AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BEAUVAIS, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI ET THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Y... Mohamed, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 1ere section, en date du 3 juillet 2006 qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction refusant d'informer sur sa plainte des chefs de destruction de preuves, recel de cadavre, non-respect des dispositions réglementaires relatives aux soins de conservation des dépouilles mortelles ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 1, du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de violation des articles 434-7 du code pénal, 2, 3, 7, 8, 575 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué pour confirmer le refus d'informer du chef de recel de cadavre, après avoir déclaré juridiquement inapplicable une telle qualification, a tout à la fois retenu l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Mohamed X... Y... et la prescription de l'action publique aux motifs que pour justifier de la recevabilité de son action sur le fondement du délit de recel de cadavre, la partie civile a soutenu qu'elle serait investie de la qualité pour agir et titulaire d'un intérêt légitime pour le faire en ce que le préjudice subi résulterait de l'embaumement du cadavre de Diana Z... susceptible de dissimuler un état de grossesse ; que ce préjudice serait qualifié de direct et de personnel dans la mesure où l'état de grossesse supposé le prédestinait à être grand-père d'un enfant issu de la liaison de son fils Emad X... Y... et de Diana Z... ; que, sur ce point, l'argumentation développée par la partie civile relève de la pure spéculation, puisque l'état de grossesse de Diana Z... à son décès n'a pas été établi et
que, par ailleurs, à supposer qu'il ait été constaté, la question de la filiation n'était nullement résolue dans le sens des prétentions de Mohamed X... Y... qui, au demeurant, ne pouvait se prévaloir d'aucun lien de parenté ou d'alliance avec la défunte princesse de A... ; que de même, la partie civile a prétendu que la prescription du délit de recel de cadavre ne serait pas acquise, l'embaumement ayant un caractère irréversible ; que ce raisonnement spécieux revient à confondre l'existence dissimulée d'un cadavre avec son mode de conservation dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il ait été pratiqué en France en fraude ou contrairement aux dispositions réglementaires ; que cet embaumement, à supposer qu'il puisse être qualifié de dissimulation frauduleuse, a été porté à la connaissance de la partie civile par des
correspondances d'experts courant 1998 ou 1999 ; qu'ainsi au moment du dépôt de sa plainte qui a initié la présente information, cette prétendue dissimulation avait cessé depuis plus de trois ans ;
"alors que, d'une part, l'élément matériel du délit de recel de cadavre se trouvant constitué, quelque soit le procédé utilisé, du seul fait d'avoir volontairement fait disparaître en tout ou partie un cadavre pour rendre impossible ou même simplement plus difficile la détermination des causes du décès, il s'ensuit que l'embaumement pratiqué à cette fin dans des conditions de surcroît irrégulières est susceptible de relever de l'incrimination posée par l'article 434-7 du code pénal ; qu'en décidant du contraire, la chambre de l'instruction qui s'est par ailleurs contredite en déclarant tout à la fois qu'il n'y avait lieu d'informer, et que par ailleurs les irrégularités dénoncées par la partie civile dans les conditions ayant précédé l'embaumement de la dépouille de Diana Z... n'étaient pas établies, a, par cette application erronée du texte précité privé sa décision de toute base légale ;
"que, d'autre part, le délit de recel de cadavre comme celui de destruction de preuve, en ce qu'il tend à faire obstacle à la manifestation de la vérité cause préjudice à tous ceux qui ont intérêt à l'établissement de cette vérité de sorte que, dans l'hypothèse d'un accident ayant entraîné plusieurs morts, la dissimulation totale ou partielle d'un corps dont l'analyse par nature est susceptible d'apporter des informations sur les causes de l'accident, peut porter préjudice à tous les proches des diverses victimes soucieux de connaître la vérité ; que dès lors, la chambre de l'instruction qui pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Mohamed X... Y... dont le fils avait trouvé la mort dans l'accident ayant coûté la vie à Diana Z..., a retenu l'absence de lien de parenté l'unissant à cette dernière comme à l'enfant dont elle aurait pu être enceinte, a, là encore, privé sa décision de toute base légale ;
