AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un janvier deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LA SOCIETE PMD PETERSS MARKETING DIRECT,
- LA SOCIETE EMNOS,
- LA SOCIETE ALPEN,
contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de GRASSE, en date du 26 mai 2004, qui a autorisé l'administration des impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des agents des impôts à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après où des documents ou supports d'informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir : locaux et dépendances sis ..., 06220 Vallauris, susceptibles d'être occupés par la société Fullfilnet et/ou la Sarl "PMD" Peterss Marketing Direct et/ou la Sarl Peters Marketing Direct et/ou la Société PMD et/ou la SA Alpen et/ou la SA EMNOS et/ou la SA Odysey et/ou la société Arlimbow et/ou la société Copernic ;
"aux énonciations que, vu la requête présentée le 26 mai 2004, sollicitant la mise en oeuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société "PMD" Peterss Marketing Direct Sarl ;
"et, aux motifs, qu'il peut être présumé que la société "PMD" Peterss Marketing Direct Sarl et la société "PMD" Peterss Marketing Direct sont une seule et même entité ;
"1 ) alors que la requête est affectée d'une nullité qui atteint l'ordonnance du juge des libertés et de la détention lorsqu'elle n'identifie pas le contribuable visé par les mesures d'investigation sollicitées ; que la requête de l'administration des impôts vise la " société 'PMD'' Peterss Marketing Direct Sarl" (requête p. 1, in fine), mais sollicite l'autorisation de perquisitionner des locaux " susceptibles d'être occupés par ( ) la Sarl 'PMD'' Peterss Marketing Direct et/ou la Sarl Peters Marketing Direct et/ou la société PMD ", d'où il résulte que l'Administration fiscale n'avait pas identifié la personne morale concernée par les prétendues fraudes poursuivies, violant le texte précité ; qu'en faisant droit à cette requête irrégulière, l'ordonnance est elle-même irrégulière, en violation de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
"2 ) alors que l'ordonnance autorisant des mesures de perquisition fiscale doit identifier le contribuable concerné ; que l'ordonnance attaquée relève que la requête est dirigée contre la "société 'PMD'' Peterss Marketing Direct Sarl" (ordonnance p. 1, 7ème alinéa), tout en observant que la Société "PMD" Peterss Marketing Direct Sarl et la Société " PMD " Peters Marketing Direct seraient la même société (ordonnance p. 10, 3ème alinéa) ; que, par de tels motifs insuffisants, l'ordonnance n'a pas constaté l'identité du contribuable concerné et n'a pu délivrer une autorisation régulière ;
"3 ) alors que l'ordonnance doit autoriser des perquisitions concernant les locaux d'un contribuable identifié, et non pas autoriser l'administration à rechercher l'identité d'un contribuable par le moyen d'une perquisition ; que l'ordonnance attaquée a autorisé des perquisitions dans les locaux "susceptibles d'être occupés par ( ) la Sarl 'PMD'' Peters Marketing Direct et/ou la Sarl Peters Marketing Direct et/ou la société PMD" ; qu'en statuant ainsi, l'ordonnance attaquée a donné à l'administration des impôts le pouvoir d'effectuer des perquisitions pour identifier le contribuable qui serait éventuellement responsable des hypothétiques fraudes poursuivies, violant encore une fois le texte précité" ;
Attendu que les mentions de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les contribuables à l'encontre desquels le juge des libertés et de la détention a retenu l'existence de présomptions de fraude fiscale justifiant la mesure autorisée étaient identifiés dans la requête ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé des agents des impôts à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve des agissements présumés dans les lieux désignés ci-après où des documents ou supports d'informations illustrant la fraude présumée sont susceptibles de se trouver, à savoir : locaux et dépendances sis ..., 06 220 Vallauris, susceptibles d'être occupés par la société Fullfilnet et/ou la Sarl "PMD" Peterss Marketing Direct et/ou la Sarl Peters Marketing Direct et/ou la société PMD et/ou la SA Alpen et/ou la SA Emnos et/ou la SA Odysey et/ou la société Arlimbow et/ou la société Copernic ;
"aux énonciations et motifs que, vu les pièces en notre possession et soumises à notre appréciation : pièce n° 7 : copie en 1 feuillet de l'attestation établie et signée le 9 avril 2004 par Florence X..., contrôleur des impôts, relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant la société PMD Peterss Marketing Direct Sarl en Suisse et copie en 7 feuillets du résultat de ses recherches ; pièce n° 11 :
copie en 1 feuillet du résultat de l'interrogation du fichier informatisé des comptes bancaires FICOBA, géré par la Direction générale des impôts, édité le 6 avril 2004 identifiant le titulaire du compte n° 30938 00088 00539501008 77, effectué le 6 avril 2004 par Claudine Y..., inspecteur des impôts ; pièce n 12 : copie en 1 feuillet de l'attestation établie et signée le 09/04/2004 par Florence X..., contrôleur des impôts, relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant la société Alpen en Suisse et copie en 5 feuillets du résultat de ses recherches ; pièce n° 15 : copie en 1 feuillet de l'attestation établie et signée le 9 avril 2004 par Florence X..., contrôleur des impôts, relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant la société Emnos en Suisse et copie en 4 feuillets du résultat de ses recherches ; pièce n° 21-1 :
copie en 1 feuillet de l'attestation établie et signée le 9 avril 2004 par Florence X..., contrôleur des impôts, relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant la société Arlimbow en Suisse ; pièce n° 21-2 : copie en un feuillet de l'attestation établie et signée le 9 avril 2004 par le même contrôleur des impôts relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant la société Arlimbow Ltd en Grande-Bretagne et copie en 5 feuillets du résultat de ses recherches ; pièce 21-3 : copie en 1 feuillet de l'attestation
