LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Christophe,- LA SOCIÉTÉ ENTREPRISE
X...
,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2007, qui a condamné, le premier, pour déclarations mensongères en vue d'obtenir des avantages indus, à six mois d'emprisonnement avec sursis, la seconde pour recel, à 30 000 euros d'amende avec sursis, les deux solidairement à une pénalité douanière et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ampliatif et complémentaire, communs aux demandeurs, et les mémoires en défense produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Entreprise
X...
, dont le président est Christophe X..., a sollicité et obtenu entre 1995 et 1998 des aides communautaires allouées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et gérées par l'agence unique de paiement pour la vente de luzerne séchée au soleil ; que, lors d'un contrôle, l'administration des douanes a constaté que les échantillons analysés comportaient un taux de protéines inférieur au minimum requis de 15 % et a relevé des irrégularités dans la comptabilité matières ; que l'information a établi que des connexions existaient entre les installations de la société et celles de la société Deshy Drome, également dirigée par Christophe X... et produisant de la luzerne déshydratée et que les marchandises livrées aux clients de l'entreprise ne comportaient pas les caractéristiques exigées pour les rendre éligibles à l'aide ; que Christophe X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de déclarations mensongères en vue d'obtenir des avantages indus et d'actes frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir un avantage quelconque alloué par le FEOGA, et la société pour recel des sommes ainsi obtenues ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 8 et 12 du règlement CE n° 603/95 du Conseil du 21 février 1995 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés, des articles 3 et 11 du règlement CE n° 785/95 de la Commission du 6 avril 1995 portant modalités d'application du règlement CE n° 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés, des articles 65 A bis 7° et 414 du code des douanes, des articles 321-1 et 446-1 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense et du principe de la présomption d'innocence ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christophe X... coupable de déclarations mensongères en vue d'obtenir d'un organisme chargé d'une mission de service public un avantage indu et d'actes frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir en tout ou partie, un avantage quelconque alloué par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole et la société X... coupable de recel de ces délits et a condamné les deux prévenus à des peines respectives de six mois d'emprisonnement avec sursis et de 30 000 euros d'amende, à payer une amende fiscale de 936 117 euros et à verser à l'Agence unique de paiement, à titre de dommages-intérêts, la somme de 434 856,02 euros ;
"aux motifs que Christophe X... a établi, pour recevoir des aides communautaires, des demandes d'aides mensongères en indiquant un taux de protéines contraire à la réalité et a commis des actes frauduleux en produisant des analyses réalisées à partir d'échantillons constitués spécialement à cet effet, en falsifiant sa comptabilité matières premières s'agissant de produits achetés, en incorporant des matières non éligibles et en maintenant une installation non conforme à la réglementation ;
"et aux motifs que suivant les enquêteurs le taux de protéine était faux et les analyses produites étaient effectuées sur des échantillons prélevés sur un stock de produits conformes dits «tampon», réservé à cet effet, et non sur les produits effectivement sortis de l'entreprise ; que l'établissement de ces faits repose pour l'essentiel sur des investigations faites en aval auprès des clients de l'entreprise et, en amont, auprès des producteurs de fourrages approvisionnant celle-ci ; que le mode de preuve de la qualité des produits au moment de la sortie de l'entreprise imposé par les règlements au demandeur qui déclare une livraison de produits éligibles à l'aide ne s'impose pas à l'autorité compétente qui, sur la base du respect par le bénéficiaire des obligations que lui fait la réglementation à cette fin, exerce un contrôle a posteriori aussi bien réel que documentaire ; que pour l'exercice de ce contrôle, l'Etat doit ou peut procéder à certains contrôles prévus par les règlements, sans préjudice de mesures propres qu'il a la possibilité d'instaurer ; qu'ainsi, aucun mode de preuve particulier n'est imposé par les règlements à l'autorité de contrôle qui dispose de larges moyens pour accomplir sa mission et détecter les fraudes ; que la fraude peut donc être établie par tous moyens de preuve pourvu