LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'une prise de contrôle de la société La Liberté de l'Est, devenue sa filiale, la société L'Est républicain a décidé de réorganiser ses services et de céder à la société La Liberté de l'Est une branche d'activité de son fonds de commerce portant sur l'édition et la diffusion de quatre publications locales dans le département des Vosges et sur le droit d'utilisation du titre correspondant ; que cette nouvelle organisation entraînant la fermeture de l'agence de la société L'Est républicain de Saint Dié où étaient employées Mmes X... et Y..., la société L'Est républicain a conclu avec elles des transactions qui prévoyaient leur démission, à des dates postérieures à la conclusion de ces conventions, leur engagement par la société La Liberté de l'Est et le paiement d'une indemnité compensant " des inconvénients et autres éventuels préjudices liés à cette fin de contrat ", les parties renonçant " irrévocablement à tous autres droits ou actions ou indemnités de quelque nature que ce soit, qui résulteraient de la cessation du contrat de travail " et déclarant que ces accords auraient entre elles " l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ", conformément à l'article 2052 du code civil ; que les salariées, après avoir été engagées par la société La Liberté de l'Est pour exercer leurs fonctions à Saint Dié, ont saisi le juge prud'homal de demandes tendant à l'annulation des transactions et au paiement de rappels de salaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les salariées font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutées de leurs demandes alors, selon le moyen :
1° / que la reprise par une société éditrice de presse d'une partie du personnel et du droit d'exploitation d'un journal constitue un transfert d'entité économique autonome conservant son identité ; qu'en retenant que les salariées ne pouvaient se prévaloir du transfert de leur contrat de travail vers la société La Liberté de l'Est, quand elle constatait que cette dernière avait repris les droits d'exploitation de l'édition vosgienne de l'Est républicain et que les salariées continuaient à travailler pour cette édition après sa reprise d'exploitation, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12, alinéa 2, du code du travail et 1-1 de la directive n 2001 / 23 / C E du 12 mars 2001 ;
2 / que lorsqu'une entité économique fonctionne sans élément d'actifs matériels significatifs le maintien de son identité ne dépend pas de la cession de tels éléments ; que la rédaction d'un journal dépend avant tout du travail intellectuel de ses rédacteurs ; qu'en déduisant l'absence de transfert d'une entité économique autonome de l'absence de cession d'éléments d'actifs entre les journaux l'Est républicain et La Liberté de l'Est, la cour d'appel a violé les articles L 122-12, alinéa 2, du code du travail et 1-1 de la directive n 2001 / 23 / CE du 12 mars 2001 ;
3 / que la continuation par les salariés de la même activité dans les mêmes locaux sans transfert d'autres éléments d'actifs caractérise le transfert d'une entité économique autonome ; qu'en retenant l'absence de transfert d'une entité économique autonome quand elle constatait que les salariées avaient continué à travailler à la rédaction de l'édition vosgienne du journal l'Est républicain dans les locaux de l'ancienne agence de l'Est républicain, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12, alinéa 2 du code du travail et 1-1 de la directive n 2001 / 23 / CE du 12 mars 2001 ;
4 / que lorsque le salarié démissionne de son emploi afin d'être réembauché par le cessionnaire, concomitamment au transfert d'activité, les juges du fond doivent vérifier si l'objectif de cette opération n'était pas d'éluder frauduleusement l'application de l'article L. 122-12 du code du travail ; que les salariées ont invoqué dans leurs conclusions d'appel l'existence d'une collusion frauduleuse visant à éviter le transfert de leur contrat de travail et le maintien de leur niveau de rémunération ; qu'en s'abstenant de rechercher si la transaction prévoyant la démission des salariées et leur réembauche par la société La Liberté de l'Est ne dissimulait pas une telle collusion frauduleuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 122-12, alinéa 2, du code du travail et 1-1 de la directive n 2001 / 23 / CE du 12 mars 2001 ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir que les conditions d'exploitation de l'entité économique assurant l'édition et la diffusion de quatre journaux locaux avait été modifiées à l'occasion de la cession des droits de la société L'Est républicain à la société La Liberté de l'Est, en sorte qu'elle n'avait pas conservé son identité, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inutile, a pu en déduire que cette opération ne relevait pas de l'article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1134 et 2044 du code civil ;
Attendu que, pour débouter les salariées de leurs demandes en annulation des transactions passées avec la société L'Est républicain, l'arrêt retient qu'elles n'ont jamais été licenciées par l'Est républicain, que c'est de façon erronée que les accords " tripartites " conclus entre elles et les sociétés L'Est républicain et La Liberté de l'Est ont été qualifiés de transaction, qu'en réalité, ces accords concrétisent un départ négocié et constatent la démission des salariées, qui ne justifient d'aucun vice de leur consentement, ni d'un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'au regard des stipulations qu'elles contenaient, les conventions conclues entre la société L'Est républicain et ses salariées ne constituaient pas des conventions de rupture amiable des contrats de travail mais des transactions, comportant des concessions réciproques, dont il lui appartenait de vérifier la validité en considération de la date de leur conclusion, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a exclu l'application de l'article L. 122-12 du code du travail, l'arrêt rendu le 4 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés L'Est républicain et La Liberté de l'Est de Saint Dié à payer à Mme Y... et à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille huit.