AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que les époux X... sont propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation situé à Fayl-la-Forêt, contigu à un immeuble en ruine ayant appartenu à Augustin Y... et à son épouse Espérance Z... (les époux A...), lui-même attenant à un autre immeuble en ruine appartenant aux époux B... ;
qu'Augustin Y... est décédé le 5 octobre 1956 et Espérance Z... le 16 mars 1970 en laissant pour unique héritière, leur fille, Lucie Y... épouse C..., elle-même décédée le 4 décembre 1972, en laissant pour lui succéder ses neuf petits-enfants, venant en représentation de leur père prédécédé : Mme Christine Y..., Mme Evelyne Y... épouse D..., M. Georges Y..., Mme Jocelyne Y... épouse E..., M. Pascal Y..., M. Patrick Y..., Mme Eliane Y... épouse F..., M. Jean-louis Y... et M. Michel Y... (les consorts Y...) ; qu'à la suite de deux arrêtés de péril des 22 octobre et 24 décembre 1996 pris par le maire de la commune de Fayl-la-Forêt à l'encontre des consorts Y... et des époux B..., leur enjoignant de démolir les immeubles en ruine, les consorts Y... ont renoncé aux successions de leurs arrière-grands-parents, les époux A..., par déclarations reçues au greffe du tribunal de grande instance de Chaumont le 27 janvier 1997 ; que les époux X... ont assigné les époux B... et l'Etat français en réparation des dommages occasionnés à leur maison par les deux immeubles en ruine voisins ; que le directeur des services fiscaux de la Haute-Marne, ès qualités, a contesté que l'Etat soit devenu propriétaire de l'immeuble ayant appartenu aux époux A... ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 18 février 2003) d'avoir déclaré l'Etat français propriétaire de l'immeuble en ruine sis à Fayl-la-Forêt ayant appartenu aux époux A..., alors, selon le moyen :
1 / que la cour ne pouvait sans se contredire retenir qu'aux termes d'un compte rendu de réunion d'expertise signé de l'ingénieur des TPE et approuvé par le maire, l'indivision Y... avait engagé une procédure de cession de l'immeuble litigieux à la commune de Fayl-la-Forêt puis décider qu'en l'absence de document complémentaire explicite sur les conditions dans lesquelles la commune aurait été saisie par l'indivision Y..., il ne saurait être considéré comme un acte positif d'adition d'hérédité ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
2 / qu'en application de l'article 778 de code civil, l'acceptation peut être expresse ou tacite : elle est expresse, quand on prend le titre ou la qualité d'héritier dans un acte authentique ou privé ;
elle est tacite, quand l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter, et qu'il n'aurait droit de faire qu'en sa qualité d'héritier ; qu'en se bornant à constater qu'aucun document complémentaire explicite ne précisait les conditions dans lesquelles la commune aurait été saisie par l'indivision Y... d'une offre de cession de l'immeuble litigieux au sujet duquel il n'est pas démontré que les consorts Y... aient réalisé un seul acte de gestion ou de simple conservation à ce jour, la cour d'appel, qui a déclaré que la production de compte rendu d'expertise énonçant que l'indivision Y... avait engagé une procédure de cession de cet immeuble ne constituait pas un acte positif d'adition d'hérédité, sans rechercher si l'indivision avait eu l'intention de vendre l'immeuble, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier les faits d'où peut résulter l'acceptation tacite d'une succession ; qu'après avoir relevé que l'Etat produisait un compte-rendu de réunion d'expertise du 11 décembre 1996, signé d'un ingénieur des travaux publics et approuvé par le maire, mentionnant que l'indivision Y... avait engagé une procédure de cession de cet immeuble à la commune de Fayl-la-Forêt et que le conseil municipal n'avait pas à ce jour délibéré sur la suite à réserver à cette affaire, la cour d'appel a estimé qu'en l'absence de documents complémentaires explicites précisant les conditions dans lesquelles la commune aurait été saisie par "l'indivision Y..." d'une offre de cession de l'immeuble litigieux et en l'absence de tout acte de gestion ou de simple conservation de l'immeuble réalisé par les consorts Y..., il n'était pas démontré que ces derniers avaient accepté tacitement la succession des époux A... ; qu'elle a ainsi, sans se contredire et en procédant à la recherche qui lui est reproché d'avoir omise, légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'Etat français propriétaire de l'immeuble en ruine sis à Fayl-la-Forêt ayant appartenu aux époux A... alors, selon le moyen :
