LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de sa reprise d'instance aux cotés de M. Jean-Gabriel Y... en sa qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. Jean-Gabriel Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 23 juin 2005, n° 333), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 octobre 2001, pourvoi n° 99-15.381), que la société Caisse hypothécaire anversoise (ANHYP), aux droits de laquelle déclare venir la société AXA Bank (la banque), a consenti par acte sous seing privé du 4 juillet 1990, réitéré en la forme authentique, le 6 juillet 1990 à M. Y... une ouverture de crédit garantie par plusieurs cautionnements solidaires et par l'affectation hypothécaire de biens immobiliers ; que la banque ayant dénoncé son concours à la suite de la défaillance de M. Y... et poursuivi la vente sur saisie immobilière d'un des biens affectés en garantie, M. Y... a invoqué la nullité de l'ouverture de crédit et de la saisie au motif que la banque n'avait pas reçu l'agrément prévu par l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du code monétaire et financier, et que les dispositions impératives des articles L. 312-7 et suivants du code de la consommation n'avaient pas été respectées ;
Sur le premier moyen, après avis de la chambre commerciale :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte à Paris pour les faits d'usure, escroquerie, exercice illégal de la profession de banquier, faux en écriture publique, usage de faux et complicité, faits renvoyés devant la cour d'appel de Versailles, selon arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 23 mars 2005, d'avoir rejeté sa demande visant à voir constater et prononcer la nullité du contrat d'ouverture de crédit consenti par la banque les 4 et 6 juillet 1990 ainsi que les affectations hypothécaires et engagements consentis en garantie du prêt et de dire nul et de nul effet le commandement de payer du 14 avril 1997 et la procédure de saisie immobilière subséquente délivrée au vu d'un acte annulé, alors, selon le moyen :
1°/ que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'application immédiate d'une règle nouvelle à une instance en cours, à l'occasion d'un revirement de jurisprudence, spécialement lorsqu'un arrêt de la Cour de cassation a été rendu dans le cadre de cette instance pour faire application de la règle ancienne ; qu'en l'espèce, en rejetant l'exception de nullité du contrat de prêt consenti par une banque belge à un consommateur français et la demande de sursis à statuer, en faisant application à la même instance en cours de la règle résultant d'une jurisprudence nouvelle selon laquelle la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence de l'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984 subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus, la cour d'appel, statuant sur renvoi après un arrêt de cassation ayant reconnu que le défaut d'agrément bancaire était de nature à entraîner la nullité du contrat conclu par l'emprunteur, a privé M. Y... d'un procès équitable et a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que faute par la banque de répondre aux exigences d'agrément de l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du code monétaire et financier, le prêt hypothécaire consenti par cette société à M.
Y...
était nul ; qu'en refusant de constater cette nullité, la cour d'appel a violé lesdits textes ;
3°/ que faute de rechercher et de constater que la banque en cause répondait au moment des prêts litigieux à des conditions équivalentes à celles exigées en France par la protection du consommateur, ce que contestait expressément M. Y... dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes précités ;
4°/ que faute de s'expliquer sur le moyen invoqué par M. Y..., et tiré de ce que le prêt litigieux avait été souscrit à des conditions très particulières (crédit multidevises à taux variable), que n'aurait pas nécessairement proposé une banque française, et contraire pour partie aux règles du droit belge, qui interdit le prêt hypothécaire à taux variable, de sorte que le contrat était nul en toute hypothèse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que faute de rechercher si le non-respect de l'article 15 de la loi du 24 janvier 1984, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du code monétaire et financier, n'entraînait pas, à défaut de nullité du prêt, la déchéance de droit aux intérêts, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des textes précités ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour de renvoi, saisie à la suite d'un arrêt de cassation totale n'émanant pas de l'assemblée plénière, était investie de la connaissance du litige dans tous ses aspects de fait et de droit au moment où elle statuait, sans être tenue de se conformer à l'arrêt de cassation l'ayant saisie, qui avait adopté une solution au maintien de laquelle les emprunteurs n'avaient pas de droit acquis et qu'aucun principe n'imposait aux juges du fond de conserver ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l'exigence de l'agrément, au respect de laquelle l'article 15 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, devenu les articles L. 511-10, L. 511-14 et L. 612-2 du code monétaire et financier subordonne l'exercice de son activité, n'est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu'il a conclus, la cour d'appel, qui n'avait ni à répondre aux conclusions qui ne tiraient aucune conséquence juridique des faits soutenus à la quatrième branche ni à procéder à la recherche mentionnée à la cinquième branche qui ne lui avait pas été demandée, a retenu à bon droit que le moyen tiré d'une éventuelle méconnaissance par la banque des dispositions précitées était inopérant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses dix branches, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Attendu, d'abord, qu'ayant adopté les motifs du jugement, fondés, notamment, sur les mentions contenues dans l'acte notarié, la cour d'appel n'encourt pas le grief de la première branche ; qu'ensuite, il ne ressort pas des pièces de la procédure que M. Y... a demandé la déchéance de la société Axa Bank de son droit aux intérêts, seule sanction encourue du chef des manquements dont il se prévalait relativement à l'offre initiale ; qu'enfin, l'obligation de remise d'une nouvelle offre préalable en cas de modification des conditions d'obtention du prêt n'est pas applicable aux prêts dont le taux d'intérêt est variable, comme c'est le cas en l'espèce, de sorte que, indépendamment de la motivation surabondante relative à la renonciation de M. Y... à se prévaloir de la prétendue irrégularité des modifications de l'offre, la cour d'appel, qui, au demeurant, a précisé que ces modifications étaient la conséquence de la nature même de l'ouverture de crédit, sous forme de « roll over en multidevises », a justement retenu la validité de l'offre initiale ; que, dès lors, le moyen, manquant en fait en sa première branche, est inopérant en ses neuf autres branches ;
Et sur le troisième moyen, tel qu'il figure au mémoire en demande et est annexé au présent arrêt :
Attendu qu'indépendamment de la critique de la motivation surabondante relative à l'éventuelle faute contractuelle commise par la société Euro crédit et M. Z..., le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'étendue du mandat qui leur avait été confié par M. Y... ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... et M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille huit.