AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Vahine X..., aux termes d'un premier testament authentique, en date du 21 janvier 1985, avait institué légataire universelle Mme Y... ; que, suivant un second testament reçu le 24 mars 1987 par M. Z..., notaire auxiliaire, Vahine X... a institué légataires à titre universel trois autres personnes ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande d'annulation de ce second testament alors, selon le moyen, que l'article 17 du décret du 12 septembre 1957 relatif au statut du notariat en Polynésie française, qui conditionne la validité d'un testament authentique non signé par le testateur à l'apposition de ses empreintes digitales sur l'acte, édicte une règle spéciale qui ne peut être abrogée tacitement par une règle générale qui lui est postérieure ; qu'en se fondant, pour juger que le testament de Mme X... en date du 24 mars 1987 était valide, sur la circonstance inopérante que le décret du 26 novembre 1971 était applicable à la Polynésie française, bien que ce décret n'ait pas abrogé les règles spéciales applicables en Polynésie française, la cour d'appel a violé par fausse application le décret du 26 novembre 1971 et par refus d'application l'article 17 du décret du 12 septembre 1957 ;
Mais attendu qu'en déclarant applicable à la Polynésie française l'article 11 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires aux termes duquel quand les parties ne savent ou ne peuvent signer, leur déclaration à cet égard doit être mentionnée en fin d'acte, l'article 25 de ce décret a nécessairement abrogé les dispositions réglementaires antérieures, spéciales à la Polynésie française, qui imposaient en pareil cas au notaire, outre de faire mention de la déclaration de la partie ne sachant ou ne pouvant signer l'acte, de lui y faire apposer ses empreintes digitales ; qu'il s'ensuit que ce grief du moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la première branche du moyen unique :
Vu l'article 20, alinéa 1, du décret n° 57-1802 du 12 septembre 1957 déterminant le statut du notariat en Polynésie française ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, toutes les fois qu'une personne ne parlant pas la langue française sera partie ou témoin dans un acte, le notaire devra être assisté d'un interprète assermenté, qui expliquera l'objet de la convention avant toute écriture, expliquera de nouveau l'acte rédigé, le traduira littéralement et signera comme témoin additionnel ;
Attendu que pour déclarer régulier le testament authentique de Vahine X... l'arrêt relève qu'il est mentionné dans ce testament que celui-ci a été dicté par la testatrice au notaire qui l'a écrit tel qu'il lui a été dicté et l'a ensuite lu en langues française et tahitienne à la testatrice qui a déclaré le bien comprendre et reconnu qu'il est l'expression exacte de ses volontés, le tout en la présence simultanée et non interrompue des deux témoins ; que M. Z..., notaire auxiliaire est polynésien et qu'aucun élément n'établit, ni ne rend vraisemblable, le fait qu'il ne parlait pas la langue tahitienne, ce qui aurait rendu nécessaire la présence d'un interprète ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que M. Z... n'était pas assisté d'un interprète en langues polynésienne et française, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande des consorts X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille six.