LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
REJET du pourvoi formé par X... Brahim, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 16 novembre 2006, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'enlèvement et séquestration avec libération volontaire avant le 7e jour commis en bande organisée et vol aggravé, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 22 janvier 2007, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la plainte d'Amar Y... qui relatait avoir été enlevé et séquestré avant d'être libéré puis secouru par un de ses amis Mehena A..., les fonctionnaires de police ont ouvert une enquête préliminaire ; qu'après avoir procédé à l'audition d'Amar Y... et de Mehena A..., ils ont requis des opérateurs de téléphonie mobile de leur communiquer les données relatives aux appels passés et reçus avec les téléphones de ceux-ci le jour des faits ; qu'après exécution de ces réquisitions, les enquêteurs ont à nouveau entendu Mehena A... qui a reconnu avoir pris part à l'enlèvement et a donné des indications qui ont conduit à l'identification de Brahim X... ;
Attendu que ce dernier, mis en examen, a déposé une requête en annulation d'actes de la procédure faisant valoir que les réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonie devaient être annulées, n'ayant pas été autorisées par le procureur de la République comme l'exige l'article 77-1-1 du code de procédure pénale et que les actes qui en découlaient étaient également nuls ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 32-3 du code des postes et des télécommunications,60-1,77-1-1, dans leur rédaction issue de la loi du 18 mars 2003,174,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'annulation des réquisitions adressées à la société SFR avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 et de la procédure subséquente ;
" aux motifs qu'à juste titre le procureur général relève que les réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonie avant la loi imposant l'autorisation préalable du parquet et la réponse apportée, quand bien même cette réponse serait postérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, ne sont pas entachées d'irrégularité, ces dispositions étant dépourvues d'effet rétroactif ; qu'ainsi, ne sont pas entachées d'irrégularité les réquisitions, en date du 2 février 2004 (D 37), et leur résultat (D 54 à D 56) ;
" 1-alors qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, aucune disposition du code de procédure pénale ne permettait à un officier de police judiciaire, agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire, voire en flagrance de former auprès des personnes morales de droit privé, une requête tendant à la mise à disposition d'informations utiles à la manifestation de la vérité et contenues dans un système informatique, lorsque ces informations étaient protégées par un secret prévu par la loi ; que les données relatives aux heures d'émission, destinataires et bornes d'émission de communications émises depuis un téléphone mobile sont couvertes par le secret des télécommunications ; que dès lors, la réquisition adressée à la société SFR le 2 février 2004, par un officier de police judiciaire, devait être annulée ;
" 2-alors que subsidiairement, l'article 77-1-1 et l'article 60-1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable à l'espèce issue de la loi du 18 mars 2003, permettaient de telles réquisitions dans le cadre de l'enquête préliminaire, lorsqu'elles ne concernaient pas des données couvertes par un secret protégé par la loi, à la condition d'avoir été autorisées par le procureur de la République ; qu'à supposer même que les informations requises auprès de la société SFR n'aient pas été couvertes par le secret des correspondances, elles ne pouvaient donc être requises qu'avec l'autorisation du procureur de la République ; que dès lors, faute d'une telle autorisation, elles devaient être annulées " ;
Attendu que, pour refuser d'annuler les réquisitions adressées le 2 février 2004 et les éléments fournis en réponse, l'arrêt énonce que les dispositions de la loi du 9 mars 2004 imposant l'autorisation du procureur de la République n'ont pas d'effet rétroactif et ne peuvent concerner des réquisitions adressées avant l'entrée en vigueur de ce texte ni les réponses apportées, même si elles sont parvenues postérieurement ;
Attendu qu'en cet état et dès lors que ces réquisitions n'étaient régies ni par les dispositions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 18 mars 2003, qui concernent les réquisitions intervenant par voie télématique ou informatique ni par celles du même article dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004 non encore applicables, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme,60-1,77-1-1,174,591 et 593 du code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé les réquisitions adressées à la société SFR sans autorisation du procureur de la République mais a refusé d'annuler la procédure subséquente ;
" aux motifs que l'examen de la procédure démontre en revanche, ainsi que le relève le demandeur, qu'aucune autorisation n'a été obtenue pour l'ensemble des réquisitions formulées après l'entrée en vigueur de la loi ; lesquelles seront en conséquence annulées ainsi que les réponses fournies par les opérateurs et avant le rapport fait par les enquêteurs au parquet le 9 mai 2005 (D 196), le procureur ayant à cette date autorisé les enquêteurs " à approfondir les investigations en délivrant les " réquisitions nécessaires à cet effet ", autorisation qui résulte de la mention du procès-verbal dressé à cette date ; qu'en vain Brahim X... conteste la validité de cette autorisation alors, d'une part, que l'article 77-1-1 du code de procédure pénale n'impose aucune forme particulière pour son octroi et que, d'autre part, il ne résulte d'aucune mention du procès-verbal qu'elle aurait été accordée en raison des premiers résultats irrégulièrement obtenus, le parquet, à la suite des faits graves qui avaient été commis, ayant toute raison de donner des instructions destinées à permettre la recherche de leurs auteurs quelle que soit l'issue des investigations déjà accomplies ; que, dès lors seront annulées les réquisitions et les réponses apportées qui figurent aux cotes D 49, D 54 