qu'ils soient soumis à débat contradictoire, suivant le droit commun ; que les échantillons prélevés par les services des douanes le 16 septembre 1997 ont révélé un taux de protéine conforme aux exigences communautaires, de même que les échantillons réalisés par les établissements X... en avril et août 1997, prélevés en présence d'un huissier de justice pour être soumis à expertise judiciaire ; mais ces analyses réalisées, s'agissant des premières, sur deux échantillons de luzerne pure prélevés dans l'entreprise et, s'agissant des secondes, sur des échantillons conservés par l'entreprise de deux lots vendus à Loiraliments en avril et août 1997, sont insuffisantes en raison de leur faible nombre et de leurs conditions de prélèvement, à éluder toute fraude qui affecterait les sorties de fourrage de l'entreprise pendant trois campagnes et à contrecarrer les résultats d'autres investigations notamment les recherches faites par les enquêteurs auprès des producteurs de luzerne verte et des clients de l'entreprise X..., acheteurs de luzerne séchée transformée ; que l'ensemble des analyses pratiquées sur les clients de l'entreprise, réalisées à une date proche de la sortie des produits, fait apparaître un taux de protéine de 8 % ; que s'agissant des fournisseurs de l'entreprise X..., ils indiquaient que la luzerne vendue était de piètre qualité, souvent mise à disposition sur le champ accompagnée ou mélangée avec herbe, foin, trèfle, ray, grass, dactyle ou fétuque, paille de blé ou de sorgho, et payée en conséquence ; que la comparaison des fiches de pesée retrouvées en original chez les fournisseurs et ceux produits par les établissements X... montrent des falsifications et rajouts et surcharges tendant à faire passer pour achat de luzerne l'achat d'autres produits dont certains non éligibles aux aides ; que des produits achetés autres que la luzerne étaient vendus comme de la luzerne ; que par leur nature et leur qualité les matières premières étaient de relativement faible teneur en protéine ; que cette circonstance est de nature à expliquer l'insuffisance du taux de protéine des produits transformés et vendus par les établissements X... ;
"alors, d'une part, que si la réglementation communautaire permet, par les différents contrôles prévus à cet effet, aux autorités nationales de prouver par tous moyens l'existence d'une fraude à l'obtention des aides communautaires dans le secteur des fourrages séchés, la preuve d'une éventuelle teneur en protéine desdites marchandises inférieure au seuil réglementaire de 15% ne peut résulter que des moyens prévus par cette réglementation, en l'occurrence la prise d'échantillons sur des lots de fourrages séchés sortis de l'entreprise selon la méthode définie par les dispositions communautaires portant fixation de méthode d'analyse pour le contrôle officiel des aliments pour animaux ; que, dès lors, en déduisant des déclarations des clients de la société X..., des résultats des examens effectués par ces derniers sur des fourrages stockés par eux et des constatations matérielles effectuées par les enquêteurs lors du contrôle de la comptabilité matières premières de la société X... que, à l'inverse des résultats des analyses des prélèvements effectués par l'administration des douanes et l'huissier de justice sur des marchandises présentes dans l'entreprise, les fourrages produits par la société X... étaient d'une teneur en protéines inférieure à 15%, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
"alors, d'autre part, qu'en présence d'examens pratiqués sur des prélèvements effectués par l'administration des douanes et par un huissier de justice sur des fourrages à la sortie de l'entreprise, conformément aux prescriptions de la réglementation communautaire, les juges du fond ne peuvent déterminer le taux de protéines en fonction des résultats des examens pratiquées par les clients de la société fabricante, à l'insu de cette société, selon leurs procédures internes et à partir de marchandises stockées par eux sans méconnaître le caractère équitable et loyal du procès et des modes de preuve ; que, dès lors, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
"alors, en outre, qu'en se bornant, pour écarter les résultats des examens pratiqués sur des prélèvements effectués par l'administration des douanes et par un huissier de justice sur des fourrages à la sortie de l'entreprise, à relever que ces examens étaient « insuffisants » en raison de leur faible nombre et de leurs conditions de prélèvement, sans préciser en quoi le faible nombre d'examens remet en cause les résultats auxquels chacun d'eux a abouti et quelles sont les conditions de prélèvement qui leur retireraient leur fiabilité, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;
