AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Max, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 2 février 2006, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa plainte avec constitution de partie civile du chef d'injures publiques ;
Vu l'article 575, alinéa 2, 2 , du code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 88 et R. 15-41, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de Max X... pour défaut de consignation dans le délai imparti par le juge d'instruction ;
"aux motifs que l'ordonnance fixant la consignation avait imposé un délai qui se terminait le dimanche 16 octobre donc reporté au lundi 17 octobre 2005 ; que le greffier a attesté que la consignation avait été effectuée le 18 octobre 2005 ; que cette mention, signée par un greffier, ne peut être combattue par une attestation de l'inspecteur du trésor public, précisant que la somme de 2 000 euros, montant de la consignation a été payée le 13 octobre 2005 par virement d'un compte de la paierie générale du Languedoc-Roussillon sur le compte du régisseur d'avances et de recettes du tribunal ouvert à la trésorerie générale ; que la copie d'écran informatique versée par la partie civile n'est pas non plus, de nature à modifier la valeur qui doit être attribuée à la mention portée par un greffier ; qu'en effet, les articles 88 et R. 15-41 du code de procédure pénale précisent que la somme demandée comme consignation doit être déposée au greffe du tribunal, dès lors, c'est la mention du greffier habilité qui fait foi de ce dépôt quelles que soient par ailleurs les arcanes suivie par une somme prélevée sur les deniers publics d'une collectivité locale, laquelle n'était, de surcroît, pas constituée partie civile devant le juge d'instruction et ne lui avait pas, non plus, fait connaître son intervention au soutien du plaignant ; qu'en conséquence l'ordonnance d'irrecevabilité sera confirmée ;
"alors que, d'une part, la consignation n'ayant pas été effectuée sous forme d'un dépôt au greffe mais par virement de compte à compte, il s'ensuit que l'attestation du greffier ne portait que sur la date à laquelle il avait constaté l'accomplissement de cette formalité et non sur celle de son accomplissement proprement dit, lequel dès lors pouvait être établi par tous moyens sans que puisse être opposée la force probante attachée aux actes dressés par un greffier ;
"que, d'autre part, les dispositions de l'article 88 du code de procédure pénale ne sauraient s'interpréter comme s'opposant au règlement effectif de la consignation sous forme de virement de compte à compte d'autant que les dispositions réglementaires issues du décret n° 65-97 du 4 février 1965 modifiées par le décret n° 90-1071 du 30 novembre 1990 imposent aux organismes publics de payer exclusivement par virement toutes les dépenses supérieures à 750 euros ; qu'à la différence des autres modes de paiement, notamment par chèque, le règlement de la consignation par virement est exclusif d'un dépôt proprement dit au greffe, si bien qu'il n'y a pas lieu de retenir comme date d'accomplissement de la formalité, celle où le greffe a été avisé de l'inscription de la somme au crédit du compte de la trésorerie du tribunal, mais celle où l'ordre de virement a été donné, dès lors qu'elle révèle sans équivoque la volonté de régler la consignation dans le délai prescrit ;
"qu'enfin la circonstance que le règlement de la consignation émane du conseil régional du Languedoc-Roussillon en vertu d'une délibération régulièrement prise à cet effet ne saurait affecter la validité de ce paiement, les dispositions de l'article 88 comme celles de l'article 392-1 du code de procédure pénale ne s'opposant aucunement à ce que le règlement de la consignation soit effectué par une personne autre que la partie civile" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Max X... du chef d'injures publiques, le juge d'instruction a ordonné, à titre de consignation, le versement d'une somme de 2 000 euros au plus tard le 16 octobre 2005 ; que, par ordonnance du 10 novembre 2005, le magistrat instructeur a déclaré la plainte irrecevable, au motif que la partie civile n'a pas effectué la consignation dans le délai imparti ;
Attendu qu'à l'appui de son appel, Max X... a produit un mémoire tendant à l'infirmation de cette décision ; qu'il s'est prévalu d'une attestation de l'inspecteur du Trésor public indiquant que la somme de 2 000 euros destinée au paiement de la consignation avait été virée le 13 octobre 2005 sur le compte du régisseur d'avances et recettes du tribunal de grande instance ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, l'arrêt énonce que le greffier a attesté que la consignation avait été effectuée, le "18 octobre 2005", que les juges ajoutent que "cette mention ne peut être combattue par l'attestation de l'inspecteur du Trésor" ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que le document établi par le greffier ne précisait pas si la date du 18 octobre était celle à laquelle il avait constaté le paiement de la consignation ou celle à laquelle le versement avait été porté au crédit du compte de la régie d'avances et de recettes du tribunal, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 2 février 2006, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, MM. Joly, Beyer, Mme Guirmand, M. Beauvais conseillers de la chambre, M. Valat, Mme Ménotti conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;