LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
-X... Pierre,
-B... Anthony,
-C... François,
-A... Jacky,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 3 juillet 2007, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de violation du secret professionnel et recel, a rejeté leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 novembre 2007 où étaient présents : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MÉNOTTI, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 13 septembre 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête de Pierre X..., Anthony B..., François C... et Jacky A... tendant à l'annulation des mesures de perquisition et saisie effectuées le 5 juillet 2006 et de tous les actes subséquents, dont leurs mises en examen ;
" aux motifs que la perquisition dont l'annulation est sollicitée a été pratiquée dans les locaux du Midi libre par le juge d'instruction aux fins de déterminer les conditions et circonstances dans lesquelles les journalistes avaient pu obtenir les informations à l'origine de leurs articles sur le rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon ; que les textes applicables en la matière sont, d'une part, l'article 56-2 du code de procédure pénale, et, d'autre part, l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme visant la liberté d'expression ; que si l'article 10, alinéa 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme prévoit, notamment, la protection des sources journalistiques, l'alinéa 2 de ce texte prévoit que l'exercice de la liberté d'expression peut être soumis à des formalités, des conditions, des restrictions ou sanctions prévues par la loi, notamment, pour la protection de la réputation ou des droits d'autrui ou pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ; que l'article 109, alinéa 2, du code de procédure pénale permet au journaliste de ne pas révéler l'origine des informations qu'il a recueillies dans l'exercice de son activité ; que toutefois, ce texte ne saurait entraver la recherche et la manifestation de la vérité en matière pénale et que cette recherche peut être accomplie par des perquisitions ou saisies dans les locaux d'entreprises de presse, conformément aux dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale ; qu'il relève de la seule conscience du juge d'instruction de déterminer si, au vu des pièces qu'il possède déjà, il doit, ou non, procéder dans le respect des règles, à la perquisition envisagée et qu'il n'est pas procéduralement nécessaire qu'il ait effectué antérieurement tous les actes possibles, certains pouvant d'ailleurs se révéler plus attentatoires aux libertés, telles les interceptions de conversations téléphoniques ; que le juge d'instruction a respecté les dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale, que la perquisition dans les locaux du Midi libre a été limitée dans le temps et les investigations faites n'ont pas porté atteinte à la profession de journaliste et n'ont pas entraîné d'obstacle ou de retard dans la diffusion de l'information ; que sur ce point, doit être écarté l'argument selon lequel la saisie d'un carnet de notes d'Anthony B... aurait entravé ou retardé la diffusion d'informations, puisqu'il est constant que le quotidien Midi libre a continué à paraître et qu'il apparaît qu'Anthony B... ne semblait pas avoir un besoin indispensable de ce carnet, puisqu'il n'en a même pas sollicité la restitution ; qu'au moment où il a prononcé les mises en examen de François C..., de Jacky A..., d'Anthony B... et de Pierre X..., le juge d'instruction, au vu des pièces de la procédure qu'il possédait, pouvait légitimement considérer qu'il existait à l'encontre de ces personnes des indices graves ou concordants de leur participation aux faits de violation du secret professionnel dont il était saisi ; qu'ainsi, il était établi que le Midi libre avait révélé la teneur du rapport d'observations provisoires et les personnes en cause avaient signé les articles dont il résultait qu'ils avaient eu connaissance de ce document confidentiel ; qu'en conséquence, la requête doit être rejetée (arrêt attaqué, pages 5 et 6) ;
" 1°) alors que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique ; que la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ; que des mesures de perquisition et de saisie menées dans les locaux d'un journal dans le but de découvrir la source de ses informations, qui s'analysent dans une ingérence dans les droits garantis par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont dès lors compatibles avec ces dispositions conventionnelles qu'à la condition qu'elles soient prévues par la loi, qu'elles poursuivent l'un des buts légitimes visés par ces dispositions et qu'elles soient strictement nécessaires-donc proportionnées-à la poursuite de ces buts dans une société démocratique ; qu'en faisant totalement abstraction de ces exigences pour affirmer qu'il relèverait de " la seule conscience " du juge d'instruction de déterminer " au vu des pièces qu'il possède déjà " s'il doit procéder à de telles mesures, la chambre de l'instruction a méconnu le texte et les principes susvisés ;
