La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2008 | FRANCE | N°07-11685

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 juillet 2008, 07-11685


Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 20 octobre 2006), que, par acte du 29 septembre 1995 M. X... s'est rendu caution solidaire avec MM. Y... et Z..., tous trois associés de la société Mini Resto (la société) envers la banque San Paolo, devenue la Banque Palatine (la banque) de tous engagements de cette société à concurrence de 740 000 francs, outre les intérêts, frais et accessoires ; que, par acte du 12 janvier 1996, la banque a consenti un prêt de ce montant à la société sous conditions suspensives tenant notamment au blocage des comptes courants d'associés et à la pré

sentation de factures de travaux avant le décaissement des fonds ; q...

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 20 octobre 2006), que, par acte du 29 septembre 1995 M. X... s'est rendu caution solidaire avec MM. Y... et Z..., tous trois associés de la société Mini Resto (la société) envers la banque San Paolo, devenue la Banque Palatine (la banque) de tous engagements de cette société à concurrence de 740 000 francs, outre les intérêts, frais et accessoires ; que, par acte du 12 janvier 1996, la banque a consenti un prêt de ce montant à la société sous conditions suspensives tenant notamment au blocage des comptes courants d'associés et à la présentation de factures de travaux avant le décaissement des fonds ; qu'assigné en paiement par la banque, M. X... s'est, en qualité de caution, opposé à cette demande et reconventionnellement a recherché, en qualité d'associé, la responsabilité de la banque ;

Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de décharge de son engagement pour défaut de surveillance par la banque bénéficiaire du cautionnement de l'affectation des fonds prêtés et de l'avoir, en conséquence, condamné solidairement avec MM. Z... et Y..., également cautions, à payer à la banque la somme de 17 470, 41 euros alors, selon le moyen :
1° / que la méconnaissance par l'emprunteur, au su de la banque, de l'obligation d'affectation des fonds souscrite par le débiteur garanti peut conduire à la décharge de l'engagement de la caution lorsque le respect de l'affectation des fonds était une condition déterminante de l'engagement de ladite caution ; qu'au cas présent, la cour d'appel a exclu que l'affectation des fonds par l'emprunteur ait pu être une condition déterminante de l'engagement de M. X..., la caution, au motif que la clause d'affectation n'aurait été convenue et formulée qu'au stade de l'établissement du contrat de prêt écrit, le 12 janvier 1996, soit bien après la souscription du cautionnement litigieux, le 29 septembre 1995 ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'attestation délivrée par la banque prêteuse dès le 11 octobre 1995 stipulait que le prêt consenti le 29 septembre 1995, avait, dès l'origine, été conçu comme un prêt affecté, les fonds ayant été prêtés " pour le financement de rachat de parts de la société Ty crampous, de parts de Mme A... et de travaux d'aménagement, ", la cour d'appel a dénaturé ladite attestation, en violation de l'article 1134 du code civil ;
2° / qu'engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la caution, et s'expose à voir la caution être déchargée de l'engagement souscrit à son profit, la banque qui délivre des fonds sans s'assurer de la réalisation des conditions suspensives stipulées par l'acte de prêt ; qu'il importe peu, à cet égard, que la caution ait, dans l'acte de cautionnement, érigé le respect par l'emprunteur et le suivi par la banque de ces conditions suspensives en conditions déterminantes de son propre engagement ; qu'en affirmant, au contraire, que, dès lors que la caution n'aurait pas fait de ces conditions suspensives des conditions déterminantes de son propre engagement, la banque aurait pu, de bonne foi, en négliger la surveillance, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2292 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation que l'ambiguïté des termes de l'attestation du 11 octobre 1995 rendait nécessaire, que la cour d'appel, hors dénaturation, a considéré que les conditions mentionnées dans cette attestation portaient sur la seule obtention du cautionnement solidaire des trois associés ;
Attendu, d'autre part, que les juges du fond, appréciant souverainement la portée des éléments du débat, ont retenu que les conditions litigieuses n'ayant été convenues qu'à la faveur de la mise en forme du contrat de prêt postérieurement à son engagement, M. X... n'établissait pas qu'elles avaient constitué la condition de cet engagement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt du rejet de sa demande en nullité de la convention de prêt du 12 janvier 1996 et de son accessoire, l'acte de cautionnement, et, en conséquence, de sa condamnation solidairement avec MM. Z... et Y..., également cautions, au paiement de la somme de 17 470, 41 euros alors, selon le moyen :
1° / que si le contrat ne nuit ni ne profite aux tiers, il est invocable par eux en tant que fait juridique ; que les tiers peuvent, ainsi, discuter de l'existence, ou non, du contrat et, dans ce cadre, arguer de sa nullité ; de sorte qu'en refusant au demandeur au pourvoi, caution, d'invoquer le caractère litigieux des conditions stipulées au contrat de prêt cautionné, au motif que ces conditions n'auraient pas constitué des conditions de l'acte de cautionnement, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du code civil ;
2° / que la caution pouvant opposer au créancier bénéficiaire du cautionnement toutes les exceptions inhérentes à la dette cautionnée, elle peut faire constater la nullité du contrat principal pour condition impossible ; qu'en affirmant le contraire, au motif que la caution n'aurait pas érigée la condition litigieuse en condition de son propre engagement, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation des articles 2289 et 2313 du code civil ;
Mais attendu que, répondant au moyen tiré de la nullité du contrat de prêt conclu sous une condition impossible, la cour d'appel a retenu que si les comptes d'associés avaient été effectivement bloqués, la banque ne pouvait être responsable des détournements commis par M. Y... à son profit, mais n'a pas dit que M. X... ne pouvait se prévaloir de la nullité de l'acte de prêt conclu sous une condition impossible ni invoquer une exception inhérente à la dette ; que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande en décharge fondée sur l'article 2037 du code civil et, en conséquence, de sa condamnation solidairement avec MM. Z... et Y..., également cautions, au paiement de la somme de 17 470, 41 euros, alors, selon le moyen :
1° / lorsqu'un créancier bénéficie d'un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance, avantage auquel la caution peut être subrogée, ledit créancier s'expose, en cas de perte de cet avantage, à ce que la caution soit déchargée de ses obligations à son égard ; qu'il importe alors peu que la caution ne soit pas elle- même ab initio titulaire de l'avantage particulier en cause, la seule question qui se pose étant celle de savoir si elle est susceptible d'en devenir titulaire, à la faveur d'une subrogation ; qu'au cas présent, en déboutant M. X..., de sa demande en décharge, au motif qu'elle n'aurait pas été titulaire de l'avantage négligé par la banque créancière, cependant qu'elle aurait pu en bénéficier par subrogation, si cet avantage avait été préservé, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article 2314 du code civil ;
2° / que manque à son obligation de surveillance et commet une faute à l'égard de la caution, l'établissement de crédit qui, après avoir octroyé un prêt sous la condition suspensive du blocage des comptes courants d'associés, observe, sans réagir, l'inscription des sommes devant être bloquées en comptes courants sur le compte personnel du gérant de la société emprunteuse et non sur le compte personnel de cette dernière ; qu'au cas présent, M. X... avait fait valoir dans ses conclusions que la banque n'avait pu ignorer le non- respect, par la banque emprunteuse, de la condition d'octroi du crédit relative au blocage des comptes courants d'associés, du fait que les fonds devant être ainsi bloqués avaient été inscrits par le gérant de la société emprunteuse sur son compte personnel ouvert dans la même banque ; qu'en affirmant que la banque ne pourrait être tenue pour responsable des détournements ainsi commis, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le cumul de la qualité de banque prêteuse et de banque teneuse, à la fois des comptes de la société emprunteuse et des comptes personnels du gérant, n'étaient pas de nature à contraindre la banque à une obligation de vigilance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2314 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le prêt litigieux avait été souscrit postérieurement à l'engagement de la caution et que cette dernière n'établissait pas qu'elle avait eu précédemment connaissance des conditions suspensives stipulées dans cet acte, la cour d'appel qui a ainsi fait ressortir que ces conditions n'étaient pas entrées dans le champ contractuel a exactement décidé que la caution n'était pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que M. X..., en qualité d'associé, fait grief à l'arrêt confirmatif sur ce point, du rejet de sa demande indemnitaire dirigée contre la banque et destinée à réparer le préjudice lié au défaut de vérification de l'affectation des fonds prêtés, ainsi qu'au défaut de la consistance des comptes courants bloqués alors, selon le moyen :
1° / que la banque qui subordonne l'octroi d'un crédit au blocage des sommes versées en compte courant d'associé ne peut considérer cette condition comme remplie du seul fait de la signature d'une convention de blocage de comptes courants d'associés, quand il est par ailleurs acquis que les fonds en cause ont été portés au crédit, non pas d'un compte de la société en cause, mais d'un compte de son gérant personne physique ; qu'au cas présent, il est constant que les fonds apportés par les associés et destinés à être portés au crédit des comptes courants d'associés bloqués ont, en réalité, été crédités sur le compte personnel du gérant de la société ; qu'il est également constant que la banque avait connaissance de cette situation de fait dans la mesure où elle tenait à la fois le compte de la société et le compte personnel du gérant ; qu'en considérant, malgré tout, que la banque se serait acquittée de son obligation de vérification, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2° / que commet une faute à l'égard des associés de la société emprunteuse la banque qui octroie à celle- ci un crédit affecté sans se préoccuper de l'utilisation effective des fonds ; qu'au cas présent, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard du demandeur au pourvoi, pris en tant qu'associé, du fait du défaut de respect par la société Mini Resto de la clause " objet " du contrat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la convention du 30 janvier 1996 portant blocage des comptes courants d'associés a été présentée à la banque et que les détournements ultérieurs de fonds ont été opérés par l'un des associés dont elle n'avait pas à répondre ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que la banque n'avait souscrit aucune obligation de vigilance relative au transfert des fonds, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante concernant la clause de destination des fonds stipulée en faveur de la banque, a pu en déduire que celle- ci n'avait pas commis de faute ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à la Banque Palatine la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-11685
Date de la décision : 08/07/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jui. 2008, pourvoi n°07-11685


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Nicolaý, de Lanouvelle, Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.11685
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award