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27/02/2007 | FRANCE | N°04-16700

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 février 2007, 04-16700


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par trois actes sous seing privé des 1er juin 1987, 10 juillet 1987 et 1er février 1988, la mutuelle La Tutélaire du personnel des PTT, aux droits de laquelle se trouve la mutuelle La Tutélaire (la mutuelle), a consenti à la Société picarde intercommunale d'économie mixte (la société) trois prêts dont le remboursement était garanti par la commune de Mers-les-Bains (la commune) ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société par jugement du 12 octobre 1990 puis sa liquidation judiciaire par jugement du 30 novembre 1990, la mutuell

e a déclaré sa créance qui a été admise par le juge-commissaire ...

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par trois actes sous seing privé des 1er juin 1987, 10 juillet 1987 et 1er février 1988, la mutuelle La Tutélaire du personnel des PTT, aux droits de laquelle se trouve la mutuelle La Tutélaire (la mutuelle), a consenti à la Société picarde intercommunale d'économie mixte (la société) trois prêts dont le remboursement était garanti par la commune de Mers-les-Bains (la commune) ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société par jugement du 12 octobre 1990 puis sa liquidation judiciaire par jugement du 30 novembre 1990, la mutuelle a déclaré sa créance qui a été admise par le juge-commissaire à concurrence d'un certain montant suivant ordonnance du 8 octobre 1996 ; qu'après avoir délivré le 5 mai 1999 à la commune une mise en demeure, la mutuelle l'a assignée le 12 juillet 2000 en paiement du solde des prêts ; que le tribunal a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite ; qu'infirmant cette décision, la cour d'appel a rejeté le moyen tiré de la déchéance quadriennale opposé par la commune, dit que les demandes de la mutuelle étaient recevables et condamné la commune, prise en qualité de caution, à payer à la mutuelle chacune des échéances échues avec intérêts au taux contractuel et capitalisation des intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1°/ que sous réserve des déchéances particulières édictées pour des catégories déterminées de créances susceptibles d'être invoquées contre des personnes de droit public, seules les dispositions de la loi du 31 décembre 1968, qui a substitué à la prescription du droit commun une déchéance quadriennale, sont applicables à la prescription des dettes des personnes publiques, à l'exclusion de toutes autres ; qu'en retenant, pour décider que la déchéance quadriennale invoquée par la commune n'était pas acquise, que, dès lors qu'elle équivalait à une demande en justice, la déclaration de créance interrompait la prescription et en suspendait le cours jusqu'à la clôture de la procédure collective et que toute cause qui interrompait la prescription à l'égard du débiteur principal le faisait aussi à l'égard de la caution, faisant ainsi une application cumulative du droit commun et d'une loi qui lui est dérogatoire, la cour d'appel a violé l'ensemble des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, les articles 2244 et 2250 du code civil ainsi que l'article L. 621-43 du code de commerce ;
2°/ que si le texte dérogatoire prévoit que la prescription quadriennale est interrompue notamment par tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance et que, dans ce cas, un nouveau délai de quatre ans court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée, elle subordonne cette interruption au recours juridictionnel mettant en cause une personne publique, même si celle-ci n'est pas partie à l'instance ; que la déclaration de créance du prêteur à la liquidation judiciaire de l'emprunteur ne saurait constituer le recours juridictionnel ainsi visé puisqu'il ne met pas en cause la personne publique dont l'engagement en qualité de caution ne se confond pas avec celui du débiteur principal, tandis que la clôture des opérations de liquidation n'est pas davantage la décision passée en force de chose jugée envisagée par le texte dérogatoire dès lors qu'elle ne concerne en rien la commune recherchée en sa qualité de caution ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ;
3°/ que la prescription ne court pas contre le créancier qui ne peut agir ou contre celui qui peut être légitimement regardé comme ayant ignoré l'existence de sa créance ; qu'en décidant que la déclaration de créance du prêteur à la liquidation judiciaire de l'emprunteur avait empêché la prescription quadriennale de commencer à courir pour les échéances échues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, sans constater que la mutuelle se serait trouvée dans l'impossibilité d'agir contre la caution ou aurait ignoré sa créance, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 dispose que la prescription quadriennale est interrompue par tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, l'arrêt, qui constate que la procédure collective n'est pas clôturée, retient que, fût-elle d'ordre public, la loi précitée, qui institue un régime spécifique de prescription au profit des personnes publiques, ne peut faire échec au caractère interruptif de la prescription à l'égard de la caution de la déclaration de créance effectuée au passif du débiteur principal laquelle équivaut à une demande en justice ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations rendant inopérante la recherche évoquée à la troisième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche, qui est préalable :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner la commune au paiement de différentes sommes et renvoyer les parties à faire le compte des sommes restant dues compte tenu des taux d'intérêts et de leur point de départ, l'arrêt retient que par ordonnance du juge-commissaire du 8 octobre 1996, la créance de la mutuelle a été admise au passif de la société pour les montants de 1 632 694,55 francs, pour le prêt du 1er juin 1987, de 3 391 080,74 francs, pour le prêt du 1er juillet 1987 et de 3 258 309,37 francs pour le prêt du 1er février 1988 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance du juge-commissaire se bornait à admettre la créance de la mutuelle au passif de la société à concurrence de la somme de 10 924 664,34 francs, à titre chirographaire, sans préciser à quels prêts correspondait cette somme, la cour d'appel a dénaturé les termes de cette décision ;
Et sur le même moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 2013 du code civil ;
Attendu qu'après avoir examiné les décomptes produits par la mutuelle et relevé qu'il résultait de l'examen des tableaux d'amortissement annexés à chacun des contrats de prêt que les sommes retenues en principal comprenaient à la fois la totalité du montant du capital restant dû bien que la déchéance du terme ne soit pas opposable à la caution ainsi que des intérêts qui ne tenaient pas compte, dans les rapports du créancier et de la caution, de leur point de départs, particuliers à celle-ci, l'arrêt condamne la commune au paiement de différentes sommes et renvoie les parties à faire le compte des sommes restant dues compte tenu des taux d'intérêts et de leur point de départ, tels que retenus par la cour d'appel ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans vérifier, comme elle y était invitée, si le montant des sommes mises à la charge de la caution excédait ou non le montant de la créance de la mutuelle admis au passif de la société, au titre des prêts garantis par la commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, infirmant le jugement, il a rejeté le moyen tiré de la déchéance quadriennale et qu'il a dit les demandes de la Tutélaire recevables, l'arrêt rendu le 13 avril 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la mutuelle La Tutélaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille sept.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 04-16700
Date de la décision : 27/02/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quadriennale - Créance sur une commune - Acte interruptif - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Déclaration de créance effectuée au passif du débiteur principal

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Nature - Demande en justice ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Nature juridique - Effet

Après avoir énoncé que l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 dispose que la prescription quadriennale est interrompue par tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, l'arrêt, qui constate que la procédure collective n'est pas clôturée, retient à bon droit que, fût-elle d'ordre public, la loi précitée, qui institue un régime spécifique de prescription au profit des personnes publiques, ne peut faire échec au caractère interruptif de la prescription à l'égard de la caution de la déclaration de créance effectuée au passif du débiteur principal laquelle équivaut à une demande en justice


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 13 avril 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 fév. 2007, pourvoi n°04-16700, Bull. civ.Buleltin 2007, IV, N° 71
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Buleltin 2007, IV, N° 71

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot
Avocat général : M. Casorla
Rapporteur ?: M. Delmotte
Avocat(s) : Me Luc-Thaler, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:04.16700
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