LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. X... et Y..., salariés de la société SNEF (la société), ont été victimes, le 19 janvier 2001, d'un accident alors qu'ils travaillaient pour le compte de la Direction des constructions navales (DCN) sur le porte-avions Sao Paulo, dans l'enceinte de l'Arsenal maritime de Brest, une conduite de gaz ayant explosé ; que Thierry X... est décédé et M. Y... a été grièvement blessé ; que la société a déclaré ces accidents à la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère (la caisse) qui a fait procéder à une enquête légale à propos du décès accidentel de Thierry X... ; que ces accidents ont été pris en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle ; que la société, à la réception de son compte employeur, a contesté l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse de prendre en charge ces deux accidents au titre de la législation professionnelle, en invoquant en outre le fait que l'accident était imputable à la faute d'un tiers, la DCN ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont M. Y... a été victime le 19 janvier 2001, est opposable à l'employeur, alors, selon le moyen :
1°/ que l'absence de réserve portée par l'employeur sur la déclaration qu'il adresse à la caisse ne vaut pas reconnaissance tacite de sa part du caractère professionnel de l'accident et ne le prive pas de la possibilité de le contester par la suite ; qu'en décidant que "la déclaration de l'accident de M. Y... ayant été faite sans réserve par la SNEF, ce qui constitue de sa part une reconnaissance implicite de son caractère professionnel", pour en déduire ensuite que les dispositions de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale avaient été respectées, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article L. 411-1 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que la caisse avait pris sa décision de prise en charge de l'accident de M. Y... au titre de la législation professionnelle sur le seul fondement de la déclaration d'accident du travail adressée sans réserve par la SNEF, la caisse ayant au demeurant reconnu, dans ses conclusions d'appel déposées à l'audience et reprises oralement, d'une part, qu'elle avait notifié sa décision de prise en charge le 2 février 2001 après avoir reçu de M. Y... un certificat médical du 22 janvier 2001 prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 22 avril 2001 et, d'autre part, qu'elle avait pris sa décision "au vu de la déclaration établie par l'employeur, un certificat médical venant confirmer le siège et la nature des lésions", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que la décision de prise en charge de l'accident de M. Y... a été prise par la caisse au vu de la déclaration faite sans réserves par l'employeur, sans procéder à une mesure d'instruction, a exactement décidé que cet organisme n'était pas tenu à l'obligation d'information prévue par l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale avant de prendre sa décision ;
Et attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la société ait soutenu le moyen présenté dans sa cinquième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours engagé à l'encontre de la DCN en qualité de tiers responsable, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur peut toujours agir directement contre le tiers responsable d'un accident du travail survenu à l'un de ses salariés pour obtenir réparation du préjudice qu'il a subi en relation directe avec la faute du tiers ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ que selon les alinéas 2 et 6 de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, lorsque la responsabilité d'un accident du travail est partagée entre l'employeur de la victime et un tiers, la caisse peut poursuivre contre ce tiers le remboursement de ses prestations dans la mesure où elles dépassent les indemnités qui auraient été mises à la charge de l'employeur en vertu du droit commun ; qu'ainsi, en se prononçant comme elle l'a fait, bien qu'il lui appartenait, pour permettre la fixation des droits de la caisse, de se prononcer sur les parts respectives de responsabilité de l'employeur et de la DCN, la cour d'appel a violé l'article L. 454-1, alinéa 2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que, si en vertu de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, le tiers responsable de l'accident peut se voir réclamer, dans certaines conditions, par la victime ou la caisse la réparation du préjudice causé, cette action n'est ouverte devant la juridiction de la sécurité sociale qu'à la victime ou ses ayants droit et à la caisse, à l'exclusion de l'employeur qui n'a que la possibilité, pour obtenir la réparation du préjudice personnellement subi par lui, de rechercher la responsabilité du tiers sur le fondement du droit commun devant les juridictions compétentes ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles R. 441-11 du code de la sécurité sociale et 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer en temps utile l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à compter de laquelle elle prévoit de prendre sa décision ;
Attendu que, pour dire que la décision de la caisse de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident dont Thierry X... est décédé, est opposable à l'employeur, l'arrêt énonce que celui-ci a été associé à l'enquête administrative contradictoire et que la caisse a adressé, le 20 février 2001, à la société un avis de clôture de son enquête avec copie de celle-ci jointe à sa notification ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la caisse, avant de prendre en charge l'accident litigieux au titre de la législation professionnelle, et alors que la caisse déclarait avoir notifié à cette date sa décision de prise en charge, avait informé la société de la fin de la procédure d'instruction, des éléments susceptibles de lui faire grief et de la date à compter de laquelle elle prévoyait de prendre sa décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré opposable à la société SNEF la décision de la caisse de prendre en charge l'accident mortel de Thierry X... au titre de la législation professionnelle, l'arrêt rendu le 7 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Nord Finistère aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille huit.