"alors, de surcroît, qu'en statuant ainsi au prétexte du caractère insuffisant des examens effectués directement chez les prévenus et qui leur étaient favorables, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé le principe de la présomption d'innocence ;
"alors, encore, que les prévenus ont fait valoir dans leurs écritures que le prix normal de 950 francs la tonne de luzerne avancé par la partie civile, pour démontrer que le prix de la luzerne vendue par la société X... était en dessous du prix du marché et conforter ainsi l'affirmation selon laquelle cette luzerne ne répondait pas aux exigences réglementaires, correspondait au prix de la luzerne déshydratée et non de la luzerne séchée au soleil, seule en cause (conclusions, p. 10 et 11) ; qu'en se bornant à relever que le prix de 930 francs avait été indiqué aux enquêteurs de l'Onic par deux des clients de la société X... et qu'il avait été confirmé par les investigations menées au cours de l'instruction sans préciser qu'il s'agissait bien du prix de la luzerne séchée au soleil et non celui de la luzerne déshydratée, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;
"alors, enfin, que le juge répressif ne peut puiser les éléments de sa conviction dans les constatations de fait relevées par l'une des parties notamment par l'administration, sans en reconnaître l'exactitude par une appréciation personnelle et exempte d'insuffisance ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'affirmation des enquêteurs selon laquelle la société X... effectuait ses prélèvements sur des stocks de produits « tampon » réservés à cet effet et non sur les produits effectivement sortis de l'entreprise résulterait, pour l'essentiel, des investigations effectuées auprès des clients et des fournisseurs de la société ; qu'il résulte de ces mêmes constatations que ces investigations, effectuées auprès des clients et des fournisseurs de la société X..., auraient démontré que la marchandise stockée chez les clients ne présentait pas le taux de protéines réglementaire, que les fournisseurs auraient indiqué que la luzerne vendue était de piètre qualité et que, au vu des tickets de pesée, la société X... aurait enregistré comme luzerne des produits non éligibles aux aides communautaires ; qu'en l'état de ces constatations qui n'établissent en rien que les investigations des enquêteurs aient pu établir le recours à un stock « tampon » par la société X... pour effectuer les prélèvements réglementaires, dont les résultats ont été inscrits sur les demandes d'aides communautaires, la cour d'appel s'est bornée à reprendre une affirmation des autorités de poursuite et de la partie civile sans en reconnaître elle-même l'exactitude par une appréciation personnelle et a ainsi violé le principe précité" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 10 du règlement CE n° 785/95 de la Commission du 6 avril 1995 portant modalités d'application du règlement CE n° 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés, des articles 65 A bis 7° et 414 du code des douanes, de l'article 321-1 du code pénal, de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la présomption d'innocence ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Christophe X... coupable d'actes frauduleux ayant pour but ou pour effet d'obtenir en tout ou partie, un avantage quelconque alloué par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole et la société X... coupable de recel de ces délits et les a condamnés à des peines respectives de six mois d'emprisonnement avec sursis et de 30 000 euros d'amende, à payer une amende fiscale de 936 117 euros et à verser à l'agence unique de paiement, à titre de dommages-intérêts, la somme de 434 856,02 euros ;
"aux motifs que Christophe X... a commis des actes frauduleux en produisant des analyses réalisées à partir d'échantillons constitués spécialement à cet effet, en falsifiant sa comptabilité matières premières s'agissant de produits achetés, en incorporant des matières non éligibles et en maintenant une installation non conforme à la réglementation ;
"et aux motifs qu'il résulte des constatations de l'administration des douanes qu'il y a juxtaposition dans un même lieu des installations de l'entreprise X... et de la société Dhesy Drome ainsi qu'interconnexion notamment par un dispositif d'élévateurs et tapis convoyeurs installés sur le toit ; que les gendarmes ont constaté le 4 février 2000 que les tapis convoyeurs avaient été démontés ; que l'absence prétendue de toute utilisation des installations litigieuses à compter de juin 1995 ne peut être établie en l'état du maintien à proximité des installations et du dispositif de connexion en toiture qui n'a été démonté qu'entre la visite des agents des douanes le 16 septembre 1997 et celle des gendarmes le 4 février 2000 ; que l'exigence de locaux distincts prévus par le règlement 785/95 tend précisément à éviter toute possibilité de mélanges et qu'ainsi le défaut de séparation des installations est en lui-même irrégulier indépendamment de l'utilisation qui en est faite ;
