La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2007 | FRANCE | N°06-17889

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 décembre 2007, 06-17889


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite, d'une part, des décisions de la Cour de cassation ayant dit que l'abattement de 20 % prévu par l'arrêté du 26 mars 1987 au bénéfice des journalistes professionnels devait continuer à s'appliquer au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail, d'autre part, de l'instruction ministérielle étendant cette interprétation des textes à toutes les cotisations déplafonnées et à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de

l'arrêté du 26 mars 1987, la société Alsacienne de publications "L'Alsac...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite, d'une part, des décisions de la Cour de cassation ayant dit que l'abattement de 20 % prévu par l'arrêté du 26 mars 1987 au bénéfice des journalistes professionnels devait continuer à s'appliquer au calcul des cotisations dues au titre des accidents du travail, d'autre part, de l'instruction ministérielle étendant cette interprétation des textes à toutes les cotisations déplafonnées et à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'arrêté du 26 mars 1987, la société Alsacienne de publications "L'Alsace" (la société) a demandé à l'URSSAF de Belfort-Montbéliard le remboursement d'une somme correspondant à l'application de cet abattement sur ses cotisations versées de 1991 à 2000 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en répétition de l'indu, alors, selon le moyen :

1°/ que la prescription ne court pas contre celui qui était dans l'ignorance légitime de son droit ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt que l'URSSAF en diffusant auprès des cotisants l'interprétation erronée retenue par la circulaire de la CNAMTS des dispositions de la loi du 23 janvier 1990, selon laquelle ce texte avait eu pour effet d'abroger l'abattement de 20 % sur l'assiette des cotisations dont bénéficiaient les employeurs pour l'emploi de journalistes professionnels, avait manqué à son obligation d'information et induit la société en erreur à ce sujet ; qu'en se bornant, pour dire que la société n'était pas dans l'impossibilité d'agir avant que l'administration ne tire les conséquences des décisions de la Cour de cassation ayant démenti l'interprétation retenue par l'URSSAF, à relever que les dispositions de l'arrêté du 26 mars 1987 étaient parfaitement connues de la société pour avoir été appliquées sans difficulté par cette dernière avant diffusion de la circulaire CNAMTS précitée, que compte tenu de l'absence d'effet normatif de cette dernière, rien n'empêchait la société de contester l'application faite de la loi du 23 janvier 1990 à son égard, sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si la société n'était pas dans l'ignorance légitime de l'inexactitude de l'interprétation diffusée par l'URSSAF et donc de l'existence de sa créance d'indu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 243-6 du code de la sécurité sociale et 2251 du code civil ;

2°/ que lorsque des cotisations de sécurité sociale ont été indûment réglées sur la base d'une doctrine de l'URSSAF incompatible avec les textes applicables, la prescription de l'action en répétition de l'indu ne peut courir que du jour où l'URSSAF admet cette incompatibilité, l'existence de l'indu n'étant pas acquise précédemment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la CNAMTS et les URSSAF avaient considéré que l'abattement de 20 % sur l'assiette des cotisations dont bénéficiaient les employeurs pour l'emploi de journalistes professionnels aurait été supprimé, et que ce n'était que par note de l'ACOSS du 15 avril 2003, relayant une lettre du ministre des affaires sociales du 30 octobre 2002, que cette doctrine avait été modifiée pour tirer les conséquences des décisions de la Cour de cassation l'ayant déclarée incompatible avec les textes applicables ; qu'il en résultait que la prescription de l'action en répétition de l'indu n'avait pu courir qu'à compter du 15 avril 2003 ; qu'en déclarant prescrite l'action en répétition de l'indu engagée par la société le 1er avril 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que l'arrêt retient que rien n'empêchait la société de contester l'application faite de ce texte à son égard par l'URSSAF devant les juridictions compétentes dans le délai de la loi, à compter du paiement des premières cotisations calculées selon le régime général et que c'était bien à l'initiative d'organismes de presse qui avaient maintenu l'abattement de 20 % et fait opposition aux contraintes qui leur avaient été délivrées que la Cour de cassation avait pu se prononcer par les arrêts des 14 mai 1998, 11 avril 2002 et 17 octobre 2002 pour trancher le point de droit qui lui était soumis concernant les cotisations accident du travail en la défaveur des organismes de recouvrement ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que la société, ayant la possibilité d'exercer une action, comme l'ont fait d'autres organismes de presse, n'était pas empêchée d'agir, et que la demande de remboursement formalisée le 1er avril 2004 pour les cotisations acquittées antérieurement au 1er janvier 2002 était prescrite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour dire que l'URSSAF a commis une faute ayant causé un dommage à la société, l'arrêt retient que l'union de recouvrement, qui est tenue d'une obligation générale d'information à l'égard des cotisants et des assurés compte tenu de l'importance et de la complexité de la réglementation de sécurité sociale, et qui avait fait une interprétation erronée des dispositions de la loi du 23 janvier 1990 en considérant que ce texte avait eu pour effet d'abroger les dispositions particulières de l'arrêté du 26 mars 1987, avait assuré auprès des cotisants concernés une large diffusion de la circulaire de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés du 8 janvier 1991, ce qui était de nature à conforter en apparence sa position et induire en erreur les cotisants mal informés ; que cette interprétation inexacte des textes ayant été sanctionnée par la Cour de cassation, et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité ayant tiré les conséquences de cette jurisprudence, l'URSSAF avait manifestement commis une faute dans l'exercice de son devoir d'information ayant généré pour la société un préjudice direct en lui imposant d'acquitter des cotisations qu'elle n'aurait pas dû régler ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la Cour de cassation en faveur de celle défendue par les débiteurs des cotisations n'est pas constitutive d'une faute à la charge des organismes de recouvrement susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard des cotisants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'URSSAF de Belfort-Montbéliard avait commis une faute et l'a condamnée à réparer le dommage causé à la société Alsacienne de publications "L'Alsace", l'arrêt rendu le 9 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DEBOUTE la société Alsacienne de publications "L'Alsace" de ses demandes ;

Condamne la société Alsacienne de publications "L'Alsace" aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes respectives de l'URSSAF de Belfort-Montbéliard et de la société Alsacienne de publications "L'Alsace" ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 06-17889
Date de la décision : 20/12/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE - Caisse - Responsabilité civile - Recouvrement des cotisations - Organismes de recouvrement - Union de recouvrement - Faute - Définition - Exclusion - Cas - Divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la Cour de cassation en faveur de celle défendue par le cotisant

SECURITE SOCIALE - Caisse - Responsabilité civile - Faute - Obligation d'information - Etendue - Détermination - Portée RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Sécurité sociale - Caisse - Recouvrement des cotisations - Organismes de recouvrement - Union de recouvrement - Faute - Définition

Viole l'article 1382 du code civil une cour d'appel qui retient qu'une union de recouvrement avait manifestement commis dans l'exercice de son devoir d'information une faute ayant généré pour un cotisant un préjudice direct en lui imposant d'acquitter des cotisations qu'il n'aurait pas dû régler, alors que la divergence d'interprétation d'un texte tranchée ultérieurement par la Cour de cassation en faveur de celle défendue par ce cotisant n'est pas constitutive, à la charge des organismes de recouvrement, d'une faute susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard de celui-ci


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 09 juin 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 déc. 2007, pourvoi n°06-17889, Bull. civ. 2007, II, N° 277
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, II, N° 277

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : M. Maynial (premier avocat général)
Rapporteur ?: M. Héderer
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.17889
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award