La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2008 | FRANCE | N°07-86547

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 avril 2008, 07-86547


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE,
devenue LA SUVA,
- L'ASSURANCE VIEILLESSE ET SURVIVANTS (AVS),
parties intervenantes,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2007, qui dans la procédure suivie contre Renaud X..., du chef d'homicide involontaire ,a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pri

s de la violation de l'accord du 21 juin 1999 entre l'Union européenne et ses Etats membres e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE,
devenue LA SUVA,
- L'ASSURANCE VIEILLESSE ET SURVIVANTS (AVS),
parties intervenantes,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 22 mars 2007, qui dans la procédure suivie contre Renaud X..., du chef d'homicide involontaire ,a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'accord du 21 juin 1999 entre l'Union européenne et ses Etats membres et la Confédération suisse, de l'article 93 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, de l'article 41 de la loi fédérale suisse sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981, des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a fixé le préjudice économique de Mme Y... à la somme de 436.167,91 francs suisses et celui de Mlle Y... à la somme de 32.964,18 francs suisses, puis, après avoir constaté les créances de la SUVA et de l'AVS, a condamné Renaud X... à payer, au titre des prestations versées à Mme Y..., à l'AVS la contre-valeur en euros de la somme de 119.946,18 francs suisses et à la SUVA la contre-valeur en euros de la somme de 316.221,73 euros suisses, au titre des prestations servies à Mlle Y..., à l'AVS la contre-valeur en euros de la somme de 15.611,84 francs suisses et à la Suva la contre-valeur en euros de 17.352,34 francs suisses, en déclarant sa décision commune et opposable à la Macif ;

"aux motifs que le préjudice du conjoint survivant et des orphelins doit être indemnisé en prenant en compte les revenus du couple au moment du décès, net des charges sociales, mais sans tenir compte du régime fiscal applicable au foyer concerné, puis doivent être déterminées les parts théoriques de consommation de ces revenus par chacun des membres de la famille ; que des revenus du foyer, sera déduite la part de consommation du défunt, puis les éventuels revenus personnels du conjoint survivant ; que, sur le solde ainsi obtenu, sera calculé le préjudice annuel des enfants qui sera lui même déduit pour obtenir le préjudice annuel du conjoint survivant ; que cette somme sera capitalisée avec utilisation du barème publié à la Gazette du palais des 7 et 9 novembre 2004, sur la base de tables de mortalité de 2004 dont l'application à la cause n'est contestée par aucune des parties ; que sur le préjudice économique de Mme Jocelyne Y..., il ne peut être soutenu qu'au stade de la séparation récente des deux époux, Mme Y... et ses enfants n'auraient jamais pu prétendre qu'au paiement des pensions prévues dans les mesures provisoires ; que, d'une part, le divorce n'était nullement prononcé et ne l'aurait peut-être jamais été et, d'autre part, au cas de divorce effectif, une prestation compensatoire aurait pu être mise à la charge de M. Y... au profit de son épouse, compte tenu de la disparité des situations ; que la situation personnelle de Mme Y... n'est pas précisée, mais aucune des parties ne soulève le fait qu'elle pourrait avoir des revenus propres à prendre en compte ; qu'il sera donc considéré qu'elle n'a pas de revenus propres ; qu'il est justifié par une attestation de l'employeur qu'en 2004, M. Y... aurait touché 102 301 francs suisses ; que cette prévision de revenus pour 2004, non contestée par les parties, sert de base de calcul aux organismes sociaux, et apparaît une base raisonnable de détermination du préjudice économique de droit commun ; que la part d'autoconsommation du défunt peut être fixé à 30 %, celle de l'épouse à 30 %, les frais fixes du ménage à 25 % et la part de Gwendoline à 15 % ; que les revenus du ménage : 102 301 francs suisses, déduction de la part du défunt : 102 301-30 % = 71 610,70 francs suisses, déduction de la part de Gwendoline : 71 610,70 francs suisses – 15 % = 60.869 francs suisses, préjudice annuel de Mme Y... : 60 869,10 francs suisses x 30 % = 18 260,73 francs suisses ; que le préjudice de Mme Y... doit être capitalisé en fonction du barème de 2004 sur lequel les parties s'accordent mais au regard d'une rente viagère et non temporaire ; que par ailleurs, au jour de l'accident, Mme Y..., née le 31 décembre 1958, était plus âgée que son mari, né le 3 mai 1960, c'est donc l'âge de l'épouse (44 ans) qui conditionnera le prix de l'euro de rente applicable, soit : 18 260,73 francs suisses x 22,626 = 413 167,28 francs suisses ; qu'actualisé au jour de l'arrêt, sur la base de l'indice INSEE des prix à la consommation hors tabac, le préjudice s'élève à 436.167,91 euros ; que, s'agissant du préjudice annuel économique de Gwendoline Y..., il doit être fixé à 71.610,70 x 15 % = 10.741,61 francs suisses ; que la solution préconisée par les parties civiles de ne pas appliquer de barème de capitalisation pour la jeune Gwendoline est une erreur qui peut conduire à lui allouer plus que son dû, dès lors que les barèmes de capitalisation intègrent le taux d'intérêt auquel peuvent être placés les fonds alloués et qui en cas de versement d'une rente aurait profité au débirentier ; qu'aucun élément n'est fourni quant à la situation de Gwendoline, qu'on peut seulement raisonnablement penser qu'elle aurait été à la charge de sa famille jusqu'à l'âge de 20 ans alors qu'elle était âgée de 17 ans au moment de l'accident ; que le préjudice de Gwendoline doit être capitalisé (rente temporaire à 20 ans barème 2004 femme) comme suit 10.741,61 x 2,907 = 31.225,86 francs suisses ; que son préjudice actualisé s'élève à 32.964,18 francs suisses ;

