AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses deux branches :
Vu les articles L. 512-1 et L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors applicable, ensemble les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon les deux premiers de ces textes, que bénéficient de plein droit des prestations familiales, pour les enfants à leur charge résidant en France, les étrangers titulaires d'un titre exigé d'eux pour résider régulièrement en France ; qu'il résulte des deux derniers que la jouissance du droit à la vie privée et familiale doit être assurée sans distinction fondée notamment sur l'origine nationale ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que Mme Amar X... épouse Y...
Z..., de nationalité algérienne, qui a obtenu en mai 2000, un titre de séjour à la suite d'un jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 21 septembre 1999, a sollicité, par courrier du 4 septembre 2000, le bénéfice des allocations familiales pour ses deux enfants mineurs, Chérifa née le 3 décembre 1987 et Mohamed-Amine né le 6 avril 1991 ; que la caisse d'allocations familiales a rejeté cette demande le 2 octobre 2000 ;
Attendu que pour rejeter le recours de Mme Y...
Z..., l'arrêt énonce que l'intéressée ne produit aucun des documents prévus à l'article D. 511-1 pour justifier de la régularité du séjour de ses enfants en France et qu'au demeurant, elle aurait pu produire un titre de circulation valide tel qu'il est prévu au dernier alinéa de ce texte ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme Y...
Z... avait obtenu un titre de séjour sur la base d'un jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 juin 1999, ce dont il résultait qu'elle remplissait la condition de régularité du séjour, et alors que le fait de subordonner à la production d'un justificatif de la régularité du séjour des enfants mineurs le bénéfice des prestations familiales porte une atteinte disproportionnée au principe de non-discrimination et au droit à la protection de la vie familiale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la CAF de Saône-et-Loire aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, 75-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la CAF de Saône-et-Loire, la condamne à payer à la SCP Bouzidi et Bouhanna la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille six.