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14/06/2007 | FRANCE | N°05-21166

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 juin 2007, 05-21166


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 mai 2005), que, le 29 novembre 1991 par l'intermédiaire de la société de courtage Cofia, M. et Mme X..., résidant en France, ont signé une offre de prêt au logement présentée par la Commerz Credit Bank, devenue la Commerzbank, de Saarbrucken (la banque) et ont souscrit une assurance-vie conclue avec la société Deutscher Lloyd, aux droits de laquelle est venue la société Generali Lloyd (l'assureur) ; que M. et Mme X..., après avoir cessé les remboursements en 1994, ont assigné devant un tribunal de grande instance la banque, l'assureur

et la société Cofia en vue de voir prononcer la déchéance du dr...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 mai 2005), que, le 29 novembre 1991 par l'intermédiaire de la société de courtage Cofia, M. et Mme X..., résidant en France, ont signé une offre de prêt au logement présentée par la Commerz Credit Bank, devenue la Commerzbank, de Saarbrucken (la banque) et ont souscrit une assurance-vie conclue avec la société Deutscher Lloyd, aux droits de laquelle est venue la société Generali Lloyd (l'assureur) ; que M. et Mme X..., après avoir cessé les remboursements en 1994, ont assigné devant un tribunal de grande instance la banque, l'assureur et la société Cofia en vue de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts, subsidiairement la nullité du contrat de prêt et du contrat d'assurance, et ont mis en cause la responsabilité des trois intervenants à l'opération pour manquement à leur obligation d'information et de conseil ;

Sur les deux premiers moyens réunis :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité du contrat d'assurance-vie pour violation de l'article 18 de la loi du 31 décembre 1989, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 18 de la loi du 31 décembre 1989 (article L. 310-10 du code des assurances dans sa version applicable à l'espèce) ne s'applique qu'aux contrats d'assurance couvrant un risque localisé sur le territoire de la République française, de sorte qu'en prononçant la nullité du contrat litigieux :

- sans vérifier préalablement que le risque garanti était situé en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 18 de la loi du 31 décembre 1989,

- après avoir constaté que le contrat en cause couvrait un risque situé hors de France, la cour d'appel a violé l'article 18 de la loi du 31 décembre 1989 ;

2°/ que l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 décembre 1986 ne concerne que les contrats d'assurance couvrant un risque situé dans l'Etat membre du souscripteur, de sorte que sont exclus du champ d'application de cette jurisprudence les problèmes particuliers posés lorsque le risque est situé sur le territoire d'un autre Etat que celui du souscripteur ; qu'ainsi, en faisant application en l'espèce de la solution dégagée par la Cour de justice le 4 décembre 1986 :

- sans vérifier si le risque couvert était situé dans l'Etat membre du preneur d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 59 du Traité CE et de la jurisprudence qui s'y rapporte,

- après avoir constaté que le contrat souscrit garantissait un risque situé dans un autre Etat membre que celui du preneur la cour d'appel a violé l'article 59 du Traité CE et la jurisprudence qui s'y rapporte ;

Mais attendu que constitue un contrat d'assurance-vie, le contrat dont les effets dépendent de la vie humaine ; que le risque, qui est l'événement aléatoire garanti par le contrat, ne peut reposer que sur la tête d'une personne physique ;

Et attendu que l'arrêt retient que M. et Mme X..., qui résident en France, ont souscrit auprès d'un assureur allemand, un contrat d'assurance-vie ; que l'article L. 351-1 du code des assurances définit comme étant une opération réalisée en libre prestation de services, celle par laquelle une entreprise d'assurance d'un Etat membre des Communautés européennes couvre à partir de son siège social ou d'un établissement situé dans un Etat membre un risque situé sur le territoire d'un autre de ces Etats ;

Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le risque étant localisé en France où les assurés avaient leur domicile, l'article L. 310-10 du code des assurances applicable à la date de conclusion du contrat le 29 novembre 1991 selon lequel il est interdit de souscrire une assurance directe d'un risque concernant une personne, un bien ou une responsabilité situé sur le territoire de la République française auprès d'une entreprise étrangère qui ne s'est pas conformée aux prescriptions des articles L. 321-1 et L. 321-2 devait s'appliquer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait alors, selon le moyen, que ce n'est que par exception au principe de la liberté de prestation des services qu'une exigence d'agrément peut être admise, et à condition que l'agrément s'impose à toute personne ou société exerçant une telle activité sur le territoire de l'Etat membre destinataire, qu'il soit justifié par des raisons liées à l'intérêt général et qu'il soit objectivement nécessaire pour assurer le respect des règles applicables dans le secteur considéré pour protéger les intérêts que ces règles ont pour but de sauvegarder et à condition que le même résultat ne puisse être obtenu par des règles moins contraignantes, que le respect de ces conditions doit s'apprécier au cas par cas, de sorte :

- qu'en se contentant de rappeler les termes de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 4 décembre 1986, pour estimer que l'exigence d'agrément constituait une restriction admissible au principe de la libre prestation de services, sans vérifier concrètement que chacune des conditions d'une telle limitation de la liberté garantie par l'article 59 du Traité était réunie en l'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 59 du Traité et de la jurisprudence qui s'y rapporte ;

- qu'il faisait valoir dans ses conclusions que le régime d'agrément allemand était aussi protecteur que le régime français et prévoyait un contrôle équivalent au contrôle effectué par les autorités françaises ; qu'en ne répondant pas à ce chef précis des conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient que selon l'article L. 310-10 du code des assurances applicable à la date de conclusion du contrat le 29 novembre 1991, il est interdit de souscrire une assurance directe d'un risque concernant une personne, un bien ou une responsabilité situé sur le territoire de la République française auprès d'une entreprise étrangère qui ne s'est pas conformée aux prescriptions des articles L. 321-1 et L. 321-2 du même code ; qu'en vertu de la loi du 31 décembre 1989 portant adaptation du code des assurances à l'ouverture du marché européen, l'assureur devait obligatoirement disposer d'un agrément en France, ce dont il ne justifiait pas ; que selon les points 4 et 5 de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 décembre 1986 (Commission des Communautés contre République fédérale d'Allemagne affaire 205/84) l'exigence d'un agrément par un Etat membre est licite sous certaines conditions ; qu'il en résulte que l'exigence d'un agrément, reconnu par la directive 79/267 "assurance-vie", constituait une restriction admissible au principe de la libre prestation de services édicté par le Traité CE et qu'en conséquence, le contrat d'assurance-vie souscrit par les époux X... auprès de l'assureur allemand, dépourvu d'agrément, devait être annulé ;

Que par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions des parties a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Generali Lloyd aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Generali Lloyd ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05-21166
Date de la décision : 14/06/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Contrat d'assurance - Contrat d'assurance sur la vie - Souscription auprès d'un assureur étranger - Nullité - Cas - Agrément en France - Défaut

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre prestation de services - Restrictions - Définition - Exigence d'un agrément - Portée COMMUNAUTE EUROPEENNE - Libre prestation de services - Directive n° 79-267 - Contrat d'assurance sur la vie - Caractère non restrictif de l'agrément administratif - Loi du 31 décembre 1989 - Exigence d'un agrément de l'assureur étranger - Portée

En vertu de la loi du 31 décembre 1989, portant adaptation du code des assurances à l'ouverture du marché européen, l'assureur devait obligatoirement disposer d'un agrément en France. Cette exigence d'un agrément, reconnu par la Directive 79/267 "assurance-vie", constituait une restriction admissible au principe de la libre prestation de services édicté par le Traité CE. Par suite, la décision d'une cour d'appel d'annuler un contrat d'assurance-vie souscrit le 29 novembre 1991, auprès d'un assureur allemand dépourvu d'agrément, est légalement justifiée


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 12 mai 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jui. 2007, pourvoi n°05-21166, Bull. civ. 2007, II, N° 155
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, II, N° 155

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Benmakhlouf
Rapporteur ?: Mme Aldigé
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.21166
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