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31/10/2006 | FRANCE | N°05-10051

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2006, 05-10051


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'a été conclu le 18 février 1998 au sein de l'entreprise Syseca, devenue la société Thales Is, un accord relatif à l'organisation du temps de travail, qui prévoyait que le temps de travail serait fixé à 38 heures hebdomadaires ; que l'entreprise s'est trouvée par la suite soumise à l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail conclu en application de la loi du 13 juin 1998, applicable aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention co

llective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingén...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'a été conclu le 18 février 1998 au sein de l'entreprise Syseca, devenue la société Thales Is, un accord relatif à l'organisation du temps de travail, qui prévoyait que le temps de travail serait fixé à 38 heures hebdomadaires ; que l'entreprise s'est trouvée par la suite soumise à l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail conclu en application de la loi du 13 juin 1998, applicable aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite convention Syntec ; qu'un nouvel accord d'entreprise conclu le 16 janvier 2001 au sein de la société Syseca s'est substitué à l'accord précité du 18 février 1998 ; qu'estimant que , durant la période intermédiaire de janvier 2000 à décembre 2000, la société n'avait pas respecté les dispositions de l'accord du 22 juin 1999, le syndicat CFDT des bureaux d'études informatique a saisi le tribunal de grande instance afin de voir juger que ledit accord imposait, à compter de janvier 2000, que l'horaire collectif des salariés travaillant selon des modalités "standard" soit fixé à 35 heures, au lieu de l'horaire de 38 heures effectivement pratiqué, et que le nombre de jours de travail des salariés en modalités "réalisation de missions" soit limité à 219 jours par an, au lieu de 226 jours effectivement travaillés ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 4 novembre 2004) d'avoir jugé qu'elle avait méconnu durant l'année 2000 les dispositions de l'accord du 22 juin 1999 relatives aux salariés employés selon des modalités "standard" et de l'avoir en conséquence condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors selon le moyen, que l'accord du 22 juin 1999 stipulait clairement et sans ambiguïté que, conformément aux dispositions légales des articles L. 212-1, L. 212-1 bis et L. 212-4 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi du 13 juin 1998, si la durée hebdomadaire conventionnelle de travail effectif était fixée à 35 heures à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord, les entreprises conservaient la faculté de maintenir l'horaire collectif en vigueur dans l'entreprise avant la date de signature de l'accord ; que la fixation de la durée hebdomadaire du temps de travail à 35 heures n'emporte ainsi, ni légalement, ni conventionnellement, obligation pour l'employeur de réduire à 35 heures la durée du travail dans l'entreprise, mais détermine l'horaire de base au-delà duquel, si un horaire collectif supérieur est instauré dans l'entreprise, les heures travaillées au-delà de 35 heures doivent être soit récupérées en journées de repos, soit payées en heures supplémentaires ; qu'en affirmant que la société ne pouvait maintenir, en vertu de ces dispositions, un horaire collectif de 38 heures hebdomadaires moyennant bonification des heures excédant 35 heures, la cour d'appel a violé les articles L. 212-1, L. 212-1 bis et L. 212-4 du code du travail dans leur rédaction alors en vigueur, et l'article 2 de l'accord Syntec du 22 juin 1999 ;

Mais attendu que l'article 2 du chapitre 1er de l'accord du 22 juin 1999, relatif à la durée du travail, fixe à 35 heures la durée hebdomadaire conventionnelle du travail effectif ; que l'article 1er du chapitre 2 portant dispositions communes relatives aux horaires de travail dispose notamment : "Tous les salariés qui relèvent du champ d'application du présent accord voient leur durée hebdomadaire de travail réduite selon les modalités définies ci-après. Les réductions d'horaire seront obtenues notamment en réduisant l'horaire hebdomadaire puis en réduisant le nombre de jours travaillés dans l'année par l'octroi de jours disponibles pris de façon individuelle ou collective. Si la réduction d'horaire est obtenue en réduisant le nombre de jours travaillés dans l'année, le salarié bénéficie de jours disponibles attribués au titre de la réduction du temps de travail. Conformément aux dispositions légales, les entreprises conservent la faculté de modifier ou de maintenir l'horaire collectif en vigueur dans l'entreprise avant la date de signature du présent accord" ; que l'article 2 du chapitre 2 relatif aux salariés employés en modalités "standard" dispose que ces salariés ont une durée hebdomadaire de travail de 35 heures, compte tenu des modalités d'aménagement du temps de travail évoquées précédemment, la réduction de l'horaire de travail effectif devant être telle que leur horaire annuel ne puisse dépasser 1610 heures pour un salarié à temps plein ;

qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'horaire hebdomadaire collectif de travail des salariés employés selon des modalités "standard" pouvait être maintenu à une durée supérieure à la durée conventionnelle de travail de 35 heures, sous réserve que leur durée effective de travail soit ramenée à 35 heures en moyenne annuelle par l'octroi de jours de réduction du temps de travail ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que la société avait durant l'année 2000 maintenu l'horaire collectif de travail de ses salariés à 38 heures hebdomadaires en accordant seulement des jours de repos au titre de la bonification légale de 10 % des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures, ce dont il résultait qu'elle avait méconnu les dispositions précitées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir jugé qu'elle avait méconnu durant l'année 2000 les dispositions de l'article 3 du chapitre 2 de l'accord du 22 juin 1999 relatives aux salariés employés selon des modalités "réalisation de missions" et de l'avoir en conséquence condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'il résulte des termes clairs et précis de l'article 1 du chapitre 11 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à "l'application de l'accord" que "l'application de l'accord est subordonnée à son arrêté d'extension et sera possible à compter du premier jour du mois qui suivra la parution de son arrêté d'extension au Journal officiel" ; qu'il résulte ainsi clairement de ces dispositions que les partenaires signataires de l'accord ont expressément entendu repousser l'entrée en vigueur de ses dispositions à la date où elles seraient étendues ; que le premier arrêté d'extension pris le 21 décembre 1999 a expressément exclu de cette extension certaines dispositions de l'accord, dont l'article 3 ; que, peu important le bien-fondé des raisons ayant conduit l'autorité administrative à cette exclusion, il en résultait nécessairement que l'article 3 de l'accord n'était pas entré en vigueur pendant la période considérée, les partenaires sociaux ayant accepté une dérogation légitime à l'article L. 135-1 du code du travail à propos de l'entrée en vigueur de l'accord ; qu'ainsi , la cour d'appel a violé l'article L. 135-1 du code du travail par fausse application et les dispositions de l'article 1 du chapitre 11 de l'accord du 22 juin 1999 et de l'arrêté d'extension du 21 décembre 1999 ;

Mais attendu que, selon l'article L. 135-1 du code du travail, sans préjudice des effets attachés à l'extension ou à l'élargissement conformément aux dispositions du chapitre III du titre III, les conventions et accords collectifs de travail obligent tous ceux qui les ont signés, ou qui sont membres des organisations ou groupements signataires ; qu'en application des dispositions de l'article L. 132-10 du même code, les conventions et accords collectifs de travail sont applicables, sauf stipulations contraires, à partir du jour qui suit leur dépôt ; qu'il en résulte qu'un accord dont l'entrée en vigueur est subordonnée à la seule parution de son arrêté d'extension, sans distinction entre les dispositions étendues et celles éventuellement exclues de l'extension, est applicable dans son intégralité à compter de la survenance de cet événement aux signataires ou membres de groupements signataires, peu important que l'extension soit totale ou partielle ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que l'application de l'accord était subordonnée à son extension et fixée à compter du premier jour du mois suivant la parution de son arrêté d'extension au Journal officiel, et, d'autre part, que l'extension était intervenue par arrêté du 21 décembre 1999 paru au Journal officiel du 24 décembre 1999, a exactement décidé que la société, adhérente d'un syndicat signataire de l'accord, était soumise à l'intégralité de ses dispositions dès le 1er janvier 2000 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Thales Is aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, la condamne à payer au syndicat CFDT des bureaux d'études informatique la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 05-10051
Date de la décision : 31/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Accords particuliers - Bureaux d'études techniques - cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils - Accord national du 22 juin 1999 - Réduction du temps de travail - Salarié employé en modalités " standard " - Durée hebdomadaire de travail effectif - Détermination - Portée.

1° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Réduction négociée du temps de travail - Durée conventionnelle du travail - Durée hebdomadaire - Dépassement - Condition.

1° Il résulte des dispositions combinées des articles 2 du chapitre 1er, 1 et 2 du chapitre 2 de l'accord national du 22 juin 1999 sur la durée du travail, applicable aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite " convention Syntec ", que l'horaire hebdomadaire collectif de travail des salariés employés selon des modalités " standard " pouvait être maintenu à une durée supérieure à la durée conventionnelle de travail de 35 heures, sous réserve que leur durée effective de travail soit ramenée à 35 heures en moyenne annuelle par l'octroi de jours de réduction du temps de travail. La cour d'appel qui constate qu'une société avait durant l'année 2000 maintenu l'horaire collectif de travail des salariés employés selon des modalités " standard " à 38 heures hebdomadaires en accordant seulement des jours de repos au titre de la bonification légale des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures, décide exactement qu'elle a méconnu les dispositions précitées.

2° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Procédure d'extension - Arrêté d'extension - Application - Etendue.

2° STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Application - Application dans le temps - Arrêté d'extension - Clause d'entrée en vigueur - Portée.

2° Un accord dont l'entrée en vigueur est subordonnée à la seule parution de son arrêté d'extension, sans distinction entre les dispositions étendues et celles éventuellement exclues de l'extension, est applicable dans son intégralité à compter de la survenance de cet événement aux signataires ou membres de groupements signataires, peu important que l'extension soit totale ou partielle.


Références :

1° :
1° :
2° :
Arrêté du 21 décembre 1999 (J.O., 24 décembre 1999)
Code du travail L132-10, L135-1
Code du travail L212-1, L212-1 bis, L212-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 novembre 2004


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2006, pourvoi n°05-10051, Bull. civ. 2006 V N° 322 p. 309
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 V N° 322 p. 309

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Sargos.
Avocat général : Avocat général : M. Legoux.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Leprieur.
Avocat(s) : Avocats : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.10051
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