La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2008 | FRANCE | N°07-13890

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 juin 2008, 07-13890


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Generali Iard et Simone Pérèle que sur les pourvois incidents relevés par la société Axa France Iard et par la société Transports Graveleau :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Poitiers, 13 février 2007) et les productions, que la société Simone Pérèle ayant confié l'acheminement d'une marchandise du Maroc à Blois, laquelle devait être livrée le 1er octobre 2001, à la société Transports Graveleau (société Gravel

eau), cette dernière s'est substitué le 28 septembre 2001 la société Sovetrans en lui pr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Generali Iard et Simone Pérèle que sur les pourvois incidents relevés par la société Axa France Iard et par la société Transports Graveleau :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Poitiers, 13 février 2007) et les productions, que la société Simone Pérèle ayant confié l'acheminement d'une marchandise du Maroc à Blois, laquelle devait être livrée le 1er octobre 2001, à la société Transports Graveleau (société Graveleau), cette dernière s'est substitué le 28 septembre 2001 la société Sovetrans en lui précisant de conserver la marchandise dans un lieu sûr pendant le week-end ; que la marchandise ayant été dérobée tandis qu'elle se trouvait dans les entrepôts de la société Sovetrans la nuit précédant le jour prévu de livraison, la société Simone Pérèle ainsi que la société Generali assurances Iard, devenue la société Generali Iard (société Generali) son assureur, ont assigné en indemnisation du préjudice la société Graveleau laquelle a appelé en garantie la société Sovetrans ainsi que la société Axa France Iard (société Axa) son assureur ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que les sociétés Generali et Simone Pérèle reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demandes fondées sur la faute lourde de la société Sovetrans et d'avoir en conséquence limité l'indemnisation due à la somme de 22 245,60 euros en principal majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une faute lourde la négligence d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur, maître de son action, à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée ; qu'il en va spécialement ainsi lorsqu'un camion simplement bâché est laissé avec son chargement, pendant tout un week-end, sur un parking isolé, ouvrant sur la voie publique, sans gardiennage ou surveillance, ni système d'alarme ou de sécurité ; qu'en jugeant du contraire en l'espèce, au motif que les portes arrières de la remorque avaient été bloquées contre un quai de déchargement, quand il était constant qu'il avait suffi aux malfaiteurs de découper les bâches latérales pour dérober la marchandise dans le camion laissé tout un week-end sur un parking non fermé ni surveillé, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ensemble les articles 23 et 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

2°/ qu'une faute lourde peut être caractérisée, indépendamment de toute connaissance de la valeur exacte de la marchandise, dès lors que le transporteur commet une négligence d'une extrême gravité trahissant son incapacité à remplir correctement la mission qu'il a pourtant contractuellement acceptée ; qu'ainsi, le fait de laisser la marchandise confiée dans un lieu désert, non clos, ni gardienné, malgré l'instruction de la conserver « en lieu sûr », constitue une erreur grossière équipollente au dol de la part d'un transporteur professionnel, quelle que soit la valeur de cette marchandise ; qu'en écartant pourtant, en l'espèce, la qualification de faute lourde au motif inopérant que la société Sovetrans ignorait la valeur exacte de la marchandise qui lui était confiée, la cour d'appel a violé l'article 1150 du code civil ensemble les articles 23 et 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

3°/ qu'il était établi que la société Sovetrans avait reçu de la société Transports Graveleau instruction de conserver les marchandises en lieu sûr ; qu'en omettant cependant de rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si une telle instruction n'imposait pas à la société Sovetrans, transporteur substitué, de prendre des précautions particulières, abstraction faite de sa connaissance de la valeur exacte de la marchandise, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1150 du code civil ensemble les articles 23 et 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le chauffeur a transféré la marchandise dans une remorque placée en position arrière contre le quai de déchargement de l'enceinte de l'entrepôt de la société Sovetrans dans lequel jamais aucun vol n'avait eu lieu, afin que les portes, elles-mêmes verrouillées, soient impossibles à ouvrir et que les circonstances du vol démontrent que pour accéder aux marchandises, les cambrioleurs ont découpé la bâche du toit, puis déplacé les protections latérales en métal et découpé la bâche latérale ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que la société Sovetrans n'avait pas commis une faute lourde de nature à écarter la clause limitative d'indemnité prévue par la CMR ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que les sociétés Generali et Simone Pérèle reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes fondées sur la faute lourde de la société Graveleau et d'avoir limité, en conséquence, l'indemnisation due à la somme de 22 245,60 euros en principal majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation alors, selon le moyen :

