a fortement privilégié le deuxième au détriment du premier ; qu'en outre, la société est dans l'incapacité de démontrer qu'elle a usé de méthodes objectives pour procéder à l'évaluation qualitative des salariés ; qu'ainsi, il est évident que le mécanisme de pondération retenue pas la société a eu pour effet d'exclure les critères autre que celui des qualités professionnelles et de tenir compte d'éléments purement subjectifs ; que dès lors, l'employeur a violé les dispositions de l'article L 321-1-1 du Code du travail et il sera tenu d'indemniser chacun des salariés du préjudice subi ; que l'employeur n'apportant aucun élément permettant d'apprécier objectivement le choix opéré parmi les salariés, et donc de déterminer si ces derniers auraient été ou non en tout état de cause licenciés, le préjudice subi par chacun d'eux est celui de la perte injustifié de leur emploi ; que Monsieur Y... justifie avoir été au chômage jusqu'en novembre 2004 mais n'indique pas qu'elle est sa situation professionnelle actuelle ; que compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise et de sa période de sept mois de chômage, il lui sera alloué la somme de 15. 000.. ; que Madame D..., Madame X... et Madame C... ne justifient pas, quant à elles, être restées au chômage à l'expiration de leur période de préavis ; qu'elles se contentent de produire différents courriers justifiant qu'elles ont fait acte de candidature auprès de diverses sociétés, sans fournir cependant d'attestation ASSEDIC ; qu'elles n'indiquent pas non plus leur situation professionnelle actuelle et ne précisent pas si celle-ci présente des pertes de rémunérations ou des contraintes supplémentaires par rapport à leur poste chez ABD ; qu'il ne leur sera en conséquence alloué que la somme de 7. 500.. en raison de la perte injustifiée d'emploi qui constitue à elle seule un préjudice » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions du marché et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'il s'ensuit que la suppression de poste résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique ; qu'en affirmant que la perte de compétitivité ne pouvait se justifier que sur la certitude au moment du licenciement de cette perte et non sur le risque futur de perte de compétitivité, la Cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE le licenciement pour motif économique est justifié dès lors que la suppression d'emploi est la conséquence directe d'une réorganisation de l'entreprise mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir aux fins de sauvegarder sa compétitivité ; que la Cour d'appel, qui a relevé que le bilan de la société ABD du 31 août 2004 avait fait apparaître une perte nette de 420. 000, aurait du déduire de ses propres constatations, que le licenciement pour motif économique des quatre salariés, intervenus les 23 et 28 janvier 2004 était justifié ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a, à nouveau, violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail ;

ALORS QUE DE TROISIEME PART, l'employeur, qui a pris en compte l'ensemble des critères légaux pour déterminer l'ordre des licenciements pour motif économique, peut privilégier l'un d'entre eux ; que la Cour d'appel a, par motifs adoptés, octroyé aux quatre salariés une indemnité pour non respect de l'ordre des licenciements, bien qu'elle ait constaté que ce n'est qu'après avoir pris en compte l'ensemble des critères légaux, que la société ABD, a privilégié le critère des qualités professionnelles au détriment de celui de l'ancienneté ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 321-1-1 du Code du travail ;

ALORS ENFIN QUE s'il appartient au juge de contrôler le respect par l'employeur des prescriptions légales relatives à l'ordre des licenciements, celui-ci ne peut, en revanche, substituer son analyse à celle de l'employeur dans l'appréciation de ces critères, notamment pour ce qui a trait à la compétence professionnelle des salariés ; que la Cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a affirmé que l'employeur n'avait pas respecté les règles relatives à l'ordre des licenciements après avoir relevé que la société ABD n'avait pas fourni d'explication objective pour procéder à l'évaluation qualitative des salariés, a substitué son appréciation à celle de l'employeur ; que la Cour d'appel a, à nouveau, violé l'article L. 321-1-1 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société ABD à payer à Mesdames X..., C... et D... et à Monsieur Y... les sommes respectives de 22. 556, 22, 30. 272, 29, 31. 719, 47 et 41. 460, 04 à titre de dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite ;

