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28/05/2008 | FRANCE | N°06-80203

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mai 2008, 06-80203


- A... Marc,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX- EN- PROVENCE, 5e chambre, en date du 16 novembre 2005, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui des chefs de faux, complicité d'escroquerie, recel d'abus de biens sociaux et corruption passive, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 131-4 du code de l'organisation judiciaire, 485, 512, 591, 592 et 609 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a étÃ

© prononcé par le président Lacan ;
" 1 / alors que l'arrêt doit être lu ...

- A... Marc,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX- EN- PROVENCE, 5e chambre, en date du 16 novembre 2005, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui des chefs de faux, complicité d'escroquerie, recel d'abus de biens sociaux et corruption passive, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 131-4 du code de l'organisation judiciaire, 485, 512, 591, 592 et 609 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a été prononcé par le président Lacan ;
" 1 / alors que l'arrêt doit être lu par un magistrat qui a participé aux débats et au délibéré ; que lors des débats et du délibéré, la cour était composée de M. Jardel, président, de Mme Salvan, conseiller, et de M. Cabaussel, conseiller ; que l'arrêt ayant été lu par le président Lacan, qui n'a pas participé aux débats et au délibéré, il a été rendu en violation des textes susvisés ;
" 2 / alors qu'une juridiction devant laquelle une affaire a été renvoyée après cassation est irrégulièrement composée si elle comprend l'un des magistrats ayant fait partie de la chambre de la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ; que M. Lacan a siégé dans la formation qui a rendu l'arrêt du 10 mars 2004 qui a été cassé dans cette affaire ; qu'ainsi, il ne pouvait prononcer l'arrêt attaqué sans violer les textes susvisés " ;
Attendu que le moyen qui conteste la composition de la cour d'appel lors du prononcé de l'arrêt attaqué est inopérant, dès lors que les mentions de cette décision font foi jusqu'à inscription de faux, laquelle a été rejetée par un arrêt définitif de la cour d'appel de Nîmes du 19 juin 2007 ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, de l'article 1382 du code civil, des articles 5 et 6 du décret du 29 décembre 1962, L. 2342-1 du code général des collectivités territoriales et des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que le comportement de Marc A... présentait le caractère d'une faute non dépourvue de tout lien avec le service mais en tous cas d'une faute personnelle détachable du service et d'avoir, en conséquence, confirmé le jugement entrepris qui avait condamné le demandeur à payer à la société Natexis Factorem la somme de 311 186, 50 euros à titre de dommages- intérêts ;
" aux motifs qu'il résulte des éléments du dossier et des débats que, comme il l'a reconnu lui- même lors de son audition par les services de police, Marc A..., en sa qualité de responsable d'une subdivision au sein de la direction générale de l'architecture et des bâtiments communaux de la ville de Marseille, était chargé de suivre les opérations d'entretien et les travaux concernant les bâtiments communaux dans le deuxième arrondissement mais également de viser différents documents à caractère technique et financier ; que dans le cadre de ses fonctions, il avait fait la connaissance de Jean- Pierre Y...
Z... gérant d'une SARL Compagnie nationale des fluides, titulaire de plusieurs marchés passés avec la ville de Marseille avec lequel il avait sympathisé et qui venait régulièrement dans son bureau ; que Marc A... reconnaissait avoir apposé sa signature et ses timbres humides sur des certificats pour paiement présentés par Jean- Pierre Y...
Z..., sans vérifier si ces documents correspondaient à des travaux réels et tout en sachant qu'il n'avait pas la qualité pour le faire ; qu'il avait agi ainsi car Jean- Pierre Y...
Z... voulait rassurer son banquier car il avait des découverts importants ; qu'il expliquait que s'étant trouvé seul et à plusieurs reprises en fin d'après- midi avec Jean- Pierre Y...
Z..., celui- ci lui avait présenté une dizaine de documents qu'il avait signés sans avoir rien contrôlé ni s'être assuré qu'ils correspondaient à des travaux réels ou non ; qu'il avait pris conscience de la gravité de ses actes en apprenant de sa hiérarchie qu'en réalité les certificats avaient servi à Jean- Pierre Y...
Z... à obtenir indûment, à l'aide de ces faux documents, des sommes de Crédifrance Factor ; qu'il déclarait qu'il ne pensait pas que Crédifrance Factor aurait opéré un paiement au vu de ces certificats pour paiement qui selon lui étaient destinés à Jean- Pierre Y...
Z... afin d'être présentés à sa banque et qui ne pouvaient constituer des titres de paiement sans avoir été préalablement vérifiés par l'adjoint aux finances ayant seul qualité d'ordonnateur ; qu'il ressort de l'enquête de police que Marc A..., s'il n'était certes pas l'ordonnateur des paiements, était néanmoins le dernier intermédiaire technique avant que ne soit ordonné le paiement et que c'est sur la base des certificats de paiement qu'il a revêtus de sa signature et sur lesquels il a apposé ses timbres humides et qui, dès lors, constituaient des faux documents valant titre, qu'ont été débloqués les fonds qui n'auraient jamais dû l'être car ne correspondant à aucune prestation ; qu'il a, selon ses propres dires, signé ces documents en sachant qu'il n'avait pas qualité pour le faire, commettant ainsi un faux intellectuel sans ignorer le préjudice même éventuel que ces faux étaient susceptibles de générer ; qu'il s'est également rendu complice du délit d'escroquerie en remettant à Jean- Pierre Y...
Z... ces faux documents sachant qu'ils étaient destinés à être produits auprès de Crédifrance Factor ; que même si Marc A... a été relaxé du délit de recel d'abus de biens sociaux au préjudice de la société Compagnie nationale des fluides, l'enquête n'ayant pas permis d'établir qu'il avait profité des largesses de cette société, il résulte de ses diverses auditions qu'il a agi de son seul fait, en particulier, pour rendre service à Jean- Pierre Y...