"aux motifs encore que les échantillons prélevés par les services des douanes le 16 septembre 1997 ont révélé un taux de protéine conforme aux exigences communautaires, de même que les échantillons réalisés par les établissements X... en avril et août 1997, prélevés en présence d'un huissier de justice pour être soumis à expertise judiciaire ; mais que ces analyses réalisées, s'agissant des premières, sur deux échantillons de luzerne pure prélevés dans l'entreprise et, s'agissant des secondes, sur des échantillons conservés par l'entreprise de deux lots vendus à Loiraliments en avril et août 1997, sont insuffisantes en raison de leur faible nombre et de leurs conditions de prélèvement, à éluder toute fraude qui affecterait les sorties de fourrage de l'entreprise pendant trois campagnes et à contrecarrer les résultats d'autres investigations notamment les recherches faites par les enquêteurs auprès des producteurs de luzerne verte et des clients de l'entreprise X..., acheteurs de luzerne séchée transformée ; que l'ensemble des analyses pratiquées sur les clients de l'entreprise, réalisées à une date proche de la sortie des produits, fait apparaître un taux de protéine de 8 % ; que s'agissant des fournisseurs de l'entreprise X..., ils indiquaient que la luzerne vendue était de piètre qualité, souvent mise à disposition sur le champ accompagnée ou mélangée avec herbe, foin, trèfle, ray, grass, dactyle ou fétuque, paille de blé ou de sorgho, et payée en conséquence ; qu'outre la comparaison des fiches de pesée retrouvées en original chez les fournisseurs et ceux produits par les établissements X... montrent des falsifications et rajouts et surcharges tendant à faire passer pour achat de luzerne l'achat d'autres produits dont certains non éligibles aux aides ; que des produits achetés autres que de la luzerne étaient vendus comme de la luzerne ; que par leur nature et leur qualité les matières premières étaient de relativement faible teneur en protéines ; que cette circonstance est de nature à expliquer l'insuffisance du taux de protéine des produits transformés et vendus par les établissements X... ;
"alors, d'une part, que la réglementation communautaire impose que la fabrication des fourrages déshydratés ait lieu dans des locaux ou des endroits distincts de ceux où a lieu la fabrication des fourrages séchés au soleil et interdit de mélanger dans l'entreprise un produit appartenant à un de ces groupes avec un produit appartenant à un autre groupe ; qu'un manquement à cette réglementation ne peut résulter que de l'utilisation de locaux communs à la fabrication ou au stockage de deux types de fourrages ou, en présence de locaux distincts, d'un dispositif de nature à entraîner un mélange des produits ; que, dès lors, en retenant que la seule proximité des installations et la présence d'un dispositif de connexion en toiture constituaient, indépendamment du point de savoir si ce dispositif de connexion était utilisé, un manquement à cette réglementation, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;
"alors, d'autre part, qu'en retenant qu'il n'était pas établi que le dispositif de connexion n'était pas utilisé, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve de l'existence d'un manquement à la réglementation communautaire et a violé les textes précités, ensemble le principe de la présomption d'innocence ;
"alors, enfin, que les prévenus ont fait valoir dans leurs conclusions (p. 68 et 69) que les marchandises dont le ticket de pesée a fait l'objet d'une rectification ne représentent qu'une partie infime de l'ensemble des matières premières livrées (0,77%) de sorte qu'à supposer qu'elles constituent des falsifications et qu'elles aient donné lieu à incorporation de matières non éligibles, ces rectifications ont été insignifiantes et n'ont eu aucun effet déterminant sur l'obtention d'aides communautaires et ne peuvent constituer des actes frauduleux accomplis à cette fin ; que, dès lors, en se bornant à constater l'existence de tickets de pesée ayant fait l'objet de rectification et faisant apparaître que la société X... avait enregistré en qualité de luzerne des marchandises non éligibles, sans rapporter le nombre de ces tickets et la quantité de marchandises qu'ils représentent à l'ensemble des matières premières livrées et sans s'expliquer sur leur caractère déterminant dans l'attribution des aides, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits reprochés, l'arrêt retient qu'il résulte des investigations effectuées au cours de l'information judiciaire auprès des clients et des fournisseurs