AUX MOTIFS QU'« une clause de non concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; la clause de non concurrence souscrite entre les parties est nulle faute de prévoir une telle contrepartie. Il n'appartient qu'au salarié de se prévaloir de cette nullité et l'employeur ne peut unilatéralement s'en délier hors les cas contractuellement prévus ou résultant de la convention collective c'est à dire lors du licenciement. L'existence de cette clause cause donc nécessairement un préjudice aux quatre salariées en cause. Dès lors c'est à bon droit qu'ils peuvent prétendre à une indemnité ; que cette indemnité répare le préjudice qui est proportionnel à la durée de l'interdiction de non concurrence et ne peut être limité à la période allant jusqu'à la décision unilatérale de l'employeur d'y renoncer. La cour dispose d'éléments pour fixer cette indemnité en tenant compte de l'indemnité de mois que l'employeur se réservait en cas de violation de la clause par le salarié. S'agissant d'une réparation indemnitaire et non de la contrepartie mensuelle de la clause elle n'ouvre pas droit à indemnité de congés payés ni prime de vacances. La cour a des éléments pour fixer les dommages intérêts pour clause de non concurrence nulle à la somme que chacun des salariés demande calculé par rapport aux éléments ci-dessus » ;

ALORS QUE seul le respect par le salarié d'une clause de non concurrence illicite, faute de contrepartie financière, lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue ; que lorsque le juge ne constate pas que le salarié a respecté la clause de non concurrence, il doit caractériser l'existence d'un préjudice subi du fait de la stipulation de cette clause avant de condamner l'employeur au paiement de dommages et intérêts ; que la Cour d'appel a condamné la société ABD à verser aux quatre salariés des dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence stipulée dans leur contrat de travail faute de contrepartie financière, sans constater que les intéressés avaient respecté cette clause, ni caractériser l'existence d'un quelconque préjudice ; que la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article L. 120-2 du Code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société ABD à payer à Mesdames X..., C... et D... et à Monsieur Y... les sommes respectives de 105. 834, 64, 74. 053, 20, 83. 480, 06 et de 133. 786, 79 à titre de rappel d'heures supplémentaires, 10. 583, 46, 7. 405, 32, 8. 348 et de 13. 378, 68 à titre d'indemnité de congés payés sur heures supplémentaires, 1. 058, 34, 740, 53, 834, 80 et de 1. 337, 87 à titre de prime de vacances sur heures supplémentaires, 140. 542, 22, 98. 217, 60, 111. 273, 90 et de 179. 171, 50 à titre de repos compensateur et les sommes respectives de 22. 674, 96, 18. 738, 19. 926, 72 et de 24. 110, 88 à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE « les quatre salariés ont souscrit un avenant à leur contrat de travail en 2000 suite à l'accord de réduction du temps de travail conclu dans la branche des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et bureaux de conseils au terme duquel le contrat de travail est conclu sur la base d'un décompte du temps de travail en jours à savoir 217 jours maximum par an (avant la loi du 30 juin 2004). Ce dispositif renvoie au régime du forfait jours de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et bureaux de conseils qui prévoit deux régimes, celui de l'article 4 pour les cadres qui réalisent des missions avec autonomie complète et disposent d'une très grande liberté dans la gestion et l'organisation de leur temps de travail, et celui de l'article 3 pour les cadres qui réalisent des missions qui ne peuvent être accomplies dans des horaires prédéfinis, sans disposer d'une autonomie complète dans l'exécution de leurs fonctions. La société ABD se prévaut du régime de l'article 4 et fait observer que tous ses modes de calculs du temps de travail des cadres comme de la facturation des clients est sur le régime du forfait jour, tandis que les quatre salariés se prévalent du régime de l'article 3 faisant observer qu'ils n'ont pas une très grande liberté dans l'organisation de leur travail, étant principalement tenu aux horaires de travail pratiqués dans l'entreprise cliente auprès de laquelle ils interviennent. La cour retient que ces salariés interviennent chez des clients pour effectuer leur prestation auprès des services dans lesquels ils observent le même horaire que les personnels dédiés à ces services avec en plus diverses prestations pouvant s'exécuter au delà des horaires de ces personnels ou en relation avec d'autre représentant de ces entreprises à d'autres horaires, de sorte que l'horaire de travail des quatre salariés ne peut être prédéfini sans que ces variations résultent de leur libre choix dans l'organisation du travail démontrant leur absence d'autonomie complète dans l'exécution de leur fonction. Ils relèvent donc du régime de l'article 3 qui consiste en 217 jours de travail avec une rémunération forfaitaire au minimum égale à 115 % du salaire minimum conventionnel