LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé (Paris, 9 novembre 2006), que M. X..., salarié d'organismes de sécurité sociale depuis 1974 et directeur de la caisse d'allocations familiales (CAF) de Quimper à compter de février 1987, relevant de la convention collective nationale de travail du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales (ci-après la "convention collective"), a sollicité et obtenu de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) son détachement en Roumanie en juin 2001 ; qu'à l'issue de celui-ci, en juin 2005, il a sollicité sa réintégration au sein de la CNAF qui s'y est opposée en se fondant sur une note du contrôleur d'Etat refusant son visa au projet de réintégration présenté par le directeur de la CNAF ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir ordonner la poursuite de son contrat de travail au sein de la CNAF et la condamnation de son employeur à lui verser les salaires échus ainsi qu'une provision sur les salaires à venir ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la CNAF fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par elle au profit du tribunal administratif, alors que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, apprécier une décision qui relève du juge administratif ; qu'en l'espèce, il ne s'agissait pas de connaître des conséquences de la rupture du contrat de travail de M. X... mais de dire, aux lieu et place du contrôleur général économique et financier, si M. X... pouvait être intégré au sein des effectifs de la CNAF à l'issue de son détachement ; qu'en énonçant que M. X... devait être considéré comme salarié de la CNAF et rémunéré comme tel, la cour d'appel qui a substitué son appréciation à celle de l'administration sur le droit de M. X... à bénéficier d'un poste avec les conséquences administratives et financières que cela pouvait impliquer sur l'équilibre financier de la Caisse et sur son organigramme, a violé l'article 13 de la loi du 16-24 août 1790 et l'article L. 511-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a apprécié ni la légalité ni le bien-fondé d'une décision administrative ;
Que le moyen manque en fait ;
Sur le second moyen :
Attendu que la CNAF fait encore grief à l'arrêt d'avoir considéré que M. X... était son salarié et de l'avoir condamnée à payer à titre provisionnel des sommes au titre des salaires du 10 juin 2005 au 25 novembre 2005, des mois de décembre 2005, janvier à octobre 2006 alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déduit de ce que la CNAF avait autorisé en 2001 M. X... a être détaché de son poste de directeur de la CAF de Quimper pour exercer en Roumanie, de ce que la CNAF avait accepté de prendre en charge ses salaires en 2001 jusqu'à son détachement effectif et enfin de ce que la CNAF avait décidé de l'intégrer dans ses effectifs à son retour, la conclusion qu'il était salarié de la CNAF à laquelle il était subordonné depuis son départ de la direction de la CAF de Quimper ; qu'en se déterminant ainsi, sans relever aucune circonstance de fait caractérisant l'exécution par M. X... d'un travail sous l'autorité de la CNAF, ni le pouvoir de cette dernière de lui donner des ordres, des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code du travail ;
2°/ que selon les dispositions de l'article 19 bis de la convention collective dans sa rédaction alors applicable, ce n'est qu'au terme de sa période de détachement que l'agent de direction, qui a fait une demande de réintégration dans les délais prescrits, est mis à la disposition de l'organisme national ayant autorisé son détachement, lequel doit lui attribuer un poste d'un niveau au moins équivalent à celui qu'il occupait précédemment ; qu'en énonçant que conformément à ce texte, M. X... était salarié de la CNAF ayant autorisé son détachement, et ce dès son départ de la direction de la CAF de Quimper intervenu en mars 2001, soit avant même le début de son détachement intervenu de juin 2001 à juin 2005, la cour d'appel a violé l'article 19 bis précité ;
3°/ que selon les dispositions de l'article 19 bis de la convention collective dans sa rédaction alors applicable, seul l'agent de direction qui a fait une demande de réintégration dans les 6 mois au moins avant la fin de sa période de détachement, bénéficie, au terme de son détachement et dans l'attente d'une nouvelle fonction d'une mise à disposition de l'organisme national ayant autorisé son détachement, lequel doit lui attribuer un poste d'un niveau au moins équivalent à celui qu'il occupait précédemment ; qu'en déduisant de ce texte que M. X... était automatiquement titulaire d'un contrat de travail avec la CNAF qui avait autorisé son détachement, sans constater qu'il avait formulé une demande de réintégration dans les délais prescrits par la convention collective, la cour d'appel a violé l'article 19 bis précité ;
4°/ que selon les dispositions de l'article 19 bis de la convention collective dans sa rédaction alors applicable, si l'agent de direction n'a formulé aucune demande de réintégration dans les six mois avant la fin de sa période de détachement, il ne bénéficie plus de la position de détachement et son contrat de travail entre lui et l'organisme ayant accordé le détachement cesse de produire ses effets dans les mêmes conditions que celles résultant d'une démission, le délai congé étant réputé accompli ; que ce n'est que si l'agent de direction a formulé une demande de réintégration dans les délais prescrits qu'il est mis à disposition de l'organisme national ayant autorisé son détachement : qu'en considérant qu'à l'expiration de la période de détachement de M. X..., il appartenait à la CNAF de prendre position sur la continuation ou non de son contrat de travail et que faute de l'avoir fait, son contrat de travail se poursuivait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'il avait formulé une demande de réintégration dans les délais prescrits de nature à éviter la cessation automatique de son contrat de travail, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 19 bis précité ;
Mais attendu, d'abord, qu'en vertu de l'article 19 bis de la convention collective, dans sa rédaction alors applicable, dans l'attente d'une nouvelle affectation, l'agent de direction qui a demandé sa réintégration à l'issue d'un détachement est mis à la disposition de l'organisme national ayant autorisé le détachement qui doit lui attribuer un poste d'un niveau au moins équivalent ; qu'il en résulte que cet agent, tenu d'exercer des missions ou d'effectuer des travaux, doit être rémunéré par l'organisme ayant autorisé le détachement, tant qu'il n'est pas affecté dans une caisse, dès lors que son contrat de travail n'est pas rompu ; que la cour d'appel, qui a constaté, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen, que la décision de détachement avait été prise par la CNAF et qu'à l'issue de ce détachement M. X... avait demandé sa réintégration au service de cette Caisse, laquelle avait opposé un refus sans prendre position sur le sort du contrat de travail, en a exactement déduit qu'au regard des dispositions conventionnelles, elle était tenue de lui attribuer un autre poste et, en attendant, d'assurer le maintien de la rémunération ;
Attendu, ensuite, qu'il ne résulte, ni de l'arrêt, ni de la procédure, que la CNAF ait soutenu devant la cour d'appel que M. X... n'avait pas présenté sa demande de réintégration dans le délai prévu par la convention collective ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit dans ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse nationale des allocations familiales aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Caisse nationale des allocations familiales à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille huit.