Z... et ce, pour des motifs totalement étrangers au service public et dans le cadre de rapports privés avec Jean- Pierre Y...
Z... ; qu'il en résulte que Marc A... a profité de ses fonctions et du pouvoir qu'il avait en sa qualité d'agent de la ville de Marseille pour commettre des faux et se rendre complice d'une escroquerie afin de satisfaire un intérêt personnel étranger au service, comportement qui présente le caractère d'une faute non dépourvue de tout lien avec le service mais en tous cas d'une faute personnelle détachable du service ;
" 1°) alors que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui- ci constitue une faute détachable des fonctions ; que la seule existence d'une infraction pénale ne saurait, à elle seule, caractériser l'existence d'une faute personnelle détachable du service ; qu'en considérant que Marc A... avait commis une faute personnelle détachable de ses fonctions dès lors qu'il avait « profité de ses fonctions et du pouvoir qu'il avait en sa qualité d'agent de la ville de Marseille pour commettre des faux et se rendre complice d'une escroquerie », bien que la commission de tels délits ne fût pas de nature à établir l'existence d'une faute personnelle détachable de ses fonctions d'agent public, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que l'intérêt personnel d'un agent public ne saurait se confondre avec l'intérêt des administrés ; qu'en retenant que Marc A... avait agi dans le but de satisfaire un intérêt personnel tout en relevant que Marc A... n'avait retiré aucun avantage personnel de la commission des infractions en cause et qu'au contraire, en agissant de la sorte, il avait « rendu service » à un administré, Jean- Pierre Y...
Z..., ce qui excluait l'existence de tout intérêt personnel, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
" 3°) alors que la faute imputée à l'agent public n'est pas à l'origine du dommage invoqué lorsqu'elle n'est pas la cause nécessaire du préjudice ; que seuls les certificats de paiement signés par le maire, en sa qualité d'ordonnateur, sont de nature à permettre le paiement de dépenses publiques ; qu'en considérant que la faute imputée à Marc A..., consistant à avoir signé des certificats d'avancement de travaux ne correspondant pas à la réalisation effective de travaux, était à l'origine du préjudice de la société Natexis Factorem résultant du déblocage des fonds, bien que de tels certificats d'avancement de travaux ne pouvaient, à eux seuls, permettre de tels paiements à défaut d'avoir été signés par l'ordonnateur des paiements, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de la loi des 16 et 24 août 1790, du principe de séparation des pouvoirs, des articles 2, 3, 384 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer sur la demande formulée par Marc A... de sursis à statuer en vue de la saisine du juge administratif d'une question préjudicielle portant sur l'existence ou non d'une faute personnelle détachable du service ;
" alors que Marc A... sollicitait expressément en cause d'appel la saisine du juge administratif d'une question préjudicielle relativement à l'existence ou non d'une faute personnelle détachable du service ; qu'en s'abstenant de statuer sur cette demande, bien que les juridictions répressives ne soient pas compétentes pour statuer sur la responsabilité de la puissance publique, de sorte que l'examen de l'existence d'une faute de service, relevant de la compétence de la juridiction administrative, ait été préalable à l'examen de la responsabilité du demandeur, la cour d'appel a violé les textes précités " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Marc A..., fonctionnaire de la ville de Marseille, chargé du suivi des opérations d'entretien des bâtiments communaux, a été définitivement condamné notamment des chefs de faux et de complicité d'escroquerie, pour avoir apposé sa signature et les timbres humides de la commune sur des " certificats pour paiement " de prestations fictives, au profit d'une société dirigée par un de ses amis et destinés à être produits pour obtenir de la trésorerie auprès d'une banque ;
Attendu que, pour condamner Marc A... à payer des dommages- intérêts à la société d'affacturage Natexis Factorem, venant aux droits de la Banque du Dome-Crédifrance Factor, l'arrêt énonce notamment que celui- ci a agi de son seul fait, pour des motifs étrangers au service public, qu'il a profité de ses fonctions et du pouvoir dont il disposait en qualité d'agent de la ville de Marseille pour commettre des faux et se rendre complice d'une escroquerie, afin de satisfaire un intérêt personnel étranger au service ; que les juges en déduisent que si le comportement du prévenu présente le caractère d'une faute non dépourvue de tout lien avec le service, il constitue néanmoins une faute personnelle détachable du service ; qu'ils ont ensuite évalué le préjudice de la société sur la base des certificats supportant des signatures et des timbres humides apposés par le prévenu, présentés pour affacturage et ne correspondant à aucun travaux ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que les fautes commises par Marc A... constituaient des manquements volontaires et inexcusables à des obligations d'ordre professionnel et déontologique, la cour d'appel, qui était seule compétente pour statuer sur le caractère de la faute retenue à l'encontre du prévenu et qui a caractérisé le préjudice de la partie civile, résultant directement des infractions dont le prévenu a été reconnu coupable, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Marc A... devra payer à la société Natexis Factorem, et à 2 000 euros celle qu'il devra payer à la ville de Marseille, en application de l'article 618- 1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567- 1- 1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-80203
Date de la décision : 28/05/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 novembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 mai. 2008, pourvoi n°06-80203


Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard, Mayer et Munier-Apaire, SCP Delvolvé

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.80203
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