à D 68, D 85 à D 97, D 100 à D 110, D 120, D 85 à D 94, D 97, D 102 à D 110, D 128 à D 133 et D 136 à D 157, D 166 à D 195, les mentions du procès-verbal D 196 étant cancellées dans les conditions prévues au dispositif seulement en ce qu'elles concernent la relation des investigations irrégulièrement obtenues ; que seront également annulées dans les conditions fixées au dispositif, l'ensemble des références faites à l'occasion des interrogatoires auxdites investigations, notamment celles qui figurent dans le procès-verbal du 28 septembre 2005 coté D 409 ; que pour autant les déclarations de Mehena A... qui y figurent n'ont pas lieu d'être cancellées ainsi que le réclame Brahim X... ; qu'en effet, l'examen de la procédure révèle que le délai écoulé avant de conduire la victime à l'hôpital ainsi que le retard à aviser les services de police à 18 heures 25 alors que la " libération " était intervenue le matin dès 5 heures (D 34) avaient manifestement induit le soupçon, les enquêteurs ayant dès l'origine interrogé Mehena A... sur son véritable rôle dans l'enlèvement et la séquestration d'Amar Y... (D 35) ; que les interrogatoires successifs rendent compte du scepticisme que rencontraient ses allégations relatives à sa parfaite loyauté à l'égard de son associé ; qu'en outre, les services de police ont estimé indispensable de réentendre la victime dont les premières réponses leur apparaissaient incomplètes ainsi qu'il résulte de la question posée, sans aucune référence aux résultats des investigations de téléphonie (D 353) " nous avons la conviction que Mehena A... a joué un rôle important dans cette affaire ", Amar Y... leur ayant alors enfin appris qu'il entretenait lui même des soupçons à cet égard et qu'un différend financier l'opposait à son associé dont certaines fréquentations, (D 354) notamment Brahim X... et un prénommé Hakim, lui paraissaient préoccupantes ; que la nouvelle relation des faits de Mehena A..., l'aveu qu'il avait menti et la mise en cause d'Hatim Z... sont certes intervenus le 28 septembre 2005 après que les enquêteurs lui ont donné connaissance des investigations de téléphonie obtenues le 6 avril 2005 après réquisitions du 24 mars 2005 (D 171) dont les résultats démentaient ses déclarations antérieures ; que cependant, à la différence d'une saisie opérée à l'occasion d'une perquisition ou de l'identification d'une personne jusqu'alors inconnue des services de police à la suite de la détermination de sa ligne téléphonique, l'aveu et le moment où il survient comporte un élément psychologique qui ne relève pas d'une appréciation objective, un suspect confronté aux résultats d'investigations qui infirment ses déclarations antérieures pouvant tout aussi bien apporter d'autres explications rendant plausible une nouvelle version des faits ; que les déclarations de Mehena A... ne sont donc pas nécessairement, en l'espèce, la conséquence inéluctable de l'information donnée par les enquêteurs quant aux résultats des investigations irrégulières et qu'elles peuvent, tout autant, résulter de son désir d'éloigner de lui, quant aux faits les plus graves, les soupçons persistants dont il avait conscience et dont témoignait sa nouvelle audition en mettant en cause les tiers qui selon lui étaient les auteurs ; que, dès lors, les aveux de Mehena A... ne pouvant se voir reconnaître le caractère subséquent que leur prêtent la requête et les mémoires, la mise en cause d'Hafim Z... puis celle de Brahim X... ne sont pas, ainsi qu'il est soutenu, la conséquence des investigations de téléphonie irrégulières ; que les mises en examen qui reposent quant à elles sur les déclarations circonstanciées des susnommés pendant leur garde à vue confortées par les déclarations de la victime ne sont donc pas, elles-mêmes, irrégulières, à défaut d'indices ; que la cour, après examen jusqu'à la côte D 847 estime n'y avoir lieu à annulation d'autres actes ou pièces de la procédure ;
" 1-alors que, sont nuls, par voie de conséquence, les actes d'instruction qui procèdent d'actes dont l'annulation a été prononcée dans la même procédure ; que le procureur ayant délivré, le 9 mai 2005, une autorisation visant " à approfondir les investigations en délivrant les réquisitions nécessaires à cet effet ", il résultait nécessairement de ces termes que cette autorisation découlait des investigations annulées ; qu'en refusant d'en prononcer l'annulation et celle de la procédure subséquente, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
" 2-alors que, la chambre de l'instruction, qui a constaté que la nouvelle relation des faits par Mehena A..., intervenue le 28 septembre 2005 après que les enquêteurs lui ont donné connaissance des investigations de téléphonie le 6 avril 2005 après les réquisitions du 24 mars 2005, constituait un aveu mais ne s'est pas expliquée sur le lien existant entre cet aveu et les indications qui lui ont été données par les officiers de police issues des investigations annulées pour lui démontrer l'incohérence de ses précédentes déclarations, ce dont il résultait que cet aveu était la suite des actes annulés, a violé les textes susvisés ;
" 3-alors qu'en se bornant, pour considérer que les aveux de Mehena A... n'étaient pas la conséquence des investigations annulées, qu'ils n'étaient " donc pas nécessairement, en l'espèce, la conséquence inéluctable de l'information donnée par les enquêteurs quant aux résultats des investigations irrégulières, et pouvaient aussi bien... ", la chambre de l'instruction s'est déterminée par un motif dubitatif qui ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle " ;
Attendu qu'après avoir prononcé l'annulation des réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonie entre le 12 mars 2004 et le 9 mai 2005, l'arrêt, pour refuser de prononcer l'annulation des nouvelles réquisitions, des auditions postérieures de Mehana A... et de la procédure subséquente, retient par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, relevant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, que la mise en cause de Brahim X... ne procède pas d'actes dont l'annulation a été prononcée ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Joly conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Valat conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;