LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Bernard,
- LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MIDI PYRÉNÉES, civilement responsable,
- Y... Annick, épouse Z...,
- A... Didier,
- B... Claude,
- C... Claudette, épouse B...,
- F... Jean- Pierre,
- E... Jacqueline, épouse F...,
- G... Gérard,
- H... Jean- Robert,
- I... Stéphane,
- J... Joseph,
- J... Karine,
- N... Hervé,
parties civiles,
contre l'arrêt de cour d'appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2007, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre Pierre K... et Bernard L... des chefs d'escroqueries, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I- Sur les pourvois de Bernard L..., Claude B..., Claudette C..., épouse B..., Jean- Pierre F..., Jacqueline E..., épouse F... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II- Sur les pourvois de Gérard G..., Annick M..., épouse Z..., Karine J..., Joseph J..., Jean- Robert H..., Stéphane I..., Hervé N... et Didier A... ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre K... et Bernard L..., employés de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées, ont été reconnus coupables d'escroqueries commises au préjudice d'acquéreurs d'appartements, situés en Espagne, pour avoir, par des mensonges sur l'assurance de rentabilité de l'opération, confortée par l'intervention du Crédit agricole pour l'octroi des prêts, accompagnée de falsifications effectuées sur la situation financière des clients et sur les prix d'achat des immeubles, trompé ces acquéreurs et les avoir déterminés à consentir des actes opérant obligation ou décharge ;
En cet état ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1384 du code civil, 2 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs irrecevables à mettre en cause la responsabilité civile de la caisse régionale de crédit agricole mutuel ;
" aux motifs que « certaines parties civiles ont fait citer, devant le tribunal de grande instance de Castres, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées prise en qualité de civilement responsable de ses préposés Pierre K... et Bernard L... ; que la caisse régionale soutient qu'elle ne peut être condamnée à indemniser les autres parties civiles ; que Pierre K... et Bernard L... ont été prévenus du chef d'escroqueries commises à l'encontre de l'ensemble des acquéreurs des immeubles situés San Miguel de Salinas, la qualification visant les mêmes éléments constitutifs de l'infraction pour les uns et pour les autres ; que le mécanisme de l'escroquerie a été le même pour tous les clients de la banque ; qu'à l'égard de chacun d'eux Pierre K... ou Bernard L... sont intervenus avec la même qualité de directeur de l'agence bancaire et dans des circonstances identiques ; que, dès lors, la défense présentée par la caisse régionale à l'encontre de l'une quelconque des parties civiles a la même portée juridique à l'égard de toutes et que ses droits n'ont pas été affectés par la circonstance qu'elle n'ait été mise en cause que par certaines d'entre elles ; qu'il est constant que Pierre K... ou Bernard L... ont agi dans le cadre de leurs fonctions respectives de chef de l'agence bancaire de Puylaurens tet de Lavur ; que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées est donc civilement responsable de ses préposés ; que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées fait aussi valoir que certaines parties civiles ont signé un protocole d'accord aux termes duquel elles renonçaient à toute action contre elle ; qu'elle justifie effectivement de ce que certaines parties civiles ci- dessous ont signé avec la caisse Sud Alliance un protocole réaménageant le contrat de prêt initial ; que deux protocoles différents ont été établis ; le premier indiquant en son article V "... en conséquence, moyennant la fidèle et complète exécution des présentes, les parties renoncent à toute instance ou action née ou à naître et dont l'acquisition des appartements litigieux et la souscription des contrats de prêts initiaux annulés pourrait être l'objet, la cause ou l'occasion ", le second indiquant en son article 3 : " dès le versement des fonds tels que stipulés à l'article 1 du présent protocole chacune des parties signataires s'oblige à se désister de toutes les instances et actions qui pourraient actuellement les opposer, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, et renoncent irrévocablement à se prévaloir des éventuelles décisions judiciaires qui auraient pu être à ce jour rendues en sa faveur''; que, bien que l'objet et la cause de l'action civile exercée devant la juridiction pénale ne reposent pas sur le contrat de prêt initial, cette action est toutefois exercée à l'occasion dudit contrat et que dès lors l'action civile des emprunteurs qui ont signé le premier protocole doit être déclarée irrecevable mais seulement en ce qu'elle est dirigée contre la caisse régionale de