AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ et de la société civile professionnelle VUITTON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Claude,
contre l'arrêt de la cour d'appel de FORT-DE-FRANCE, chambre correctionnelle, en date du 1er décembre 2005, qui, pour agression sexuelle, l'a condamné à 3 ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 593 du code de procédure pénale, de l'article préliminaire du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande d'ouverture d'une information et a refusé de constater la violation du droit à un procès équitable du prévenu en application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
"aux motifs que le prévenu soutient qu'il a été porté atteinte à son droit à un procès équitable ; que le dossier comporte de graves lacunes ; qu'il n'y a eu ni confrontation, ni reconstitution ;
qu'il sollicite la relaxe à titre principal et, subsidiairement, l'ouverture d'une information ; que si, par le choix quelque peu singulier de la procédure de COPJ, le ministère public a, compte tenu de la nature de l'affaire, fait preuve d'une certaine légèreté, cependant des examens psychiatriques de Claude X... et de Carole Y... ont été diligentés au cours de l'enquête préliminaire, et les confrontations qui ont eu lieu à l'audience tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'appel ont permis de pallier l'absence d'instruction ; que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme a donc été respecté ;
"alors qu'aux termes de l'article préliminaire du code de procédure pénale, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit le droit de l'accusé à un procès équitable, celui-ci ne peut être condamné sur la base exclusive de déclarations de l'accusation et de témoins à charge recueillies avant le procès et avec lesquels il n'a jamais été confronté ; que la cour d'appel, qui relève le choix singulier de la procédure, voire la légèreté du ministère public eu égard à la nature des faits, ne pouvait refuser d'ordonner l'ouverture de l'information dont la nécessité ressortait de sa décision, au motif que les expertises psychiatriques et les auditions tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'appel avaient permis de pallier l'absence d'instruction, sans que les énonciations du jugement et de l'arrêt établissent la preuve de ces auditions et confrontations conformes aux règles du code de procédure pénale relatives à l'audition des témoins" ;
Attendu que, pour déclarer Claude X... coupable des faits de la prévention, l'arrêt attaqué énonce que les examens psychiatriques du prévenu et de la partie civile diligentés lors de l'enquête préliminaire ainsi que les confrontations effectuées tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour d'appel ont permis de pallier l'absence de procédure d'information ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu a bénéficié d'un procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et dès lors que le recours à la procédure d'information n'est obligatoire qu'en matière criminelle, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré Claude X... coupable d'agression sexuelle et l'a condamné pénalement et civilement ;
"aux motifs que, même si le contexte passionnel, la dépendance psychologique et la violence peut-être réciproque de la relation des ex-partenaires ne peuvent être écartés, rien n'établit que Carole Y... ait consenti aux attouchements commis par Claude X... ;
"alors que, d'une part, en s'abstenant de définir les atteintes sexuelles retenues à l'encontre du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à la justifier ;
"alors que, d'autre part, l'arrêt attaqué, qui énonce que le contexte passionnel, la dépendance psychologique et la violence peut-être réciproque de la relation des ex-partenaires ne pouvaient être écartés, se devait de caractériser la contrainte au sens de l'article 222-22 du code pénal, qui ne pouvait se déduire ni de ses motifs dubitatifs, ni de la seule existence d'une vive discussion à l'intérieur du couple" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-19, alinéa 2, du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Claude X... à trois ans d'emprisonnement dont 18 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans ;
"aux motifs que Claude X... n'a jamais été condamné mais la gravité des faits rend nécessaire une sanction adaptée ; que, cependant, compte tenu de la fragilité psychologique du prévenu et de sa difficulté à admettre le caractère répréhensible de son acte, la cour estime nécessaire d'assortir une partie de la peine d'un sursis avec mise à l'épreuve ;
"alors qu'aux termes de l'article 132-19 du code de procédure pénale, en matière correctionnelle, le juge ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; que le droit à un procès équitable implique que cette motivation soit suffisante et cohérente ; que la référence à la seule qualification de l'infraction ne satisfait pas à ces exigences ; qu'en mettant uniquement en évidence la nécessité du sursis, sans justifier ni l'aggravation de la peine, ni la peine ferme de prison prononcée, la cour d'appel a violé le texte susvisé et méconnu l'exigence de cohérence de la motivation de sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement en partie sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que Claude X... devra payer à Carole Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;