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06/03/2008 | FRANCE | N°07-16010

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 06 mars 2008, 07-16010


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 avril 2007), que M. X..., salarié de la société Verrerie Cristallerie Durand devenue Arc International (la société) du 4 avril 1956 au 31 mars 1997 en qualité de metteur au point four, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle liée à l'inhalation de poussières d'amiante, par la caisse primaire d'assurance maladie de Calais (la caisse) ; qu'il a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation c

omplémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

Attend...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 avril 2007), que M. X..., salarié de la société Verrerie Cristallerie Durand devenue Arc International (la société) du 4 avril 1956 au 31 mars 1997 en qualité de metteur au point four, a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle liée à l'inhalation de poussières d'amiante, par la caisse primaire d'assurance maladie de Calais (la caisse) ; qu'il a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de reconnaître sa faute inexcusable, alors, selon le moyen :

1°/ que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat n'a le caractère d'une faute inexcusable, en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés dans l'entreprise, que si l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié ; que ce n'est que par décret n° 96-445 du 22 mai 1996 que le tableau n° 30 des maladies professionnelles liées à l'inhalation de poussière d'amiante a introduit dans la liste des travaux susceptibles de provoquer cette maladie les travaux d'équipement, d'entretien et de maintenance effectués sur des matériels ou dans des locaux contenant des matériaux à base d'amiante ainsi que les travaux nécessitant le port habituel de vêtement contenant l'amiante ; qu'auparavant seul le travail direct sur l'amiante faisait l'objet d'une réglementation ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la société était une entreprise de fabrication de verre par fusion qui n'utilisait pas d'amiante comme matière première et ne participait donc pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante ; que M. X..., qui était metteur au point sur machine ne travaillait pas directement sur l'amiante mais y était exposé de façon indirecte par la présence d'amiante dans les outils de protection situés à proximité de lui (toiles, plaques) ou utilisés pour manipuler des articles chauds (cordons, gants), et ce de 1956 à 1996 ; qu'en considérant dans ces conditions que l'employeur ne pouvait ignorer le danger que le salarié encourrait lorsqu'en l'état des connaissances scientifiques et de la législation applicable au moment de l'exposition au risque, l'employeur, qui n'était pas spécialiste de l'amiante, n'avait pas et ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié en effectuant des travaux non visés à l'époque aux tableaux des maladies professionnelles, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

2°/ que les entreprises simples utilisatrices de l'amiante sont seulement tenues de respecter la réglementation d'hygiène et de sécurité en vigueur sur l'amiante et non de s'informer des parutions spécifiques techniques, scientifiques ou médicales existant auparavant sur ce point ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société était une simple entreprise utilisatrice et non productrice d'amiante ; qu'avant 1996, la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer les maladies liées à l'inhalation de poussières d'amiante concernaient essentiellement des activités de fabrication d'amiante et non les entreprises seulement utilisatrices comme elle, et que ce n'était qu'à compter du décret du 22 mai 1996, postérieurement à la période d'exposition au risque de M. X..., qu'avait été créé le tableau numéro 30 bis relatif au cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante au
sein des entreprises utilisant des matériaux à base d'amiante ; qu'en considérant malgré ces circonstances que l'employeur «devait» néanmoins avoir conscience du danger lié à l'amiante avant 1996 au prétexte que ces dangers avaient déjà été révélés auparavant par diverses études et travaux spécialisés réalisés en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et en Afrique du Sud entre 1906 et 1960, dont la société était «tenue de s'informer», la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

3°/ que ne constitue pas une faute inexcusable l'utilisation par l'employeur d'un matériau autorisé par la loi ; que l'Etat n'a interdit «la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante» que par l'édiction du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 ; qu'avant l'adoption de ces mesures réglementaires, l'utilisation de l'amiante par un employeur qui ne participait pas à la fabrication ou à la transformation de l'amiante n'était nullement restreinte, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait avoir conscience du dommage auquel était exposé son salarié ; qu'en énonçant que l'utilisation massive de l'amiante dans la composition des fours ou dans les outils de protection, exposant le salarié au risque de 1956 à 1996, ne permettait «aucune ambiguïté sur la connaissance du danger et les risques engagés par la société», la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

4°/ que ne commet pas de faute inexcusable l'employeur qui respecte les mesures réglementaires de prévention édictées par les pouvoirs publics, peu important que ces mesures soient insuffisantes ou trop tardives du fait de la carence de l'Etat à réagir promptement ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir qu'il avait respecté le décret n° 77-949 du 17 août 1977 fixant pour la première fois des seuils de concentration d'amiante et imposant un système de contrôle de l'atmosphère en se dotant en 1980 d'un laboratoire chargé d'effectuer des prélèvements et en installant des aérateurs au dessus des fours et des machines, et que ce n'était que par décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 que la vente et l'utilisation de l'amiante avaient été proscrites ; qu'en jugeant insuffisantes et tardives les mesures prises par l'employeur, peu important les propres carences de l'Etat au niveau des mesures réglementaires préventives, lorsqu'en l'état de la réglementation applicable, l'employeur pouvait penser que les mesures qu'il avait prises pour éviter les dangers de l'amiante étaient suffisantes, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

5°/ que le seul constat de la maladie professionnelle du salarié ne suffit pas à révéler la faute inexcusable de l'employeur ; qu'en déduisant du seul constat de la maladie professionnelle de M. X... consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante la conclusion que l'employeur n'avait pas pris les mesures de protection nécessaire pour l'en protéger et qu'il avait ainsi commis une faute inexcusable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 230-2 du code du travail et l'article 1147 du code civil ;

6°/ qu'il appartient au salarié de prouver que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger auquel il a été exposé ; que le juge ne saurait donc se fonder sur la prétendue insuffisance des preuves apportées par l'employeur pour retenir que ce dernier n'aurait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la sécurité du salarié ; qu'en considérant que les analyses de l'employeur mentionnant de faibles concentration d'amiante dans les poussières n'étaient pas suffisamment probantes, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Et attendu que les énonciations de l'arrêt caractérisent le fait que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger lié à l'amiante auquel était exposé son salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la société avait commis une faute inexcusable ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Arc International aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arc International, la condamne à payer à M. X... la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 07-16010
Date de la décision : 06/03/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 13 avril 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 06 mar. 2008, pourvoi n°07-16010


Composition du Tribunal
Président : M. Gillet (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gatineau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.16010
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