1°/ que le transporteur contractuel répond du choix du transporteur qu'il s'est substitué, a fortiori lorsqu'il a pris le risque d'une telle substitution qu'il pouvait éviter ; qu'averti de la valeur exacte d'une marchandise qu'il a acceptée de transporter de bout en bout, un transporteur commet même une faute lourde lorsqu'il se substitue un autre transporteur qui ne présente pas de garanties équivalentes aux siennes pour assurer la sécurité de cette marchandise ; qu'en jugeant du contraire, au seul motif, que la société Graveleau avait, à tout le moins, donné instruction à la société Sovetrans de conserver la marchandise « en lieu sûr », sans rechercher dans quelle mesure la société Graveleau n'aurait pas dû éviter de recourir à un sous-traitant dans une zone qu'elle reconnaissait « pas sûre », la cour d'appel a privé sa décision de base au regard de l'article 1150 du code civil ensemble les articles 23 et 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

2°/ qu'averti de la valeur exacte de la marchandise transportée, un transporteur commet nécessairement une faute lourde s'il se substitue un autre transporteur qui ne dispose pas d'une enceinte fermée ou gardiennée où cette marchandise peut être stationnée en sécurité pendant tout un week-end ; qu'en jugeant du contraire, au seul motif, que la société Graveleau avait donné instruction à la société Sovetrans de conserver la marchandise « en lieu sûr », sans rechercher si ce transporteur n'avait pas omis de vérifier dans quelle mesure les précautions qui seraient concrètement prises par ce sous-traitant seraient à la hauteur du risque encouru par la marchandise, la cour d'appel a privé sa décision de base au regard des articles 1150 du code civil, 23 et 29 de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la société Sovetrans n'avait jamais subi le moindre vol bien que son enceinte ne fût pas clôturée totalement et, par motifs propres, qu'elle avait pris la précaution de transférer la marchandise confiée dans une remorque, portes verrouillées, bloquée contre un quai de débarquement, ce dont il résulte que la société Sovetrans présentait des garanties suffisantes pour conserver la marchandise et qu'elle avait mis en oeuvre des précautions certaines pour assurer la mission de gardiennage qui lui a été confiée, la cour d'appel a pu écarter toute faute lourde de la société Graveleau dans le fait d'avoir sous-traité le gardiennage de la marchandise à la société Sovetrans et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par la société Graveleau :

Attendu que la société Graveleau reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Generali et à la société Simone Pérèle la somme de 22 245,60 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans ses écritures d'appel, la société Graveleau, invoquant les constatations de l'expert selon lesquelles « le circuit habituel établi par la société Graveleau qui possède une succursale au Maroc prévoit un acheminement en semaine pour éviter tout problème lié au week-end», soutenait que c'était en raison du retard pris par l'un de ses sous-traitants que la société Simone Pérèle n'a pu lui remettre la marchandise que le samedi, laquelle a franchi, le lundi suivant, le détroit de Gibraltar et a été dégroupée, le jeudi 27 septembre 2001, dans les locaux de la société Graveleau à Goussainville, et lui a imposé une livraison à Blois, le lundi suivant, 1er octobre 2001, ce qui l'a contraint, comme l'expert le constatait encore, à sous-traiter l'acheminement vers Blois, en sorte que la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée d'affréter un transporteur et de faire stationner la marchandise en cours de week-end, contrairement à la logistique qu'elle avait mise en place, trouve sa cause directe dans le retard du façonnier, conjugué à l'ordre qui lui a été donné par la société Simone Pérèle de livrer la marchandise un lundi, la faute du donneur d'ordre, qui a pris le risque de faire stationner ses marchandises durant un week-end, l'exonérant ainsi de sa responsabilité ; que, la cour d'appel, qui s'est bornée à rechercher si les circonstances du vol étaient imprévisibles et irrésistibles, sans répondre aux conclusions de la société Graveleau qui l'invitaient à rechercher si la faute commise par le donneur d'ordre, sinon son ordre, ne devaient pas l'exonérer de sa responsabilité, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'aux termes de l'article 17-2 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandise par route, dite CMR, le transporteur est déchargé de sa responsabilité de plein droit si la perte de la marchandise a eu pour cause une faute de l'ayant droit ou un ordre de celui-ci ; que, par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a constaté que les opérations régulières de transport s'effectuaient selon un processus excluant tout risque de vol durant le week-end, l'opération de transport objet de l'instance n'ayant pas suivi ce schéma habituel en raison d'un retard à la prise en charge des marchandises du fait d'un retard du façonnier, rendant impossible une livraison des marchandises à la société Simone Pérèle avant la fin de la semaine ; que, par motifs propres, la cour d'appel a encore relevé que la société Graveleau a été contrainte de différer la livraison en raison du retard imputable à un façonnier sous-traitant de la société Simone ; qu'il se déduisait de ces motifs combinés que la perte de la marchandise avait pour cause, au moins partielle, la faute de la société Simone Pérèle ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations a violé la disposition susvisée ;