établie et signée le 14/05/2004 par le même contrôleur des impôts, relatant les recherches effectuées sur les banques de données internationales concernant les sociétés répertoriées à l'adresse 6 Babmaes Street, London, Grande-Bretagne et copie en 6 feuillets du résultat de ses recherches ;
"1 ) alors que l'administration des impôts ne peut produire au soutien de sa demande des renseignements tirés de bases de données informatiques qu'elle a elle-même élaborées dans des conditions que le contribuable ne peut contrôler et qui ne sont soumises au contrôle d'aucune autorité ; que l'ordonnance attaquée a été rendue au visa de la pièce n° 11 comprenant la copie du résultat de l'interrogation du fichier informatisé des comptes bancaires Ficoba, de la pièce n° 31 comprenant la copie en 19 feuillets du résultat de l'interrogation du fichier informatique Birde et de la pièce n° 32 tirée du fichier Adonis, toutes trois étant des bases de données créées, gérées et exploitées par la Direction générale des impôts pour ses propres besoins ; que le contribuable n'ayant aucun accès à celles-ci et nulle autorité n'exerçant de contrôle sur leur contenu, la décision attaquée, fondée sur ces pièces, est prise en violation du texte précité ;
"2 ) alors que n'ont pas d'origine licite les pièces constituées par le résultat de recherches effectuées sur des banques de données internationales qui ne sont pas décrites et dont il n'est pas constaté qu'elles ne livrent pas des informations relatives au profil ou à la personnalité de l'intéressé, sur lesquelles en outre aucun contrôle n'est exercé par une autorité reconnue et sur lesquelles il n'est pas constaté que le contribuable puisse intervenir pour contrôler lui-même les données personnelles qui le concernent ; que l'ordonnance attaquée est rendue au visa des pièces n° 7, 12, 15, 18, 21-1 à 21-4, 24-1 à 24-3, 35 et 41 relatant les recherches effectuées sur diverses banques de données internationales qui ne sont pas décrites et dont il n'est pas précisé qu'elles sont soumises au contrôle d'une autorité reconnue ou que le contribuable puisse exercer un quelconque contrôle sur les données publiées qui le concernent, de sorte que l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
"3 ) alors que l'ordonnance ne peut se fonder sur une pièce extraite d'un site Internet dont il n'a pas été constaté qu'il ne propose pas une définition du profil et de la personnalité du contribuable concerné sur lequel ce dernier puisse exercer son propre contrôle ; que la pièce n° 46 sur laquelle est fondée l'ordonnance attaquée est extraite d'un site dont il n'a pas été constaté qu'il ne proposait aucune définition du profil ou de la personnalité du contribuable concerné et sans qu'il soit constaté que ce dernier avait la faculté de contrôler les données le concernant ; qu'ainsi, la décision manque de base légale au regard du texte précité ;
"4 ) alors que l'administration des impôts ne peut traduire en français une pièce en langue originale étrangère, seule une traduction effectuée par les soins d'un interprète inscrit sur une liste d'experts judiciaires ayant prêté le serment prévu à l'article 20 du décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 pouvant fournir un élément de preuve admissible dans une procédure non contradictoire ; que l'ordonnance attaquée est fondée sur la pièce n° 36 constituée par la copie établie par Mme Y..., inspecteur des impôts, relative à la traduction libre de mots anglais ; qu'en se fondant sur une traduction non contradictoire et non certifiée, établie par l'Administration pour les fins de sa propre demande, l'ordonnance attaquée a violé tant ce texte que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales" ;
Attendu que l'ordonnance mentionne que les pièces produites à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite; que toute contestation au fond sur ce point relève du contentieux dont peuvent être saisies les juridictions éventuellement appelées à statuer sur les résultats de la mesure autorisée ; qu'il appartient au juge, dans l'exercice de son pouvoir souverain, d'apprécier la force probante des éléments d'information qui lui sont soumis ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a dit que si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit, situé dans le ressort du tribunal de grande instance de céans, dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au I de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont susceptibles de se trouver, ils pourront sur autorisation délivrée par tout moyen par nous même, procéder immédiatement à la visite de ce coffre, avec la précision que "Mention de notre autorisation sera portée au procès-verbal de visite et de saisie prévu au IV de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales" ;
"alors que chaque visite doit faire l'objet d'une autorisation distincte du juge des libertés et de la détention ; que, partant, ladite ordonnance, en prévoyant un droit de visite immédiat au profit de l'administration au cas où serait découvert l'existence d'un coffre en Banque dans un établissement de crédit situé dans le ressort du tribunal de grande instance de Grasse au moyen d'une autorisation postérieure apposée sur le pied du procès-verbal de visite et de saisie, a commis un excès de pouvoir et a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que le juge des libertés et de la détention a, sans commettre d'excès de pouvoir, fait l'exacte application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, en mentionnant dans son ordonnance que, si les agents de l'administration découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit, situé dans le ressort de son tribunal, dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et, où des pièces et documents se rapportant aux agissements en cause, sont susceptibles de se trouver, ils pourront sur autorisation délivrée par tout moyen par lui-même, procéder immédiatement à la visite de ce coffre ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;