de l'entreprise que le taux de protéines moyen de la luzerne séchée vendue par la société était de 8 % et que ce taux s'expliquait par la présence, au sein de la marchandise livrée, de paille et de foin, matières non éligibles à l'aide, que l'agrément obtenu pour les installations de la société a été suspendu le 22 octobre 1997 en raison de leur défaut de conformité et que cette absence de séparation des locaux des deux sociétés concernées constitue en elle-même une irrégularité, indépendamment de la preuve de l'utilisation qui en est faite ; que les juges ajoutent que Christophe X... qui, pour percevoir les aides communautaires, a établi des demandes mensongères, falsifié sa comptabilité matière, incorporé à ses produits des matières non éligibles, et maintenu des installations non conformes à la réglementation, a agi en toute connaissance de cause ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et éléments de la cause et dès lors qu'aucun mode de preuve particulier des fraudes n'est imposé par les règlements communautaires aux autorités chargées des contrôles, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, et caractérisé en tous leurs éléments tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, a, sans inverser la charge de la preuve, justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 321-1 et 441-6 du code pénal, 65 A bis et 414 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe non bis in idem ;
"en ce que la cour d'appel a condamné la société X... du chef de recel des sommes indûment obtenues par son représentant légal, Christophe X... ;
"aux motifs que Christophe X..., organe de la société en sa qualité de président du conseil d'administration, a commis pour le compte de celle-ci l'infraction de recel du produit des infractions dont il a été reconnu coupable à titre personnel, les aides indûment perçues ayant profité à la société ;
"alors que la personne morale dont le représentant a été déclaré coupable d'avoir, dans l'exercice de ses fonctions, obtenu pour elle un avantage indu ne peut être déclarée coupable d'avoir, par l'intermédiaire de ce même représentant, détenu le produit des infractions réalisés par lui ; qu'ayant condamné Christophe X... pour avoir, dans l'exercice de ses fonctions, indûment fait obtenir à la société X... des aides communautaires, la cour d'appel, en condamnant cette société pour recel desdites aides, a violé les articles précités et le principe non bis in idem" ;
Attendu que la société Entreprise
X...
ne saurait faire grief à l'arrêt de l'avoir déclarée coupable de recel, dès lors qu'elle n'a pas été poursuivie pour avoir frauduleusement obtenu les sommes recélées ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 65 A bis et 414 du code des douanes, de l'article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déterminé le montant de l'aide indûment obtenue à la somme de 434 856,02 euros, a condamné les prévenus à une amende douanière de 936 117 euros ;
"aux motifs que l'administration demande la condamnation des prévenus au paiement d'une amende de 936 117 euros représentant une fois la valeur de la marchandise objet de la fraude ; qu'elle produit un décompte détaillé, par année et par client, de la quantité de fourrages séchés objet de la fraude, égale à 11 164 862 tonnes, dont elle chiffre la valeur, suivant les cours de l'époque, à 936 117 euros ;
"alors que l'amende douanière prévue pour le délit de fraude à l'obtention indue d'aides communautaires en matière agricole est égale à une à deux fois la valeur de l'objet de la fraude ; qu'en cette matière, dans laquelle les marchandises sont licites et ne donnent lieu à aucune opération en douane, l'objet de la fraude est l'aide communautaire indûment obtenue et non les marchandises agricoles au titre desquelles cette aide a été sollicitée ; que, dès lors, en déterminant le montant de l'amende fiscale en fonction de la valeur de la marchandise et non de l'aide qui aurait été indûment obtenue, la cour d'appel a violé les textes précités" ;
Attendu que, pour condamner solidairement Christophe X... et la société Entreprise
X...
à une amende douanière de 936 117 euros, la cour d'appel retient que cette somme correspond à une fois la valeur, non contestée, des marchandises, objet de la fraude ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 65 A bis et 414 du code des douanes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 1 500 euros la somme que Christophe X... et la société Entreprise
X...
devront payer, chacun, à l'Agence unique de paiement au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Thin conseiller rapporteur, Mme Desgrange, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit conseillers de la chambre, Mmes Slove, Leprieur, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;