de la catégorie pour une durée hebdomadaire de travail qui ne peut excéder 38, 50 heures (38 h 30 mn) soit 35 heures légales plus 10 % d'heures supplémentaires. Sur l'administration de la preuve des heures supplémentaires : II résulte de l'article L 212-1-1 du Code du travail, s'agissant des modalités de la preuve des heures supplémentaires, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, et dès lors que le salarié apporte préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, se fonder sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, qu'il doit examiner les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que l'employeur est tenu de lui fournir. Le régime de l'article 3 correspond à un forfait de 38, 5 heures hebdomadaires, les heures de travail au delà constituent des heures supplémentaires qui ne sont pas incluses dans le forfait et doivent être rémunérées en plus sous réserve de la démonstration de leur existence. La société fait valoir qu'ayant considéré que le régime de l'article 4 était seul applicable et ayant comptabilisé le temps de travail par jour et non par heures sans observation ni réserve de la part des salariés elle ne peut présenter un compte en heures, qu'au demeurant les salariés ne démontrent pas la réalité de leur prétention ni que ces heures aient été commandées par elle. Les salariés font état de divers travaux dans l'intérêt de leur mission au delà des heures habituelles des services auprès des quels ils interviennent avec des travaux les samedis et dimanches et les jours fériés. La cour trouve aux dossiers les éléments de nature à étayer les demandes des salariés : courriels de services à des heures tardives ou très matinales, justificatifs d'intervention durant les samedis et dimanches, questions en réunions des délégués du personnels relatives au contraintes d'horaires résultant des missions en province. La réponse faite par la direction lors d'une réunion des délégués du personnel est particulièrement démonstrative lorsque ce représentant déclare : " les missions des conseils coûtent chères pour le client. Donc, les clients attendent que les horaires de travail des consultants soient plus importants que les horaires de leurs collaborateurs. Donc, il faut arriver tôt et repartir tard de chez le client. Ce qui implique de revenir certains vendredi soirs à 22 heures. " L'employeur, pour sa part, se retranche derrière la pratique suivie conformément au régime de l'article 4 et ne produit aucune pièces pour contester celles des salariés opposant seulement qu'un contrôle précis des pièces produites doit être fait pour s'assurer de la réalité des heures supplémentaires effectuées au delà du forfait soulignant que les demandes sont particulièrement élevées voir disproportionnées. Au vu des pièces produites et examen minutieux la cour a des éléments pour retenir un nombre d'heures supplémentaires au delà des 38, 50 heures qui, calculé par semaine ouvrée sur la période non prescrite et majoré des indemnité de congés payés sur heures supplémentaires ainsi que des repos compensateurs au delà du contingent conventionnel d'heures supplémentaires applicable au delà de 35 heures, pour partie au taux de 50 % et autre partie de 100 % applicable dans une entreprise de plus de 20 salariés conformes aux demandes justifiées précisément. Les heures supplémentaires ouvrent droit à une indemnité de congés payés ainsi qu'à une prime de vacance conforme à la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et bureaux de conseils. Sur la demande de dommages intérêts pour travail dissimulé de l'article L 324-11-1 du Code du travail : Ce texte énonce que le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l'article L 324-10 a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable. L'article L 324-10 du Code du travail dernier alinéa, dans sa rédaction de la loi n° 97-210 du 11 mars 1997 applicable, énonce que la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre II du tire 1° du livre II du Code du travail, une dissimulation d'emploi salarié. En l'espèce il est établi que les salariés ont effectué des heures supplémentaires qui ne figurent pas sur ses bulletins de paie au delà des dispositions de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et bureaux de conseils. La société ABD qui poursuit une activité dans le secteur des bureaux d'études et sociétés de conseil, a donc eu recours à du travail dissimulé. La demande des quatre salariés sur le fondement de l'article L 324-11-1 du Code du travail est fondée sur l'existence d'un travail dissimulé démontré. L'intention de dissimulation résulte de la connaissance qu'avait l'employeur de l'existence d'heures supplémentaires au delà des 38, 50 heures reconnu devant les délégué du personnels et son refus d'accéder aux demandes de la représentation du personnel. Les demandes faites dans la limite de six mois sont fondées. Cette indemnité se cumule avec les indemnités et dommages intérêts résultant de la rupture excepté avec l'indemnité conventionnelle de licenciement ou l'indemnité légale de licenciement » ;

ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article L. 212-5 II du Code du travail, une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations afférentes, par un repos compensateur équivalent ; que les heures supplémentaires dont le paiement est remplacé par un repos compensateur équivalent ne s'imputent pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires et n'ouvrent donc pas droit au repos compensateur pour dépassement du contingent ; que l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 sur la durée du travail annexé à la convention collective nationale des « cabinets d.. études techniques et cabinets d'ingénieurs conseils » (SYNTEC) dispose, en son alinéa 5, que les dépassements significatifs du temps de travail, commandés par l'employeur au-delà de la limite de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures, représentant des tranches exceptionnelles d'activité de 3, 5 heures, sont enregistrés en suractivité et que ces suractivités ont vocation à être compensées par des sous-activités (récupérations, inter-contrats...) par demi-journée dans le cadre de la gestion annuelle retenue ; que cet article prévoit donc que les heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait n'ont pas vocation à être rémunérées, mais compensées par du repos équivalent sous forme de jour ou de demi journée ou à l'occasion d'inter-contrats ; qu'en affirmant que le régime de l'article 3 correspondait à un forfait de 38, 5 heures hebdomadaires au-delà duquel les heures supplémentaires effectuées devaient être payées et qu'elles ouvraient droit à un repos compensateur pour dépassement du contingent, la Cour d'appel a violé l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 et l'article L. 212-5 II du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE les dispositions de l'article L. 324-11-1 du Code du travail relatives au travail dissimulé ne font pas obstacle au cumul de l'indemnité forfaitaire qu'elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail, à la seule exception de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ; que le salarié ne peut donc pas cumuler une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement avec l'indemnité forfaitaire due en cas de travail dissimulé ; que seule l'indemnité la plus favorable doit lui être accordée ; qu'en condamnant la société ABD au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 324-11-1 du Code du travail sans vérifier si les quatre salariés, bénéficiant tous de plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et licenciés pour motif économique n'avaient pas perçu une indemnité conventionnelle de licenciement, de telle sorte qu'ils ne pouvaient pas cumuler cette indemnité avec l'indemnité forfaitaire prévue pour travail dissimulé, mais avaient seulement droit à la plus favorable de ces deux indemnités, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 324-11-1 du Code du travail.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société ABD à payer à Mesdames X... et D... les sommes respectives de 7. 500 et de 3. 321, 12 à titre de dommages et intérêts pour privation de prime d'objectifs ;

AUX MOTIFS QUE « La rémunération de ces deux personnes comprend une partie fixe et une partie variable liée à la réalisation d'objectifs annuels, elles ont été licenciées sans motif en janvier 2004 de sorte qu'elles n'ont pas été admise à la prime d'objectif de 2004 arrêtée en octobre 2004 et pour Madame X... elle a été également écartée de cette prime en août 2003 en raison de son congé de maternité. Adoptant les motifs des premiers juges, il convient de faire droit à ces demandes dès lors que ces primes n'ont pas été versées faute pour l'employeur de ne pas avoir fixer d'objectifs, c'est à juste titre que les premiers juges qualifiant ces demandes de dommages intérêts ont écarté l'indemnité de congés payés et l'indemnité de vacances, toutefois l'évaluation faite est insuffisante et la cour augmente ces sommes à 7. 500 pour Madame X... et à 3. 300 pour Madame D... » ;

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que pour condamner la société ABD à payer à Mesdames X... et D... des dommages et intérêts pour privation de prime d'objectifs 2003 et 2004, la Cour d'appel a reproché à l'employeur de ne pas avoir fixé aux salariées des objectifs pour les années 2003 et 2004, tout en constatant que la société ABD avait arrêté une prime d'objectifs pour ces années, ce qui impliquait donc que des objectifs avaient été définis ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 07-42174
Date de la décision : 03/12/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 mars 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 déc. 2008, pourvoi n°07-42174


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, Me Rouvière

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.42174
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