crédit agricole mutuel, leur action contre les personnes physiques n'étant pas concernée par le protocole ; qu'il en est de même pour celles qui ont signé le second protocole dont les termes sont plus larges que le premier ; que les parties civiles concernées ne soutiennent pas que la caisse régionale ait manqué, pour ce qui la concerne, à l'exécution du protocole signé ; que la caisse régionale indique pour certaines des parties civiles qu'elles ont signé un nouveau contrat de prêt en application du protocole mais ne produit pas le protocole signé ; que, faute de preuve de la signature du protocole, ces parties civiles seront déclarées recevables ; qu'il s'agit des parties civiles suivantes : Michel O... et Marc O... ; que la caisse régionale produit les protocoles signés par les personnes suivantes dont la constitution de partie civile sera donc déclarée irrecevable : Gérard G..., André P... et Renée Q..., épouse P..., Bernard R..., Bruno S..., Claude B..., Annick M..., épouse Z..., Joseph J..., Karine J..., épouse T..., Jean- Robert H..., Jean U... et Arlette V..., épouse U..., Stéphane I..., Hervé N..., Didier A..., Jean- Pierre F... ; que les autres parties civiles seront déclarées recevables en leur action ; qu'il n'appartient pas à la présente juridiction de se prononcer sur l'éventuelle nullité des contrats de prêts souscrits par les acquéreurs, comme certains de ceux- ci le demandent ;
" 1°) alors que, pour être recevable devant la juridiction répressive, l'action civile doit avoir pour but la réparation d'un préjudice personnel résultant directement pour la victime de l'infraction poursuivie ; que chacun des demandeurs a subi un préjudice résultant des faits qualifiés d'escroquerie, de recel et complicité d'escroquerie du chef desquels les prévenus ont été déclarés coupables, et non du fait des relations contractuelles existant entre eux et la caisse régionale de crédit agricole mutuel ; qu'en faisant application d'une clause insérée dans un protocole signé entre certains acquéreurs des immeubles situés à San Miguel de Salinas et la caisse régionale de crédit agricole mutuel pour déclarer les demandeurs irrecevables à mettre en cause devant le juge pénal la responsabilité civile de la caisse régionale de crédit agricole mutuel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
" 2°) alors que la cour pouvait, sans se contredire, considérer, d'une part, que l'action civile dirigée contre la caisse régionale de crédit agricole mutuel était irrecevable par application des stipulations contenues dans un protocole d'accord, et d'autre part qu'elle n'est pas en droit de se prononcer sur la nullité des contrats de prêts souscrits par les demandeurs ;
" 3°) alors qu'en matière de responsabilité du fait d'autrui, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité doivent être prohibées ; que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt attaqué a déclaré la caisse régionale de crédit agricole mutuel civilement responsable des actes commis par ses préposés ; qu'en faisant néanmoins application d'une clause exonératoire de responsabilité au profit de la caisse régionale de crédit agricole mutuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que les juges du second degré ont déclaré irrecevables les actions dirigées contre la caisse régionale de crédit agricole par les parties civiles qui avaient signé un protocole d'accord aux termes duquel elles renonçaient à toute action contre la banque après avoir relevé qu'il n'était pas soutenu que cette dernière ait manqué à l'exécution du protocole signé ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et dans les limites de sa compétence, justifié sa décision, dès lors qu'en application de l'article 2052 du code civil, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée ;
Que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
III- Sur le pourvoi de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 515, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables à mettre en cause la responsabilité civile de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées en sa qualité de civilement responsable de Pierre K... et Bernard L... les acquéreurs d'appartements suivants : Laurent W..., Franck et Paulette XX..., Claudette B..., Jean- Claude et Mauricette YY..., Jacqueline F..., René et Jocelyne WW..., Janine ZZ..., veuve AA..., Fabienne BB..., Franck, Marc et Michel O..., Jean- Pierre CC... et Chantal DD... divorcée CC..., Daniel EE..., Charly FF... et Béatrice GG..., épouse A... ;