"qu'enfin, le délit de recel de cadavre ne se prescrit qu'à compter du jour où la dissimulation, qu'elle soit totale ou partielle, a cessé de sorte que la circonstance qu'en l'espèce la partie civile ait eu connaissance de l'embaumement du corps de Diana Z... en 1998 ou 1999, embaumement ayant irrémédiablement altéré partie de sa dépouille, ne pouvait, contrairement à ce qu'a jugé la chambre de l'instruction, marquer le point de départ du délai de prescription ni permettre de considérer qu'en conséquence celle-ci était acquise au jour où Mohamed X... Y... a déposé la présente plainte avec constitution de partie civile" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de violation des articles 434-4 du code pénal, 7, 8, 203, 575 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du chef de destruction de preuves ;
"aux motifs que, s'agissant de ce délit prévu et réprimé par les dispositions de l'article 434-4-2 du code pénal, la partie civile a contesté l'extinction de l'action publique par voie de prescription en invoquant la connexité de ce délit avec les infractions poursuivies dans le cadre des deux informations ouvertes, d'une part, le 2 septembre 1997 des chefs d'homicide involontaire, de blessures involontaires et de non-assistance à personne en danger, d'autre part, le 21 novembre 1997 des chefs d'atteinte à l'intimité de la vie privée et de tentative dudit délit ; qu'il convient de rappeler que la première de ces informations a été clôturée aux termes d'un arrêt rendu le 3 avril 2002 par la chambre criminelle de la Cour de cassation ; que la deuxième information a abouti le 19 novembre 2002 au renvoi devant le tribunal correctionnel de trois représentants des médias qui ont été relaxés le 28 novembre 2003, jugement confirmé en appel le 14 septembre 2004 ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la 11e chambre (section A) de la cour d'appel de Paris a été cassé par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 12 avril 2005 portant sur les seules dispositions civiles ; que statuant sur le renvoi de cassation, la 11e chambre (section B) de la cour d'appel de Paris a retenu la faute des photographes de la presse qui avaient pris des clichés de victimes lors de l'accident du pont de l'Alma ; que pour étayer le moyen articulé sur ce point dans son mémoire, la partie civile a indiqué que la connexité entre les faits qualifiés dans ces deux procédures d'information trouvait son fondement à la fois dans le caractère relatif de l'autorité de la chose jugée dont est revêtu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 3 avril 2002 statuant sur pourvoi formé contre l'arrêt de non-lieu de la chambre de l'instruction de Paris en date du 31 octobre 2000 et sur l'appréciation formulée le 28 avril 2003 par la 1ere chambre civile de la cour d'appel de Paris qui, dans son arrêt condamnant l'Etat français en raison de fautes lourdes ou de déni de justice commis à l'occasion de la plainte pour atteinte à la vie privée, a adopté la thèse de Mohamed X... Y... selon laquelle "pour apprécier la responsabilité pénale dans la première information, il était nécessaire d'examiner la réalité des faits, objet de la seconde,
dont l'éventuelle qualification pénale pouvait ne pas être indifférente à la première" ; que se référant à cet arrêt de la 1ere chambre civile de la cour d'appel qui a admis la connexité des faits propres à chacune des informations ouvertes successivement le 2 septembre 1997 et le 21 novembre 1997, la partie civile a invoqué la connexité entre le délit de destruction de preuves et les faits qualifiés d'homicide involontaire visés dans la première information précitée, puis la connexité entre le délit de destruction de preuves et les faits qualifiés d'atteinte à l'intimité de la vie privée ; que s'il est concevable de retenir la connexité entre le délit de destruction de preuves et le délit d'homicide involontaire dans la mesure où l'interdépendance entre ces différentes infractions peut être admise, il ne peut être argué de liens sérieux entre cette infraction et celle d'atteinte à la vie privée ; qu'il ne saurait être inféré de l'arrêt précité de la chambre civile de la cour d'appel que, par enchaînement, la connexité susceptible d'être admise entre les délits d'homicide involontaire et d'atteinte à la vie privée, connexité sur laquelle aucune juridiction pénale ne s'est prononcée, induirait une connexité entre le délit de destruction de preuves et l'infraction d'atteinte à la vie privée ; qu'en l'espèce, l'objet détruit ou altéré correspondait au cadavre de Diana Z..., ce qui permet de s'interroger sur la notion "d'objet" applicable à une personne défunte ; que la destruction ou l'altération dont s'agit résultait de l'embaumement de la dépouille mortelle de la princesse de A... ;