1 / qu'aux termes de l'article 724 du code civil, les héritiers légitimes sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, que selon l'article 781 du code civil, lorsque celui à qui une succession est échue est décédé sans l'avoir répudiée ou acceptée expressément ou tacitement, ses héritiers peuvent l'accepter ou la répudier de son chef, qu'enfin, selon l'article 783 du code civil, le majeur ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite d'une succession ; qu'en jugeant , qu'en définitive l'acte de renonciation à la succession des époux A..., leurs arrière-grands-parents, était parfaitement valide et opposable à l'Etat, alors que ceux-ci avaient accepté purement et simplement la succession de leur grand-mère qui comprenait nécessairement l'immeuble litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions des articles précités ;
Mais attendu que l'héritier de celui qui est appelé à une succession sans avoir pris parti dispose de tous les droits de son auteur ;
qu' ayant relevé d'une part que Lucie Y..., grand-mère des consorts Y... était décédée le 4 décembre 1972 , soit moins de trois ans après le décès de sa propre mère Espérance Z..., sans avoir manifesté une quelconque volonté d'acceptation ou de renonciation à la succession de ses parents, d'autre part, que les consorts Y... avaient accepté la succession de leur grand-mère en 1993, la cour d'appel a pu en déduire que, se prévalant des dispositions de l'article 781 du code civil, les consorts Y... avaient pu exercer, du chef de Lucie Y..., le droit d'option héréditaire qui leur avait été transmis et renoncer en janvier 1997 à la succession de leurs arrière-grands-parents ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est enfin fait le même grief à l'arrêt attaqué, alors, selon le moyen :
1 / que, conformément à l'article 724 du code civil, l'Etat doit se faire envoyer en possession, suivant les modalités prescrites par les articles 769 et suivants du code civil ; que l'article 775 du code précité dispose que nul n'est tenu d'accepter une succession qui lui est échue ;
qu'en décidant que l'Etat était propriétaire de l'immeuble litigieux alors même qu'aucune demande d'envoi en possession au tribunal de grande instance et aucune formalité nécessaire à la déclaration de vacance n'a été accomplie par l'Etat, la cour d'appel a violé les dispositions des articles précités ;
2 / et en toute hypothèse, qu'aux termes de l'article 789 du code civil, la faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers, de sorte qu'en l'espèce le délai de trente ans n'étant pas encore expiré, l'Etat ne peut devenir propriétaire du bien litigieux dépendant de la succession de Mme Lucie Y... qu'après l'avoir revendiqué et selon les formalités d'envoi en possession ; ce faisant, en déclarant l'Etat propriétaire de l'immeuble en l'absence de toute formalité d'envoi en possession, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article précité ;
Mais attendu que les biens des personnes qui décèdent sans héritiers ou dont les successions sont abandonnées appartiennent à l'Etat, que l'acquisition par l'Etat des biens visés aux articles 539 et 713 du code civil se produit de plein droit ; que la cour d'appel a décidé à bon droit que l'acte de renonciation à la succession des époux A... étant parfaitement valide et opposable à l'Etat français, celui-ci était devenu titulaire du droit de propriété sur l'immeuble litigieux dès le jour de l'ouverture de ladite succession, alors même qu'il n'en aurait pas demandé l'envoi en possession ou que les formalités nécessaires à la déclaration de vacance n'auraient pas été accomplies ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des impôts et le directeur des services fiscaux de la Haute-Marne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les deux demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille six.