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19/11/2008 | FRANCE | N°07-88067

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2008, 07-88067


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Christine X...,
- Claude Y...,
- Geneviève Y...,
- Hélène Y...,
- Olivier Z..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire ad hoc des sociétés AVIGNON DISTRIBUTION, CARNON DISTRIBUTION, CASA, CASTRES DISTRIBUTION, CAVAILLON DISTRIBUTION, CENTRALE M. B..., GRAND SUD, MICHEL B... HOLDING, MICHEL B... SERVICES, B... ETANG DE BERRE, B... MONTPELLIER DISTRIBUTION, MONTPELLIERAINE D'EQUIPEMENT DE LA MAISON, NIMES DIST

RIBUTION, PYRENEES DISTRIBUTION, SAINT JEAN DE LUZ DISTRIBUTION, SETE DISTRIBUTI...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- Christine X...,
- Claude Y...,
- Geneviève Y...,
- Hélène Y...,
- Olivier Z..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire ad hoc des sociétés AVIGNON DISTRIBUTION, CARNON DISTRIBUTION, CASA, CASTRES DISTRIBUTION, CAVAILLON DISTRIBUTION, CENTRALE M. B..., GRAND SUD, MICHEL B... HOLDING, MICHEL B... SERVICES, B... ETANG DE BERRE, B... MONTPELLIER DISTRIBUTION, MONTPELLIERAINE D'EQUIPEMENT DE LA MAISON, NIMES DISTRIBUTION, PYRENEES DISTRIBUTION, SAINT JEAN DE LUZ DISTRIBUTION, SETE DISTRIBUTION, SO.BA.DEM et STELLA, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 27 septembre 2007, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre Michel B..., Jean-Michel E..., Michel E... et Pierre Y..., représenté par ses héritiers, des chefs, notamment, de banqueroute, présentation de comptes annuels infidèles, complicité de faux et d'usage, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par les héritiers de Pierre Y... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi formé par Olivier Z... :

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 621-39 et L. 626-16 du code de commerce, violation des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, violation de l'article 1382 du code civil et du principe de la réparation intégrale ;

"en ce que la cour débouta Olivier Z... agissant es qualités de ses demandes dirigées contre Michel et Jean-Michel E... et limita les indemnisations mises à la charge des autres prévenus ;

"au motif que l'action civile n'est recevable que pour les chefs de demandes consécutifs aux faits découlant de la poursuite ; que le commissaire à l'exécution des plans doit, de la sorte, démontrer le préjudice occasionné :
- après le 10 juin 1988, pour les faits de présentation et de publication de comptes infidèles ;
- après le 4 mai 1989, pour les délits de faux et d'usage de faux ;
- après le 30 septembre 1987, pour les délits de banqueroute par recours à des moyens ruineux, Dates fixées dans le cadre de l'action publique (jugement p. 40 et 41, p. 53 et 54 confirmées p. 68) ;

"au motif que, encore, le tribunal correctionnel, retenant les déclarations de Michel B... et de Pierre Y..., ainsi que les analyses des rapports élaborés par le cabinet HSD et GPA désignés par ordonnance du président du tribunal de commerce rendue le 19 mars 1991, confirmée sur ce point par l'arrêt, a fixé au 30 septembre 1987 l'état de cessation des paiements du Groupe B... ; que, dans ses motifs, le jugement a défini le préjudice collectif comme étant constitué par l'augmentation du passif entre la date de cessation des paiements et celle du redressement judiciaire (jugement du 19 décembre 2001, p. 49) ;

"au motif que, dans ses conclusions, le commissaire à l'exécution des plans admet que le 30 septembre 1987, le Groupe B... était en état de cessation des paiements ; qu'il soutient néanmoins que, malgré cet état, aucune insuffisance d'actif n'existait à cette date, si bien que le préjudice indemnisable a pour mesure l'insuffisance d'actif finalement constatée, après réalisation des actifs par les organes de la procédure collective ; que, pour preuve, il se fonde sur les déclarations des prévenus et sur les conclusions des banques ;