Mais attendu, d'une part, qu'en retenant que la société Graveleau n'avait pas apporté la preuve de circonstances susceptibles de l'exonérer de sa responsabilité de plein droit, aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la société Simone Pérèle, la cour d'appel a répondu en les écartant aux conclusions prétendument omises ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que le retard pris par un façonnier sous-traitant de la société Simone Pérèle n'était pas constitutif d'une faute, la cour d'appel en relevant que le choix de se substituer la société Sovetrans pour conserver la marchandise pendant le week-end relevait de la seule responsabilité de la société Graveleau a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident relevé par la société Axa :

Attendu que la société Axa reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle devait sa garantie à son assurée la société Sovetrans et de l'avoir en conséquence condamnée, solidairement avec son assurée la société Sovetrans, à garantir la société Graveleau du paiement de la somme de 22 245,60 euros que cette dernière a été condamnée à payer aux sociétés Simone Pérèle et Generali alors, selon le moyen :

1°/ que la stipulation d'une police d'assurance qui impose en préalable à l'existence de la garantie la fourniture, par l'assuré à ses préposés, d'instructions relatives à la prévention des vols de fret sur les véhicules routiers, constitue une condition de la garantie requise indépendamment des circonstances de la réalisation du risque, et dont la preuve du respect incombe à l'assuré ; qu'en l'espèce, il résultait de la clause vol de la police d'assurance souscrite par la société Sovetrans auprès de la société Axa que la garantie contre le risque de vol était subordonnée au respect par l'assuré d'une obligation formelle d'instructions à fournir annuellement à ses préposés consistant à leur remettre par écrit des directives en matière de prévention de vol de fret sur les véhicules routiers ; que la cour d'appel qui condamne la société Axa à garantir son assuré la société Sovetrans pour le vol intervenu le 1er octobre 2001, aux motifs que les marchandises avaient été déposées dans l'entrepôt de la société Sovetrans sous la responsabilité du gérant, en sorte que le non respect des instructions imposées pour assurer la sécurité du chargement n'avaient joué aucun rôle causal dans la survenance du vol, la cour d'appel a ajouté au contrat et violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant, par voie de conséquence, de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'assuré avait effectivement donné à ses préposés les instructions contractuellement imposées par la police, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la stipulation obligeant le souscripteur à donner des instructions à ses préposés figurant dans une annexe de la police relative à la seule responsabilité des préposés, la cour d'appel, qui a relevé que le vol avait eu lieu tandis que la marchandise était sous la responsabilité directe du gérant de la société Sovetrans et dans l'entrepôt même de cette société a ainsi justifié sa décision de juger indifférent de savoir si des instructions avaient été données aux chauffeurs ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi provoqué éventuel de la société Graveleau :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incidents et provoqué éventuel ;

Condamne les demanderesses aux pourvois principal et incidents et provoqué éventuel aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette toutes les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 07-13890
Date de la décision : 24/06/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 13 février 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 jui. 2008, pourvoi n°07-13890


Composition du Tribunal
Président : Mme Favre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.13890
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award