" 2°) alors que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique ; que la protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ; que des mesures de perquisition et de saisie menées dans les locaux d'un journal dans le but de découvrir la source de ses informations, qui s'analysent dans une ingérence dans les droits garantis par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont dès lors compatibles avec ces dispositions conventionnelles qu'à la condition qu'elles soient prévues par la loi, qu'elles poursuivent l'un des buts légitimes visés par ces dispositions et qu'elles soient strictement nécessaires-donc proportionnées-à la poursuite de ces buts dans une société démocratique ; qu'en se bornant à relever abstraitement, dans les termes de la loi, que le juge d'instruction a respecté les dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale, que la perquisition dans les locaux du Midi libre a été limitée dans le temps et les investigations faites n'ont pas porté atteinte à la profession de journaliste et n'ont pas entraîné d'obstacle ou de retard dans la diffusion de l'information et en s'abstenant de vérifier, concrètement, dans les circonstances particulières de l'espèce, si les mesures de perquisition et saisie effectuées pouvaient être regardées comme strictement nécessaires et proportionnées dans une société démocratique à la poursuite de l'un des buts légitimes visés par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment au regard de l'impératif prépondérant d'intérêt public que constitue l'information du public concernant des questions d'intérêt public, telle la gestion de fonds publics par une région, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte et des principes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Jacques D..., ancien président de la région Languedoc-Roussillon, a porté plainte et s'est constitué partie civile des chefs de violation du secret professionnel et recel, en raison de la publication, dans le journal " Le Midi libre " des 25 et 26 octobre 2005, d'articles signés par quatre journalistes, Pierre X..., Anthony B..., François C... et Jacky A..., contenant de larges extraits du rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon, mettant en cause la gestion de ladite région pendant une période durant laquelle le plaignant en avait assuré la présidence ; qu'au cours de l'information, une perquisition a été effectuée, le 5 juillet 2006, au siège de l'organe de presse, dans les locaux duquel ont été saisis divers documents et a été réalisée la copie du contenu du disque dur des ordinateurs des journalistes ;
Attendu que, pour refuser de prononcer l'annulation de ces actes d'instruction, l'arrêt, après avoir relevé que l'audition des magistrats et du personnel de la chambre régionale des comptes n'avait permis de recueillir aucune charge contre ceux-ci, que les recherches sur commission rogatoire n'avaient pu aboutir à l'identification de l'auteur de l'envoi ou de la remise du rapport provisoire aux journalistes, et que ces derniers avaient excipé du secret des sources, énonce que le juge d'instruction a respecté les dispositions de l'article 56-2 du code de procédure pénale, que la perquisition a été limitée dans le temps, que les investigations faites n'ont pas porté atteinte à la profession de journaliste et n'ont pas entraîné d'obstacle ou de retard dans la diffusion de l'information ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, desquels il résulte que l'ingérence était nécessaire et proportionnée au but légitime visé, et abstraction faite du motif selon lequel il relève de la seule conscience du juge d'instruction de déterminer, en cette matière, s'il doit ou non procéder à la perquisition envisagée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard des exigences de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'en effet, les mesures critiquées, qui ont pour fondement des dispositions légales accessibles et prévisibles, ont été mises en oeuvre aux fins d'identifier les auteurs de la divulgation d'un rapport de la chambre régionale des comptes devant légalement demeurer secret, et constituent des mesures justifiées tant par les impératifs d'intérêt public de protection des droits d'autrui, au nombre desquels figure la présomption d'innocence, que par la préservation d'informations confidentielles ainsi que par la nécessité de se prémunir contre des agissements de nature à entraver la manifestation de la vérité ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre décembre deux mille sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;