"au motif aussi que les déclarations des prévenus s'inscrivent dans un système de défense selon lequel seule la valeur économique du groupe, au-delà de celle ressortant strictement du bilan importait, les plus-values latentes, liquidées au moment d'une éventuelle cession du groupe, compensant alors les insuffisances d'actif ; que Michel B... a ainsi déclaré au juge d'instruction que «la cession de l'entreprise... permettait de couvrir des pertes»... « les prix dans lesquels nous aurions dû aboutir... comblaient le passif latent... » tandis que Pierre Y... soutenait que « les plus values latentes couvraient les insuffisances d'actif » ; qu'ainsi, les acteurs principaux ont admis l'existence de pertes au moins à compter de 1987 ; que l'on ne comprend d'ailleurs le recours à la falsification des comptes annuels que par l'existence de pertes qu'il fallait masquer, du moins le temps de négocier pour trouver un repreneur et pouvoir sortir de l'impasse financière ; que la position des banques, dans la procédure en responsabilité dont elles sont l'objet, tend à démontrer, pour la plupart, non pas qu'il n'y avait pas de cessation des paiements, mais qu'elles ont été trompées par la présentation de documents comptables dissimulant la situation financière réelle du groupe ; que l'expert André F..., commis par le juge d'instruction pour apprécier l'exécution des missions de l'expert comptable et du commissaire aux comptes, mis en examen, a décrit un état du Groupe « gravement déficitaire », mais « très fortement dégradé » dès 1987 (rapport p. 115 et 116) ; que, dans un rapport élaboré par la caisse centrale des banques populaires sur les comptes de 1987, remis à Michel B... et communiqué par le commissaire à l'exécution des plans dans la présente procédure, les experts de la banque avaient conclu, confidentiellement, et avant toute procédure, que toute intervention bancaire n'était désormais plus possible, aucun accroissement de l'endettement n'étant envisageable ; que, selon ces experts, dans les structures actuelles du Groupe, l'endettement trop important et les frais financiers « atypiques » ne pouvaient que croître, sans remboursement possible ; que « la trésorerie est insuffisante... pour faire face aux charges dues aux établissements financiers ; que ces charges (qui augmentent plus vite que l'entreprise) sont financées par un accroissement des dettes financières » ; qu'ils en déduisaient que ces structures financières ne pouvaient pas permettre, de façon saine, le développement du groupe, ce qui suggérait implicitement une reprise du groupe par un tiers ;

"au motif qu'il existait ainsi une insuffisance d'actif majeure et irrémédiable au moins le 30 septembre 1987 ; qu'aucun des experts commis pour décrire et analyser l'évolution du groupe B... n'a reçu pour mission d'évaluer l'insuffisance d'actif à une date antérieure à l'ouverture de la procédure collective, en mars 1991 ; que dans sa note en délibéré, le commissaire à l'exécution des plans admet que la détermination du montant de ces pertes, en 1987 et 1988, n'est pas aujourd'hui sérieusement envisageable, qu'il faudra en effet chiffrer la valeur du fonds de commerce de chaque société en 1987 ; que vingt ans plus tard, de telles évaluations qui impliquent une raisonnable conjecture sur l'avenir de chaque société du Groupe, dans le secteur de la grande distribution, ne sont plus possibles ; que faute de pouvoir connaître la valeur des fonds de commerce en 1987, le passif admis ne peut pas être assimilé aux préjudices devant être réparés ;

