LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., employé par la société Fermière du casino municipal de Cannes, a été licencié pour faute lourde le 4 octobre 1989 au motif de son inculpation pour escroquerie au préjudice du casino ; que contestant la régularité et le bien fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale qui a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ; qu'il a été relaxé des fins de la poursuite pénale par décision du 29 juillet 1994, confirmé par arrêt du 19 février 1997, que statuant sur renvoi après cassation (Soc. 4 mars 2003, n° S 01-41.028) l'arrêt attaqué a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur au paiement de sommes à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rejeté les autres demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief a l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande tendant à l'annulation du licenciement alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article L. 120-2 du code du travail, est nul le licenciement qui est prononcé en violation de la liberté fondamentale du salarié d'exercer sa profession ; qu'il résulte en outre de l'article 8, alinéa 1 du décret du 22 décembre 1959 qu'une personne qui exerce sa profession dans les salles de jeux et qui perd son agrément ministériel à la suite d'un licenciement disciplinaire ne peut continuer d'exercer sa profession ; qu'il résulte de ce même article 8, alinéa 1 qu'un tel licenciement ne peut être prononcé que par le directeur responsable du casino lequel engage, rémunère et licencie directement, en dehors de toute ingérence étrangère, toutes les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux ; que cette disposition protectrice de la liberté fondamentale du salarié d'exercer sa profession est sanctionnée, en cas de non-respect, par la nullité du licenciement ; qu'en décidant que le directeur du casino pouvait déléguer son pouvoir de licencier au directeur des ressources humaines, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 8, alinéa 1 précité du décret du 22 décembre 1959 ;
2°/ que le respect de la présomption d'innocence dans l'entreprise constitue une liberté fondamentale du salarié ; que constitue une atteinte à cette liberté tout écrit contenant des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée ; que tel est le cas d'une lettre de licenciement énonçant comme motif de rupture le fait que le salarié avait été inculpé et écroué pour escroquerie et que sa conduite avait mis en cause la bonne marche de l'entreprise ; qu'après avoir relevé que la société ne pouvait invoquer de tels faits dès lors que le salarié était présumé innocent, et que les faits objets de la poursuite avaient au surplus été déclarés non établis par le juge pénal, la cour d'appel qui en a déduit que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse au lieu de le déclarer nul comme le lui demandait le salarié, en lui opposant de façon erronée que seule l'inculpation avait porté atteinte à sa présomption d'innocence et non le licenciement, la cour d'appel a violé, par refus d'application, ensemble les articles 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales, et 9-1 du code civil ;
Mais attendu qu'aucune disposition légale ne prévoit la nullité du licenciement, ni lorsqu'il est prononcé en méconnaissance des dispositions de l'article 8 du décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959, ni lorsque la lettre de licenciement mentionne des faits de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme de 304.898 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices moraux, professionnels et matériels, distincts du licenciement alors, selon le moyen, que M. X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait subi un préjudice distinct de celui de la perte d'emploi découlant de son licenciement en raison des circonstances vexatoires et humiliantes ayant entouré la rupture, et découlant, en premier lieu, du fait que, pour le licencier, l'employeur l'avait, de façon déshonorante, au bout de 32 ans d'ancienneté, fait surveiller à son insu par des caméras et inculper pour escroquerie en déposant plainte contre lui, ce qui avait entraîné, non seulement le retrait de son agrément et l'impossibilité subséquente d'exercer sa profession, mais aussi sa mise en détention provisoire pendant deux mois, ainsi que sa mise sous contrôle judiciaire contre le versement d'une caution, puis sa mise en jugement avant qu'il ne soit définitivement relaxé neuf ans après le licenciement, et ce, alors que la véritable raison de celui-ci résidait dans le projet de l'employeur de remplacer les croupiers par des machines à sous, projet qui avait été réalisé ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en allouant au salarié une somme globale de 90 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation de l'ensemble des chefs de préjudice dont elle a souverainement évalué le montant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'en préciser les divers éléments, a légalement justifié sa décision ;
Sur la demande de rectification d'erreur matérielle :
Attendu que la cour d'appel, qui a alloué une somme globale à titre de dommages-intérêts, n'a pas commis l'erreur matérielle alléguée ; que cette demande sera rejetée ;
Et attendu en conséquence qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi incident présenté à titre subsidiaire ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 11 de la Convention collective nationale du personnel de la branche des jeux dans les casinos autorisés étendue par arrêté ministériel du 21 mai 1985 ;
Attendu que l'arrêt a fixé le montant de l'indemnité de licenciement sur la base de 1/8e de mois de salaire par année d'ancienneté à compter de la septième année ;
Qu'en statuant ainsi alors que l'article 11 de la convention collective prévoit que cette indemnité doit être calculée sur la base de 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté à compter de la septième année, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de rejeter la demande qui tend à voir réparer l'omission de statuer invoquée par le quatrième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Fermière du casino municipal de Cannes à payer à M. X... la somme de 7 306,61 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 8 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Rejette la demande en rectification d'erreur matérielle ;
D'y n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi incident ;
Condamne la société Fermière du casino municipal de Cannes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Fermière du casino municipal de Cannes à payer à M. X... la somme de 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille huit.