que force est de constater que ni la nature ou la finalité des délits concernés ni l'identité des personnes susceptibles d'être retenues en qualité d'auteur, coauteur ou complice ne caractérise le lien de connexité qu'exige l'application de l'article 203 du code de procédure pénale ; qu'il en résulte que, nonobstant l'absence de prescription du délit d'atteinte à la vie privée, l'extinction de l'action publique de l'infraction de l'article 434-4-2 du code pénal était acquise à la date du dépôt de plainte déposée de ce chef par la partie civile ;
"alors que, d'une part, lorsqu'une infraction se trouve connexe à plusieurs autres infractions distinctes dépourvues entre elles de lien de connexité direct, tout acte de poursuites ou d'instruction concernant indifféremment l'une de ces infractions a nécessairement pour effet d'interrompre la prescription de l'action publique concernant la totalité des infractions en cause sans qu'il soit nécessaire qu'il existe un lien de connexité entre chacune des infractions et toutes les autres ; que dès lors, les actes de poursuites et d'instruction accomplis dans le cadre de la procédure diligentée pour délit d'atteinte à la vie privée, ont eu nécessairement pour effet d'interrompre la prescription des poursuites du chef de destruction de preuves affectant la recherche des causes exactes du décès de Diana Z... ; d'où il suit que la chambre de l'instruction à laquelle, au demeurant, il appartenait de se prononcer sur l'existence d'un lien de connexité entre les délits d'homicide involontaire et d'atteinte à la vie privée, en retenant la prescription de l'action publique concernant l'infraction de destruction de preuves au motif erroné de l'absence de lien de connexité possible entre cette infraction et celle d'atteinte à la vie privée, a, par fausse application des dispositions de l'article 203 du code de procédure pénale, privé sa décision de toute base légale ;
" alors que, d'autre part, l'autorité de chose jugée des décisions de non-lieu devenues définitives, n'étant en tout état de cause que provisoire, la réouverture de l'information pouvant être, en effet, ordonnée en cas de survenance de charges nouvelles tant que le délai de prescription courant à côté de cette décision de non-lieu n'est pas achevé, il s'ensuit que l'existence d'une telle décision ne saurait faire obstacle à ce que les actes de poursuites et d'instruction accomplis, même postérieurement, dans le cadre de poursuites visant des faits connexes à ceux pour lesquels un non-lieu a été prononcé revêtent un effet interruptif de prescription tant pour l'infraction objet du non-lieu en cas de reprise de l'information sur charges nouvelles, que pour toutes les infractions présentant un caractère de connexité avec celles-ci, qu'elles aient été découvertes postérieurement ou antérieurement ; qu'il s'ensuit, en l'espèce, que la décision de non-lieu confirmée par arrêt de la chambre criminelle, du 3 avril 2002, concernant les faits d'homicide involontaire, ne saurait faire obstacle à ce que l'ensemble des actes de poursuites et d'instruction accomplis, même postérieurement au 3 avril 2002, dans le cadre des poursuites pour atteinte à la vie privée aient interrompu la prescription des poursuites présentement intentées du chef de destruction d'éléments de preuve ;
"qu'enfin, en tout état de cause, constitue bien le délit de destruction d'éléments de preuve, tel qu'incriminé par l'article 434-4-2 du code pénal, la destruction ou l'altération de la dépouille mortelle d'une personne, son corps et ses différents composants pouvant en effet constituer autant d'éléments de preuve des causes de son décès et, par voie de conséquence, d'une infraction pénale lorsque ce décès a été provoqué par autrui ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a considéré la chambre de l'instruction, l'embaumement d'un cadavre, lorsqu'il a été irrégulièrement effectué en vue de faire entrave à la manifestement de la vérité, est susceptible de constituer le délit susvisé" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction portant refus d'informer sur les faits dénoncés par la partie civile, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble de ces faits, a retenu, à bon droit, qu'ils ne pouvaient légalement comporter une poursuite ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;