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24/05/2007 | FRANCE | N°05-21355

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 mai 2007, 05-21355


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'une manoeuvre de marche arrière, le camion-benne de ramassage d'ordures propriété de la société Netra Onyx a heurté et blessé M.X... qui, comme le conducteur, M.Y..., avaient été mis à disposition de cette société par la société Adecco travail temporaire (la société Adecco) ; que M.X... a assigné en réparation la société Adecco, la société Netra Onyx et M.Y..., en présence de la caisse primaire d'assurance maladie (la caisse) ; que la société Axa Corporate solutions, assureur du véhicule, et Mme Z..., épouse X..., sont

intervenus volontairement en la cause ;

Sur le premier moyen :

Attendu q...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'une manoeuvre de marche arrière, le camion-benne de ramassage d'ordures propriété de la société Netra Onyx a heurté et blessé M.X... qui, comme le conducteur, M.Y..., avaient été mis à disposition de cette société par la société Adecco travail temporaire (la société Adecco) ; que M.X... a assigné en réparation la société Adecco, la société Netra Onyx et M.Y..., en présence de la caisse primaire d'assurance maladie (la caisse) ; que la société Axa Corporate solutions, assureur du véhicule, et Mme Z..., épouse X..., sont intervenus volontairement en la cause ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Adecco fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle était seule tenue envers M.X... de réparer le préjudice consécutif à l'accident du 25 août 1998, d'avoir déclaré irrecevable sa demande en restitution de provisions et de l'avoir condamnée à indemniser le dommage corporel de M.X... déduction faite de la créance de la caisse, alors, selon le moyen :

1° / que l'action prévue par l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale, qui déroge aux règles normales d'indemnisation des accidents du travail, tend à permettre au salarié victime d'un accident du travail constituant en même temps un accident de la circulation d'obtenir la réparation de son entier préjudice, en agissant sur le fondement du droit commun contre le responsable effectif de l'accident même si ce dernier n'est pas un tiers à l'entreprise, mais l'employeur lui-même, un préposé ou une personne appartenant à l'entreprise ; qu'au cas où l'accident implique, comme victime et comme auteur, des salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, il s'évince de l'esprit, de l'objet et du but de ce dispositif dérogatoire à la législation sur les accidents du travail, et en particulier de la condition légale tenant à ce que le véhicule impliqué ait été effectivement conduit par l'employeur, un préposé ou une personne de la même entreprise que la victime, que c'est l'entreprise utilisatrice, au sein de laquelle évoluent concrètement les salariés mis à disposition, et qui est par ailleurs propriétaire et gardienne du véhicule impliqué utilisé pour les besoins de son activité, qui doit être considérée comme employeur au sens du texte précité ; qu'en l'espèce, en retenant la responsabilité exclusive de la société Adecco, au seul motif, erroné, qu'elle conservait sa qualité juridique d'employeur au regard de la législation sur l'indemnisation des accidents du travail, quand le dispositif légal applicable a précisément pour objet de déroger à cette législation, la cour d'appel a violé les articles L. 454-1 et L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale ;

2° / que la faculté offerte au salarié victime par l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale d'agir sur le fondement du droit commun contre l'auteur de l'accident, ne dispense pas la victime de caractériser les conditions de la responsabilité de l'employeur sur le fondement des règles applicables à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation ; qu'ainsi, l'action ouverte par l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale ne saurait faire par principe de l'entreprise de travail temporaire, quand bien même celle-ci se verrait attribuer la qualité d'employeur de la victime, le garant des conséquences dommageables de l'accident causé par l'utilisation d'un véhicule dont l'entreprise utilisatrice était en réalité la seule responsable ; qu'à ce titre, l'action en cause, qui rend débiteur des conséquences de l'accident le responsable effectif sur le fondement du droit commun, et déroge ainsi aux règles normales d'indemnisation des accidents du travail, ne saurait en rien suivre le régime spécifique de la majoration de la rente en cas de faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice ; qu'en l'espèce, en postulant la responsabilité exclusive de la société Adecco aux motifs inopérants qu'elle était restée l'employeur de M.X..., et qu'elle devait ainsi par principe répondre des conséquences de l'accident impliquant le véhicule de l'entreprise utilisatrice, comme elle aurait dû le faire en cas de faute inexcusable commise par cette entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 412-6 et suivants, L. 452-1 et suivants, L. 454-1 et L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale ;

