AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X...
Y..., engagé le 1er juillet 1997 en qualité de cadre administratif, d'abord pour une durée déterminée de 18 mois puis à durée indéterminée par la société Diagtech, a saisi le 21 septembre 2000 la juridiction prud'homale d'une action tendant à l'exécution de son contrat de travail par l'employeur ; que, par lettre du 17 avril 2001, il a "notifié" à la société la résiliation de sa part du contrat de travail "en raison des difficultés rencontrées avec votre gestion de ma personne qui m'ont amené à engager une procédure prud'homale, je vous propose de mettre fin à nos relations contractuelles dès la fin du mois d'avril courant" ; que l'audience de la formation de jugement du conseil de prud'hommes s'est tenue le 8 juin 2001 ; qu'outre les sommes déjà réclamées en vue de l'audience initialement prévue pour le 2 février 2001 et liées à la seule exécution du contrat de travail, M. X...
Y... a formulé des demandes liées à la rupture du contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar, 15 février 2005) d'avoir dit que la rupture des relations contractuelles lui était imputable, d'avoir dit que M. X...
Y... devait bénéficier du coefficient hiérarchique 110 à compter du 1er juillet 1999 et de l'avoir condamné à payer à M. X...
Y... des sommes à titre de dommages-et-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de rupture, de congés payés dus sur la régularisation de salaire de juillet 1997 à août 1998 inclus, au titre de la régularisation de salaire du fait de l'application du coefficient 110 et des congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1 / que, dès lors que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une action tendant à l'exécution de son contrat de travail, il n'est pas autorisé, pendant le cours de cette instance, à prendre acte de la rupture de son contrat de travail pour les faits dont il a précédemment saisi le conseil de prud'hommes, mais peut seulement compléter sa saisine en formant une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'en décidant néanmoins que M. X...
Y... avait valablement pu prendre acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 17 avril 2001, pour des faits identiques à ceux dont il avait saisi le conseil de prud'hommes le 25 septembre 2000, et en se prononçant sur le bien fondé de cette "prise d'acte" pour lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-14-3 du code du travail ;
2 / que seuls les faits invoqués par le salarié à l'appui de sa démission permettent de requalifier celle-ci en licenciement ; de sorte qu'en l'espèce, la lettre de rupture adressée par M. X...
Y... à la société Diagtech le 17 avril 2001, qui n'énonçait aucun fait ni aucun grief identifiable à l'encontre de l'employeur, devait produire les effets d'une démission ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 120-4, L. 121-1, L. 122-14, L. 122-14-1 et L. 122-14-2 du code du travail ;
3 / qu'en attribuant à M. X...
Y... le coefficient 110 de l'annexe II de la classification des ingénieurs et cadres au motif "qu'étant né le 14 juillet 1959 et ayant été engagé à compter du 1er juillet 1997, c'est à juste titre qu'il revendique l'application du coefficient 110 à compter du 1er juillet 1999", cependant que le salarié ne remplissait absolument pas les conditions posées par la convention collective pour briguer un tel coefficient puisqu'il n'était pas titulaire d'un diplôme d'ingénieur, n'avait aucune compétence dans le domaine de la thermographie et de l'électricité, n'était nullement habilité comme technicien agréé et n'assurait qu'un travail de prospection commerciale, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'annexe I de la convention collective Syntec, ensemble les articles L. 132-19 du code du travail et 1134 du code civil ;
4 / que pour les mêmes raisons, en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de la société Diagtech qui insistaient sur le fait que M. X...
Y... ne remplissait pas un nombre important de conditions posées par la convention collective pour bénéficier du coefficient 110, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
5 / que s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés au titre des salaires des mois de juillet 1997 à août 1998, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la société Diagtech n'avait pas totalement rempli M. X...
Y... de ses droits à ce titre en lui appliquant la règle du salaire théorique puis en procédant à une régularisation après comparaison du résultat obtenu avec la règle du calcul du dixième, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 223-11 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'il ne résulte pas de l'arrêt que l'employeur, qui s'est borné à soutenir devant les juges d'appel que la lettre du 17 avril 2001 devait s'analyser comme une démission pure et simple de l'intéressé, ait prétendu que le salarié qui saisit le conseil de prud'hommes d'une action tendant à l'exécution de son contrat de travail ne peut plus prendre acte de la rupture de ce contrat pour des faits identiques à ceux déjà soumis aux juges ;
Attendu, ensuite, que l'écrit par lequel un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur ne fixant pas les termes du litige, le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même s'il ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;
Attendu, encore, que la cour d'appel, analysant les éléments de faits et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que les tâches effectivement accomplies par l'intéressé relevaient de la fonction d'étude et de préparation ; que, répondant aux conclusions produites devant elle, elle a pu en déduire que le salarié devait bénéficier du coefficient 110 de la convention collective applicable à la relation de travail ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel a décidé, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, qu'un rappel de congés payés était dû à l'intéressé au titre de la régularisation du salaire à laquelle elle a procédé ;
D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa première branche, n'est fondé en aucune de ses autres branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Diagtech reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X...
Y... des sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, alors, selon le moyen, que le salarié qui demande et obtient, pour des raisons de convenances personnelles, de ne pas exécuter son préavis, ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de celui-ci ; que dès lors, en alloutant à M. X...
Y... une somme de 5 483,59 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 548,36 euros à titre de congés payés afférents, cependant que ce dernier avait écrit à son employeur dans son courrier du 17 avril 2000 portant résiliation de son contrat de travail : "Je vous propose de mettre fin à nos relations contractuelles dès la fin du mois d'avril courant", ce dont il résultait qu'il était lui-même à l'origine de la dispense de son préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 122-5 et L. 122-8 du code du travail ;
Mais attendu que l'inexécution du préavis est la conséquence de l'inexécution par l'employeur, relevée par la cour d'appel, de ses obligations contractuelles ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Diagtech reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X...
Y... une somme à titre d'indemnité spécifique de requalification, alors, selon le moyen :
1 / qu'en affirmant que "force est de constater que la société Diagtech ne justifie nullement de la réalité de ce motif d'accroissement temporaire d'activité", sans aucunement vérifier la nécessité pour la société Diagtech de pourvoir à la "mise en place de la certification ISO 1992", au "démarchage de la clientèle de la grande distribution" et au "développement de la clientèle allemande suite au stage de M. X...
Y... effectué au sein de la société", la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-1 et L. 122-1-1 du code du travail ;
2 / qu'il résultait de "l'avenant au contrat de travail du 1er juillet 1997" en date du 20 octobre 1998, que ce dernier emportait novation du contrat de travail à durée déterminée initial en un contrat de travail à durée indéterminée, de sorte que la poursuite de la relation de travail en CDI n'avait nullement pour cause une requalification judiciaire à la demande du salarié, au sens de l'article L. 122-3-13 du code du travail, mais résultait de la volonté commune des parties de transformer leur relation contractuelle ; qu'en allouant néanmoins l'indemnité de requalification prévue par ce texte à M. X...
Y..., la cour d'appel a violé ce texte et l'article 1271 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui, appréciant les éléments de preuve produits devant elle, a retenu que l'employeur n'établissait pas la réalité de l'accroissement temporaire d'activité qu'il avait invoqué comme motif du contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er juillet 1997, a exactement décidé que la relation de travail devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette date, en sorte que l'indemnité de requalification était due à l'intéressé ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Diagtech aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille six.