LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Louis,
- LE SYNDICAT CFDT DES SERVICES, parties civiles
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANÇON, chambre correctionnelle, en date du 27 mars 2007, qui les a déboutés de leur demande après relaxe de Jean-Paul Y... du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 139-19, L. 481-2 et L. 482-1 du code du travail, des articles 464, 470 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Jean-Paul Y... des fins de la poursuite pour délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, sans peine ni dépens, et débouté le Syndicat CFDT des services de ses fins et conclusions de ce chef ;
"aux motifs que Jean-Paul Y... a été cité devant le tribunal correctionnel de Besançon pour «avoir à Dannemarie-sur-Crête, en tout cas dans le ressort du tribunal de grande instance de Besançon courant 2001 et depuis temps non prescrit, porté atteinte ou tenté de porter atteinte à l'exercice régulier de Jean-Louis X..., délégué du personnel et délégué syndical, en l'espèce en ayant autoritairement modifié sa période de travail et en ayant, lors d'une réunion relative à un accord sur la réduction du temps de travail, proféré des menaces et tenu des propos outrageants en rapport avec lesdites fonctions, infraction prévue par les articles L. 481-2, alinéa 1er, L. 412-1, L. 412-4, L. 412-5 du code du travail et réprimé par l'article L. 481-2, alinéa 1er, du code du travail» ; qu'il ressort de la citation et en particulier du visa de la disposition répressive de l'article L. 481-2, alinéa 1er, du code du travail que Jean-Paul Y... était exclusivement poursuivi pour le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical et, dès lors, il ne peut être recherché s'il a commis une entrave à d'autres fonctions ; qu'il ressort des éléments du dossier, notamment des propres explications fournies par Jean-Louis X... et confirmées par Daniel Z..., que la réunion du 31 mars 2001, perturbée par l'irruption de Jean-Paul Y..., avait pour ordre du jour la finalisation d'un accord sur le temps de travail dans l'établissement, et que la situation individuelle d'un salarié, Franck A..., a également été évoquée ; que, dans ces conditions, il n'est rapporté aucune preuve de ce que Jean-Louis X..., qui agissait alors en tant que délégué du personnel, ait subi une quelconque entrave à l'exercice du droit syndical ;
"alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la réunion du 31 mars 2001, qui avait été perturbée par l'irruption de Jean-Paul Y..., avait pour ordre du jour la finalisation d'un accord sur le temps de travail dans l'établissement, accord dont la signature appartient au seul syndicat, de sorte que Jean-Louis X... agissait nécessairement en sa qualité de délégué syndical ; que, de ce chef, en affirmant qu'il agissait en tant que délégué du personnel, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui en résultaient nécessairement ;
"alors, en outre, que, dans leurs conclusions, le syndicat intéressé et Jean-Louis X... faisaient valoir que non seulement celui-ci participait à cette réunion en sa qualité de délégué syndical, mais encore que les insultes et menaces proférées à son encontre étaient liées à sa qualité de représentant syndical ; qu'il résulte de l'ordonnance de renvoi que Jean-Paul Y... avait outragé la partie civile «en lui reprochant son activisme syndical» et en proférant des menaces directement liées à ses fonctions ; que, selon les constatations du jugement entrepris, Franck A..., dont la situation individuelle avait été évoquée, avait demandé conseil et assistance à Jean-Louis X... en tant que délégué syndical, ainsi qu'il l'avait confirmé lorsqu'il avait été entendu (D.175) ; qu'en l'état de ces faits constants, la cour d'appel ne pouvait, de ce chef, affirmer que Jean-Louis X... agissait en qualité de délégué du personnel ; qu'elle n'a donc pas, derechef, légalement justifié sa décision ;
"alors, de surcroît, qu'il résulte de l'ordonnance de renvoi que Jean-Paul Y... était renvoyé pour avoir porté atteinte ou tenté de porter atteinte à l'exercice régulier des fonctions de Jean-Paul Y..., délégué du personnel et délégué syndical, en ayant, lors d'une réunion relative à un accord sur la réduction du temps de travail, proféré des menaces et tenu des propos outrageants en rapport avec lesdites fonctions ; que, par suite, en affirmant que Jean-Paul Y... était exclusivement poursuivi pour le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, à l'exclusion du délit d'entrave aux fonctions de délégué du personnel, la cour d'appel a méconnu les termes de la poursuite ;
"alors, au demeurant, que le juge correctionnel, qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention, ne peut prononcer une décision de relaxe que pour autant qu'il a vérifié que les faits incriminés ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le salarié était visé en sa qualité de délégué, quelle qu'elle soit, délégué du personnel ou délégué syndical ; qu'aurait-il même agi en qualité de délégué du personnel, il appartenait au juge de considérer les faits sous la qualification d'entrave aux fonctions de délégué du personnel ; que faute en tout cas de l'avoir fait, les juges du fond ont méconnu leur office" ;
Vu les dits articles, ensemble l'article 388 du code de procédure pénale ;
Attendu que, lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction, le juge pénal doit statuer sur l'ensemble des faits relevés par l'ordonnance :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Paul Y... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel, notamment, au visa des articles L. 482-1 et L. 481-2 du code du travail, pour avoir porté atteinte ou tenté de porter atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et de délégué syndical de Jean-Louis X... ;
Attendu que, pour infirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ces chefs, l'arrêt énonce que Jean-Louis X... agissait, lors des faits reprochés, en tant que délégué du personnel, alors qu'il ressort de la citation que Jean-Paul Y... était exclusivement poursuivi pour le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, visé par l'article L. 481-2 du code du travail ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le délit d'entrave aux fonctions de délégué du personnel était également visé par l'ordonnance de renvoi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon en date du 27 mars 2007, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
FIXE à 2 000 euros la somme que Jean-Paul Y... devra payer à Jean-Louis X... et au syndicat CFDT des services au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Anzani conseiller rapporteur, Mme Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;