"au motif qu'il n'en reste pas moins que pour les fausses facturations, le préjudice a pour mesure le montant des factures payées par certaines sociétés du groupe pour des livraisons fictives ; que le préjudice consécutif à ces paiements sur présentation de factures fictives, était déterminé dès l'enquête, sans qu'une expertise ne soit nécessaire ; qu'il est détaillé dans le jugement, sans discussion ultérieure par les parties à la procédure ; que le préjudice réparable est consécutif à l'usage des faux en comptabilité et non à leur établissement et que le tribunal a déterminé ce préjudice en francs, sans recevoir de contestation, pour l'utilisation postérieure au 4 mai 1989 des factures suivantes, éditées avant comme après cette date... ; que Michel B... et Pierre Y... ont été définitivement condamnés pour avoir donné des instructions à Claude G... de commettre des délits de faux et d'usage de faux retenus à l'encontre de ce dernier en qualité de gérant de la SARL Stella à compter du 4 mai 1989 ; que Claude G... était définitivement condamné pour ces délits de faux et d'usage de faux en qualité d'auteur principal et que dans la mesure des paiements effectués au vu de ces facturations fictives, les sociétés du groupe, énumérées dans l'ordonnance de renvoi, ont subi un préjudice dont le commissaire à l'exécution des plans peut demander réparation ;

"et aux motifs que, enfin, ni Michel E..., ni Jean-Michel E... n'ont été déclarés coupables pour des faits en relation avec des faux ou avec leur usage, l'infidélité des comptes annuels n'étant dénoncée dans l'ordonnance de renvoi que pour la minoration d'effets à payer, sans aucune référence à des rentes fictives ou à des fausses facturations ;

"alors que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en relevant qu'il existait une insuffisance d'actif majeure et irrémédiable au moins le 30 septembre 1987 (cf. p. 13 de l'arrêt) et en relevant encore qu'aucun des experts commis pour décrire ou analyser l'évolution du groupe B... n'a reçu pour mission d'évaluer l'insuffisance d'actif à une date antérieure à l'ouverture de la procédure collective en mars 1991 ; que, faute de pouvoir connaître la valeur du fonds de commerce en 1987, le passif admis ne peut être assimilé au préjudice devant être réparé ; qu'une telle motivation fait ressortir que la cour ne répare pas le préjudice direct né des infractions commises et se devait à tout le moins d'ordonner un supplément d'instruction pour satisfaire le principe de la réparation intégrale ; qu'ainsi, ont été violés les textes et règles cités au moyen ;

"alors que, d'autre part et en toute hypothèse, dans sa note en délibéré, le commissaire à l'exécution des plans n'a nullement renoncé à la réparation des préjudices soufferts au prétexte qu'il serait impossible de connaître la valeur des fonds de commerce en 1987 cependant que la cour admet elle-même qu'il existait une insuffisance d'actif majeure et irrémédiable au moins le 30 septembre 1987 ; qu'en statuant à la faveur de motifs inopérants et insuffisants, la cour méconnaît les exigences d'une motivation pertinente, ensemble le principe d'une réparation intégrale car il ressort de la motivation même de l'arrêt que la réparation n'a été que partielle, le vrai dommage tel que déterminé par les premiers juges, ne l'ayant pas été par la cour par rapport à chaque infraction commise" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, d'une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, d'autre part, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu que, pour débouter Olivier Z... de ses demandes de réparation des préjudices résultant, pour les sociétés parties civiles, des délits de présentation de comptes annuels infidèles et banqueroute par emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds, l'arrêt relève qu'il existait une insuffisance d'actif majeure et irrémédiable au moins au 30 septembre 1987, date de la cessation des paiements ; que Ies juges ajoutent que le commissaire à l'exécution des plans admet que la détermination du montant des pertes, "en 1987 et 1988, n'est pas aujourd'hui sérieusement envisageable, qu'il faudra en effet chiffrer la valeur du fonds de commerce de chaque société en 1987 ; que vingt ans plus tard, de telles évaluations qui impliquent une raisonnable conjecture sur l'avenir de chaque société du groupe, dans le secteur de la grande distribution, ne sont plus possibles ; que faute de pouvoir connaître la valeur des fonds de commerce en 1987, le passif admis ne peut pas être assimilé aux préjudices devant être réparés" ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu l'existence de dommages nés de ces infractions, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le premier moyen proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 27 septembre 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Nocquet conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-88067
Date de la décision : 19/11/2008
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 septembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2008, pourvoi n°07-88067


Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, Me Bouthors, Me Odent, SCP Monod et Colin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.88067
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