3° / que la responsabilité de l'employeur ne peut être recherchée sur le fondement de l'article L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale que lorsqu'est impliqué dans l'accident un véhicule qu'il conduisait lui-même, ou qui était conduit par une personne dont il répondait en qualité de commettant ; que sa responsabilité ne peut être effectivement engagée, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 à laquelle renvoie le texte précité, qu'à la condition que soit caractérisée sa qualité de gardien, ou de conducteur, le cas échéant par préposé interposé, du véhicule impliqué ; qu'à ce dernier titre, une entreprise de travail temporaire ne reste responsable du fait du salarié mis à disposition de l'entreprise utilisatrice qu'à la condition qu'elle ait conservé les pouvoirs de donner des ordres et des instructions et de surveiller l'exécution de la mission du préposé ; qu'en cas d'accident causé par un véhicule appartenant à l'entreprise utilisatrice, utilisé pour les besoins de son activité, conduit par un salarié mis à sa disposition et sur lequel elle exerçait les pouvoirs de contrôle et de direction au moment de l'accident, seule cette entreprise utilisatrice peut donc être considérée comme gardienne du véhicule lui appartenant, ainsi que comme commettant du préposé conducteur, et donc comme responsable des conséquences de l'accident ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour retenir la responsabilité exclusive de la société Adecco, à relever que celle-ci avait conservé la qualité d'employeur du salarié victime, sans aucunement caractériser la permanence d'un lien de préposition lui conférant effectivement la qualité de commettant responsable du fait du conducteur, ni sa qualité de gardienne du véhicule impliqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 455-1-1 du code du travail, ensemble l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 ;

4° / que la présomption de garde de la chose pesant sur son propriétaire ne peut être renversée que dans l'hypothèse où le propriétaire transfert volontairement au tiers dont la responsabilité est recherchée un pouvoir indépendant et effectif d'usage, de direction et de contrôle sur la chose impliquée dans l'accident ; que dans le cas où une entreprise utilisatrice, propriétaire du véhicule impliqué, le fait conduire pour les besoins de sa propre activité professionnelle par un salarié mis à sa disposition par une entreprise de travail temporaire, la garde dudit véhicule ne saurait être transférée à l'entreprise de travail temporaire, fût-elle considérée comme le commettant du préposé conducteur, puisque ce véhicule ne lui est pas remis par son propriétaire pour les besoins de son exercice professionnel, et que l'entreprise utilisatrice, fût-ce par le biais d'un salarié mis à sa disposition, est seule à utiliser le véhicule pour les besoins de son activité, sans transmettre à l'entreprise de travail temporaire un pouvoir, indépendant et effectif, d'usage, de contrôle et de direction de la chose ; qu'en l'espèce, en retenant néanmoins la responsabilité de la société Adecco, qui ne pouvait avoir acquis la garde du véhicule impliqué, propriété de l'entreprise Netra Onyx et utilisé par cette dernière pour les besoins de sa propre activité professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 455-1-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2 de la loi du 5 juillet 1985 et l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir justement rappelé les dispositions de l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a retenu à bon droit que la société Adecco, entreprise de travail temporaire, était l'employeur de M.X..., et que, sous réserve de son recours contre la société Netra Onyx, entreprise utilisatrice, elle était seule tenue des conséquences financières de l'accident du travail dont avait été victime ce salarié le 25 août 1998, peu important l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dans la réalisation de l'accident ; qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale et les articles L. 231-3-1 et L. 231-8 du code du travail ;

Attendu, selon le dernier de ces textes, que l'employeur est présumé auteur d'une faute inexcusable quand il n'a pas fait bénéficier de la formation à la sécurité renforcée, les salariés sous contrat à durée déterminée et ceux mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail, alors qu'ils ont été affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité ;

Attendu que pour débouter la société Adecco de son action en remboursement dirigée contre la société Netra Onyx, entreprise utilisatrice, l'arrêt, après avoir constaté le degré d'implication de la société Netra Onyx dans la mise en oeuvre des mesures de sécurité, en particulier lorsqu'il s'agit d'effectuer une marche arrière, relève qu'elle a effectivement rémunéré M.X... dans le cadre d'un plan de formation et énonce qu'il n'y a pas de raison de penser, sur ce constat, que M.Y... n'avait pas reçu cette formation ;

Qu'en se déterminant ainsi par simple analogie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Adecco de son action en remboursement dirigée contre la société Netra Onyx et l'a condamnée à payer à celle-ci une somme en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 05-21355
Date de la décision : 24/05/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Employeur responsable - Définition - Effets - Débiteur exclusif

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Accident - Conséquences financières de l'accident - Définition - Débiteur exclusif - Entreprise de travail temporaire

C'est à bon droit que la cour d'appel, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, retient que l'entreprise de travail temporaire, sous réserve de son recours contre l'entreprise utilisatrice, est seule tenue des conséquences financières de l'accident du travail dont a été victime son salarié mis à disposition de l'entreprise utilisatrice, peu important l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dans la réalisation de l'accident


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 28 septembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 mai. 2007, pourvoi n°05-21355, Bull. civ. 2007, II, N° 134
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2007, II, N° 134

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Benmakhlouf
Rapporteur ?: M. Bizot
Avocat(s) : Me Copper-Royer, Me Odent, SCP Gatineau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:05.21355
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