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06/02/2008 | FRANCE | N°06-42941

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 février 2008, 06-42941


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 25 juillet 1983, la société Fina France, aux droits de laquelle se trouve la société Total France, a consenti aux époux X... un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce de station-service ; que le contrat a été résilié d'un commun accord le 23 septembre 1987 ; que, par jugement du 6 juin 1989, devenu définitif, le tribunal de commerce a condamné les époux X... à payer à la société Fina France une somme de 486 778,79 francs (à titre d'indem

nité de résiliation) ; qu'ayant ultérieurement saisi le tribunal de commer...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par contrat du 25 juillet 1983, la société Fina France, aux droits de laquelle se trouve la société Total France, a consenti aux époux X... un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce de station-service ; que le contrat a été résilié d'un commun accord le 23 septembre 1987 ; que, par jugement du 6 juin 1989, devenu définitif, le tribunal de commerce a condamné les époux X... à payer à la société Fina France une somme de 486 778,79 francs (à titre d'indemnité de résiliation) ; qu'ayant ultérieurement saisi le tribunal de commerce, les époux X... ont obtenu, par arrêt du 6 juillet 1994, le prononcé de la nullité du contrat de location-gérance ; que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté ; que, par jugement du 4 février 2000, la liquidation judiciaire de M. X... a été prononcée ; que, le 16 mai 2003, le mandataire liquidateur de M. X... et Mme X... ont saisi la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 781-1 du code du travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrite leur action en paiement de salaires, heures supplémentaires et congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription quinquennale n'atteint les créances qui y sont soumises, que lorsqu'elles sont déterminées et les créances de salaires que pour autant qu'elles représentent la rémunération d'un contrat de travail ; que tel n'est pas le cas d'une créance dont l'existence même dépend de la reconnaissance, contre et outre les accords des parties, du bénéfice d'un statut salarié contesté ; qu'en appliquant cependant cette prescription à l'action en reconnaissance, par les époux X..., de ce que les conditions d'exécution du contrat de location-gérance les unissant à la société Fina leur permettaient de revendiquer le statut professionnel particulier issu de l'article L. 781-1 du code du travail, et à l'action consécutive en paiement de sommes dont le caractère salarial était incertain, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2277 du code civil ;

2°/ que la prescription ne court pas contre ceux qui ne peuvent agir ; qu'en l'espèce, l'action en paiement de salaires par les époux X..., qui supposait la reconnaissance préalable de leur droit à bénéficier du statut édicté par l'article L. 781-1 du code du travail, avait été interdite par l'article XXXVII du contrat de location-gérance qui plaçait les relations contractuelles sous l'empire de la loi du 20 mars 1956 et emportant renonciation expresse au bénéfice du statut, jusqu'à son annulation, prononcée par arrêts de la cour d'appel de Paris en date des 6 juillet 1994 et 11 décembre 1996, qui n'étaient devenus définitifs qu'au jour du rejet, par arrêt du 23 mai 2000, du pourvoi en cassation formé contre eux ; que ce n'est qu'à cette date que les époux X... avaient été à même de faire déterminer l'existence même de leur créance salariale ; qu'en déclarant cependant prescrite leur action en paiement introduite le 16 mai 2003, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 2251 et 2277 du code civil ;

3°/ subsidiairement, qu'il ressortait des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance, le 23 septembre 1987, une action judiciaire avait été intentée par la société Fina France devant le tribunal de commerce de Paris qui, par un premier jugement du 6 juin 1989, avait condamné les époux X... à lui régler la somme de 486 778,79 francs ; que les époux X... avaient par la suite (le 31 août 1990) saisi de nouveau le tribunal de commerce de Paris et obtenu, par arrêt du 6 juillet 1994 (infirmant un jugement du 17 avril 1992), l'annulation du contrat de location-gérance ; que le pourvoi formé contre cette décision avait été rejeté par la Cour de cassation (par arrêt du 23 mai 2000) ; que ces diverses actions, procédant des relations contractuelles ayant lié les époux X... et la société Fina, avaient eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action des époux X... en requalification du contrat de location-gérance en contrat de travail et en paiement d'un rappel de salaire ; qu'en déclarant cependant cette action, "engagée plus de quinze ans après la fin de la location-gérance", atteinte par la prescription quinquennale, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 2277 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que les époux X... n'ont jamais été empêchés d'agir ; qu'elle en a exactement déduit que l'action ayant été engagée plus de quinze ans après la fin de la location-gérance, les demandes relatives aux salaires étaient prescrites ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté les époux X... de leur demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation relative aux congés annuels et hebdomadaires, alors, selon le moyen, que l'exclusion prévue par l'article L. 781-1 du code du travail, qui dispose, en son deuxième alinéa, que "le chef de l'entreprise industrielle et commerciale qui fournit les marchandises... ne sera responsable de l'application au profit des personnes ci-dessus visées, de la réglementation du travail résultant du Livre II du premier code que si les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité dans l'établissement ont été fixées par ce chef d'entreprise ou soumises à son agrément..", ne concerne que la responsabilité personnelle que le chef d'entreprise peut encourir du fait du non-respect des réglementations du travail, d'hygiène et de sécurité ; qu'elle ne concerne pas l'incidence financière du paiement des éléments de la rémunération ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse interprétation le texte susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les époux X... avaient le libre choix des personnes qu'ils employaient, ainsi que des heures et jours d'ouverture de la station-service ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que la demande de dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation des congés annuels et hebdomadaires devait être rejetée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 312-2 et R. 312-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 781-1-2° du code du travail ;

Attendu que, pour rejeter la demande de dommages-intérêts des époux X... pour défaut d'inscription au régime général de la sécurité sociale, l'arrêt retient que le bénéfice de l'article L. 781-1 du code du travail n'implique pas l'existence d'un lien de subordination ni la reconnaissance du statut de salarié ouvrant droit au bénéfice du régime général de la sécurité sociale au sens de l'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale ; que la demande de dommages-intérêts à ce titre doit, en tout état de cause, être rejetée, sans qu'il y ait lieu de déterminer si les conditions d'application de l'article L. 781-1 du code du travail sont réunies ;

Attendu, cependant, qu'il résulte des dispositions combinées des deux premiers textes susvisés que les gérants, dont l'activité entre dans les prévisions du troisième, doivent être affiliés par l'employeur au régime général ;

Qu'en se déterminant comme elle a fait, sans rechercher si les conditions d'application de l'article L. 781-1 2° du code du travail étaient remplies, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur action en paiement de dommages-intérêts pour défaut d'inscription au régime général de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 31 mars 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des époux X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-42941
Date de la décision : 06/02/2008
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 fév. 2008, pourvoi n°06-42941


Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.42941
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