"alors, en premier lieu, que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte pour la victime ; qu'en application de ce principe, le préjudice économique subi par un conjoint à la suite du décès de son époux est constitué de la somme de sa part d'autoconsommation et des dépenses fixes du ménage dans les revenus du foyer ; que, pour liquider ce préjudice, les juges du fond doivent donc, lorsque le conjoint survivant n'avait, au moment de l'accident, aucun revenu propre, évaluer les revenus de la victime décédée, puis déterminer quelle était la part d'autoconsommation de chacun des membres de la famille ainsi que la part représentant les dépenses fixes du ménage pour enfin calculer le préjudice à partir des revenus du conjoint décédé ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, pour calculer le préjudice économique de Mme Y..., prendre pour base de calcul les revenus de M. Y..., déduction faite de sa part de consommation puis de celle de leur fille et ne pas tenir compte de la part représentant les frais fixes du ménage ;

"alors, en second lieu, que, de la même façon, la cour d'appel ne pouvait liquider le préjudice économique annuel de Mlle Gwendoline Y..., en calculant sa part de consommation à partir des revenus annuels de M. Y... déduction faite de sa part d'autoconsommation" ;

Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice économique subi par les ayants droit de la victime d'une infraction et dont l'indemnité réparatrice est soumise au recours des tiers payeurs, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés, ou ne répondant pas aux conclusions des parties ;

Attendu qu' appelée à statuer sur la réparation du préjudice économique des ayants droit de Stéphane Y..., de nationalité suisse, décédé à la suite d'un accident de la circulation dont Renaud X..., reconnu coupable d'homicide involontaire, a été déclaré tenu à réparation intégrale, la cour d'appel, après avoir rappelé que la part de consommation personnelle de Stéphane Y... pouvait être fixée à 30 % des revenus annuels, celle de sa conjointe, qui n'avait pas de revenus personnels, à 30 %, les frais fixes du ménage à 25 % et la part de consommation personnelle de l'enfant commun à 15 %, fixe, avant capitalisation, le préjudice annuel de l'épouse à une somme inférieure à 55% des revenus du foyer et celui de l'enfant à une somme inférieure à 15% des mêmes revenus ;

Mais attendu qu'en affectant ainsi aux ayants droit de Stéphane Y... une somme inférieure à leur perte de ressources, alors que les organismes sociaux suisses, la SUVA et l'AVS, subrogés dans leurs droits, demandaient que la totalité de ces pertes de ressources fût répartie entre eux, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs empreints de contradiction, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Attendu que, la condamnation prévue par l'article 618-1 du code de procédure pénale ne pouvant être prononcée que contre l'auteur de l'infraction et au profit de la seule partie civile, la demande faite à ce titre par les organismes SUVA et AVS, parties intervenantes, contre la MACIF, partie intervenante, et contre Renaud X..., auteur de l'infraction, sur le fondement de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, n'est pas recevable ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 22 mars 2007, en ses seules dispositions civiles relatives aux recours subrogatoires de la SUVA et de l'AVS s'appliquant aux préjudices économiques subis par Jocelyne et Gwendoline Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes présentées par la SUVA et l'AVS au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-86547
Date de la décision : 15/04/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 22 mars 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 avr. 2008, pourvoi n°07-86547


Composition du Tribunal
Président : M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.86547
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award