" aux motifs que certaines parties civiles ont fait citer, devant le tribunal de grande instance de Castres, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées, prise en qualité de civilement responsable de ses préposés Pierre K... et Bernard L... ; que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées soutient qu'elle ne peut donc être condamnée à indemniser les autres parties civiles ; que Pierre K... et Bernard L... ont été prévenus du chef d'escroqueries commises à l'encontre de l'ensemble des acquéreurs des immeubles situés à San Miguel de Salinas, la qualification visant les mêmes éléments constitutifs de l'infraction pour les uns et les autres ; que le mécanisme de l'escroquerie a été le même pour tous les clients de la banque ; qu'à l'égard de chacun d'eux Pierre K... ou Bernard L... sont intervenus avec la même qualité de directeur de l'agence bancaire et dans des circonstances identiques ; que, dès lors, la défense présentée par la caisse régionale à l'encontre de l'une quelconque des parties civiles a la même portée à l'égard de toutes et ses droits n'ont pas été affectés par la circonstance qu'elle n'ait été mise en cause que par certaines d'entre elles ; qu'il est constant que Pierre K... et Bernard L... ont agi dans le cadre de leurs fonctions respectives de chef de l'agence bancaire de Puylaurens et de Lavaur ; que la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées est donc civilement responsable de ses préposés ;
" alors que, selon l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale, la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, bien qu'il résulte de ses propres énonciations et du dossier de la procédure que celles des parties civiles par elles spécialement énumérées n'avaient pas formé de demandes à l'encontre de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées en sa qualité de civilement responsable des prévenus Pierre K... et Bernard L... ni en aucune autre qualité, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer la caisse régionale de crédit agricole civilement responsable des agissements de ses préposés, les juges énoncent que Pierre K... ou Bernard L... sont intervenus avec la même qualité de directeur d'agence bancaire, dans des circonstances identiques et qu'il est constant qu'ils ont agi dans le cadre de leurs fonctions ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale, dès lors qu'il résulte des conclusions déposées devant elle que toutes les parties civiles visées au moyen avaient sollicité devant le tribunal la condamnation in solidum des préposés et de leur employeur ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1384 du code civil, 2 et 3 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables à mettre en cause la responsabilité civile de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées en sa qualité de civilement responsable de Pierre K... et Bernard L... les acquéreurs d'appartements suivants : Roselyne HH..., épouse J..., Jean- Claude II..., Claude JJ..., Serge KK..., Yves LL..., Gilles MM..., Patrice NN..., William OO..., Jean PP..., Mlle QQ..., Jany RR..., Philippe SS..., Olivier TT... et Quoc VV...
UU... ;
" aux motifs que les parties n'ayant pas signé de protocole d'accord avec la banque seront déclarées recevables en leur action ;
" alors que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en prononçant comme elle a fait, bien qu'il résulte de ses propres constatations que les parties civiles susvisées n'avaient, en cause d'appel, formé aucune demande à l'encontre de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci- dessus rappelé " ;
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;
Attendu que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, sont tenus de prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que, pour déclarer la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées civilement responsable de ses préposés à l'égard des parties civiles visées au moyen, l'arrêt énonce que celles- ci, n'ayant pas signé de protocole d'accord avec la banque, seront déclarées recevables en leur action ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces parties civiles ne présentaient dans leurs conclusions aucune demande à l'encontre de l'établissement bancaire, la cour d'appel a méconnu le principe ci- dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I- Sur les pourvois de Gérard L..., Claude B..., Claudette C..., épouse B..., Jean- Pierre F..., Jacqueline E..., épouse F..., Gérard G..., Annick M..., épouse Z..., Karine J..., Joseph J..., Jean- Robert H..., Stéphane I..., Hervé N... et Didier A... :
Les REJETTE ;
II- Sur le pourvoi de la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées :
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 22 mars 2007, en ses seules dispositions ayant déclaré recevables les actions civiles formées contre la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi- Pyrénées par Roselyne HH..., épouse J..., Jean- Claude II..., Claude JJ..., Serge KK..., Yves LL..., Gilles MM..., Patrice NN..., William OO..., Jean PP..., Mlle QQ..., Jany RR..., Philippe SS..., Olivier TT... et Quoc VV...
UU... ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract- Madoux conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;