AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, par testament olographe en date du 25 juin 1986, Léonie X... a déclaré léguer à Mme Y... ses droits sur un chalet situé à Veyrier du Lac ainsi que les meubles le garnissant ; que Léonie X... étant décédée le 18 janvier 1991 en laissant pour lui succéder son fils unique M. Gérald X..., Mme Y... a, par un acte du 23 septembre 1998, assigné ce dernier en délivrance de son legs ; que M. X... s'est opposé à cette demande en invoquant la nullité du testament pour insanité d'esprit ; que, par un jugement du 27 novembre 2000, le tribunal de grande instance d'Annecy a condamné M. X... à délivrer le legs ; qu'en cause d'appel, Mme Y... a produit un acte portant testament authentique de Léonie X..., établi le 2 juillet 1986 ; que, par un acte du 10 septembre 2002, M. X... a déclaré s'inscrire en faux contre cet acte authentique ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en inscription de faux contre le testament authentique du 2 juillet 1986 alors, selon le moyen :
1 / que contrairement à l'affirmation de la cour d'appel, les testaments n'avaient pas une portée identique, le testament olographe étant un testament à titre particulier qui portait sur un bien unique tandis que le testament authentique était un testament universel et portait donc sur la totalité du patrimoine transmissible de Mme X... ; que, dès lors, la cour d'appel qui affirme la prétendue identité de portée des testaments pour en déduire la preuve positive que la rédaction du testament authentique correspondait exactement au sens et à la substance de la volonté exprimée oralement par le testateur, dénature les testaments litigieux et viole l'article 1134 du code civil ;
2 / que par voie de conséquence, la cour d'appel qui déduit de la prétendue identité de portée des testaments la preuve que la rédaction du second était conforme à la volonté du testateur déjà exprimée dans le premier, et qui ne s'explique pas sur les conclusions d'appel tendant à démontrer que le testament authentique était un faux intellectuel et ne reflétait pas la volonté de Mme X... prive sa décision de base légale au regard des articles 972 et 1317 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine des deux testaments, exclusive de dénaturation et que leur rapprochement rendait nécessaire, que la cour d'appel a estimé que l'intention qui y était exprimée était la même ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, pris en ses deux branches, recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 1014 du code civil ;
Attendu que, pour juger que les sommes allouées à Mme Y... au titre de son legs particulier porteront intérêts au taux légal à compter du décès de la testatrice et jusqu'à parfait règlement, la cour d'appel se fonde sur l'ancienneté de l'affaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le légataire à titre particulier ne peut prétendre aux fruits et intérêts de la chose léguée qu'à compter du jour de sa demande en délivrance ou du jour auquel cette délivrance lui a été volontairement consentie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a jugé que les sommes allouées à Mme Y... au titre de son legs particulier porteront intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 1991, date du décès de la testatrice et jusqu'à parfait règlement, l'arrêt rendu le 11 mai 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille six.